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Le fondement du § 307 (2) du BGB en droit allemand

PARTIE I – L’INTEGRATION MINIMALE DES MOTIFS PAR LA CONTREPARTIE

Section 1 – La sanction de la contrepartie illusoire

B- La sanction spéciale des clauses incohérentes avec la contrepartie en droits anglais et allemand

2. Le fondement du § 307 (2) du BGB en droit allemand

132. Le cadre de la règlementation des conditions générales d’affaire. Le principe de

la validité des clauses limitatives ou exclusives de responsabilité est admis en droit allemand. Les clauses limitatives de responsabilité (Haftungsbeschränkungsklauseln) et exclusives de responsabilité (Haftungsauschlussklauseln) font l’objet de dispositions spécifiques dans le BGB. Le § 276 (1) admet ainsi leur validité même en cas de négligence561. En revanche, le § 276 (3) exclut la possibilité pour le débiteur de s’exonérer à l’avance de sa responsabilité en cas de faute intentionnelle. Le BGB règle par ailleurs l’insertion de clauses relatives à la responsabilité pour certains contrats spéciaux tels que la vente (§ 444 du BGB) ou encore le contrat de voyage (§ 651 du BGB). Ces dispositions ne fondent toutefois pas l’éventuelle mise

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B. MARKESINIS, art. préc., p. 746.

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Ce texte dispose que « [l]e débiteur est tenu de répondre de sa faute intentionnelle et de sa négligence, si une responsabilité plus sévère ou plus légère n’est pas prescrite expressément ou ne résulte pas du contenu du rapport d’obligation, en particulier de la prise en charge d’une garantie ou d’un risque d’approvisionnement » [Traduction de l’allemand par G. LARDEUX, R. LEGEAIS, M. PEDAMON, C. WITZ, op. cit.].

à l’écart de clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité qui porteraient atteinte à la contrepartie du contrat à titre onéreux. Un tel contrôle de la cohérence des stipulations contractuelles résulte du § 307 du BGB.

Ce texte constitue une Generalklausel, c’est-à-dire une clause générale du droit allemand permettant d’assurer la sanction de clauses qui ne sont pas spécialement visées par des dispositions relatives au contrôle les clauses abusives des conditions générales d’affaire. Le § 307 s’inscrit en effet dans le cadre de la Section 2 du Livre 2 du BGB concernant les règles applicables aux conditions générales d’affaire, ces dernières consistant dans les conditions contractuelles non négociées qui, formulées à l’avance, sont imposées à une partie par l’autre562. Le § 307 (1) dispose que « [l]es clauses des conditions générales contractuelles sont inefficaces

si, contrairement aux exigences de la bonne foi, elles désavantagent de manière