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La prise en compte des motifs au titre des vitiating factors en droit anglais. En

common law, les parties sont tenues par le contrat conclu en vertu de la « sanctity of

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Ce qui se réfère à l’intentionnalité juridique.

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V. par ex. E. MCKENDRICK, Contract Law, Text, Cases, and Materials, 5ème

éd., Oxford, 2012, p. 19 et s.

68 V. R. DUXBURY, Contract Law, 2nd ed., Sweet & Maxwell, 2011, n° 1-007.

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C. POPINEAU-DEHAULLON, Les remèdes de justice privée à l’inexécution du contrat, Etude comparative, thèse, préface M. GORE, L.G.D.J., 2008, n° 405.

contracts »71, laquelle se traduit techniquement par la notion d’enforceability. Un contrat est dit enforced lorsque son exécution, entendue au sens large, est imposée aux parties, de sorte qu’un contrat enforceable est celui qui présente l’aptitude à être juridiquement contraignant pour ses auteurs72. La force obligatoire du contrat dépend toutefois de sa validité : en application du « no obligation principle », l’accord est dénué de caractère contraignant à défaut de constituer un contrat valable73. Les motifs sont alors pris en compte au titre de la mise en œuvre de certains vitiating factors74, c’est-à-dire des institutions permettant de le contester75.

Cela se vérifie tout d’abord s’agissant de la mise en œuvre de l’erreur. La common law admet la remise en cause du contrat en cas d’inexactitude de la représentation d’éléments essentiels déterminants du consentement des parties, ce qui relève de la notion de mistake. Plusieurs types d’erreurs admises sont distingués et certaines d’entre elles portent sur « l’existence, ou éventuellement l’identité, de la chose objet du contrat », ou sur la « qualité de

la chose objet du contrat »76. L’erreur est classiquement présentée comme fondée sur l’idée d’une impossibilité d’exécuter le contrat tel que voulu par les parties, conformément à ce

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J. BEATSON, A. BURROWS, J. CARTWRIGHT, Anson’s Law of Contract, 29ème

éd., Oxford, 2010, p. 7 s. ; M.-P. WELLER, Die Vertragstreue: Vertragsbindung - Naturalerfüllungsgrundsatz – Leistungstreue, Habilitationsschrift, Tübingen, Mohr Siebeck, 2009, p. 118 s. ; TALLON et D. HARRIS, « Introduction au droit anglais des contrats », in Le contrat aujourd’hui : comparaisons franco-anglaises, LGDJ, 1987, n° 2 : « [s]’agissant à présent de la force obligatoire du contrat, un trait qui a frappé tous les observateurs continentaux est le caractère absolu de l’obligation contractuelle : l’engagement né de la promesse est conçu non comme un devoir de diligence mais comme la garantie d’un résultat (…) ». La force obligatoire du contrat a longtemps pu être justifiée par des considérations morales, issues du précepte religieux de la foi jurée, s’exprimant par le principe du respect de la parole donnée [v. B. COOTE, Contract as Assumption, Essays on a Theme, Oxford, Hart Publishing, 2010, p. 19 : l’auteur envisage les différents fondements qui ont pu être avancés pour justifier l’engagement contractuel et constate alors qu’« [i]n the past, morality and religion have been accepted reasons » ; C. FRIED, « The Ambitions of Contract as Promise », in Philosophical Foundations of Contract Law, (dir.) G. KLASS, G. LETSAS & P. SAPRAI, Oxford, 2014, p. 17 et s. ; v. contra R. E. BARNETT, « Contract Is Not Promise ; Contract Is Consent », in Philosophical Foundations of Contract Law, op. cit., p. 42 et s.]. Suivant une autre approche, la force obligatoire du contrat se fonderait sur l’idée qu’il constitue un acte de prévision sur lequel autrui a pu compter, c’est-à-dire que sa force contraignante s’imposerait au regard de la confiance légitime qu’il fait naître [v. B. COOTE, op. cit., p. 20 et s. au sujet de la reasonable expectations theory et sa déclinaison à travers la reliance theory ; rappr. J. RAZ « Is There a Reason to Keep a Promise ? », in Philosophical Foundations of Contract Law, op. cit., p. 58 et s, spéc. p. 73 : « [t]he general point of promising, I conclude, is to give promisees the normative assurance of the promised act »].

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ANSON définit d’ailleurs le contrat comme « an agreement enforceable in law » [cité par W. SWAIN, The Law of Contract, 1670-1870, Cambridge, 2015 p. 204].

73

V. S. A. SMITH, Contract Theory, Clarendon Law Series, 2004, p. 249 : « the no obligation principle is internal to contract law. It supposes that the reason the contract is unenforceable is that no valid contract was created – just as if, say, the contract lacked consideration or a necessary formality ».

74 Littéralement : les facteurs viciant le contrat. V. par ex. J. CARTWRIGHT, Contract Law, An Introduction to the Eglish Law of Contract for the Civil Lawyer, 3rd

ed., Bloomsbury, 2016.

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Ces vitiating factors ne sont généralement pas expressément désignés comme des conditions de validité du contrat par la doctrine. Si les notions de valid contract [littéralement : contrat valable. V. par ex E. MCKENDRICK, op. cit., p. 49] ou encore celle de validity [littéralement : validité. V. par ex. E. MCKENDRICK, op. cit., p. 520] ne sont pas inconnues, elles ne constituent pas une subdivision classique de la matière. Se retrouvent d’ailleurs davantage les expressions vitiating elements [Littéralement : les éléments viciant le contrat. V. par ex. N. ANDREWS, Contract Law, 2ème

éd., Cambridge University Press, 2015.], vitiating factors [Littéralement : les facteurs tendant à anéantir l’engagement contractuel. V. J. BEATSON, A. BURROWS, J. CARTWRIGHT, op. cit.], factors tending to defeat contract liability [Littéralement : les facteurs tendant à anéantir l’engagement contractuel. V. J. BEATSON, A. BURROWS, J. CARTWRIGHT, op. cit.], ou encore factors rendering a contract defective [Littéralement : les facteurs rendant un contrat défectueux. V. A. BURROWS,A Restatement of the English Law of Contract, Oxford, 2016.].

qu’elles ont convenu77. L’erreur admise en droit anglais est opposée à l’erreur, indifférente, sur de simples motifs. Les éléments déterminants du consentement des parties pouvant faire l’objet d’une erreur sanctionnée sont ainsi opposés aux simples motifs, qui désignent alors les raisons personnelles des parties ne participant pas de leur accord. Par exemple, dans l’arrêt Smith v

Hughes78, l’erreur sur l’âge de l’avoine achetée par un éleveur de chevaux de course ne fut pas admise – alors même que cette qualité était déterminante de son consentement – dans la mesure où il s’agissait d’ « un simple motif opérant chez l’acheteur et le poussant à acheter », lequel ne pouvait être confondu « avec une condition essentielle de formation du contrat. (…) ». Si la

mistake permet donc de prendre en compte des éléments essentiels déterminants du

consentement des parties – qui peuvent, en tant que tels, être qualifiés de motifs contractuels – ce n’est pas le cas de simples motifs qui n’ont pas été convenus par les parties79. L’erreur sur un motif déterminant du consentement d’une partie est plus largement admise lorsqu’elle résulte d’une misrepresentation, c’est-à-dire lorsqu’elle a été provoquée par une affirmation – entendue au sens large – erronée de son cocontractant80.

L’illegality constitue un autre vitiating factor sur le fondement duquel sont pris en compte les motifs contractuels. En effet, le droit anglais refuse de reconnaître la force obligatoire des contrats dont le but (purpose) est illegal, sur le fondement d’un texte (statutory illegality) ou de l’ordre public (common law illegality)81. Les motifs illicites des contractants fondent ainsi l’impossibilité pour ces derniers de se prévaloir du contrat.

Un dernier vitiating factor peut être mentionné s’agissant d’établir l’importance du rôle des motifs contractuels en droit anglais : il s’agit du cas où le contrat est qualifié de frustrated, en application de la théorie de la frustration. La doctrine de la frustration concerne l’impossibilité d’exécution du contrat conformément aux attentes des parties, en raison de développements inattendus en cours d’exécution, ce qui conduit à les libérer de leurs engagements. Dans un arrêt constituant un leading case en la matière, les juges ont ainsi justifié la doctrine de la frustration par l’idée que « le fondement de ce que les parties sont réputées

avoir eu en contemplation a disparu, et le contrat lui-même s’est dissout avec son

77

P. S. ATIYAH, S. A. SMITH, Introduction to the Law of Contract, 6th

ed., Clarendon Press - Oxford, 2005 p. 183.

78

Smith v Hughes (1871) L.R. 6 QB.

79

V. les propos du Lord Chief Justice COCKBURN dans l’arrêt Smith v Hughes (1871) L.R. 6 QB : « The defendant believed the oats to be old, and was thus induced to agree to buy them, but he omitted to make their age a condition of the contract » [notre traduction : « Le défendeur croyait que l’avoine était vieille, ce qui l’a poussé à accepter la vente, mais il a omis de faire de l’âge de l’avoine une condition du contrat »].

80

V. R. DUXBURY, Contract Law, 2nd

ed., 2011, Sweet & Maxwell, n° 11-020 et s.

fondement »82. La mise en œuvre de la frustration permet ainsi d’envisager la perte d’utilité du contrat, qui intervient au cours de son exécution et ne doit pas être laissée à la charge des parties.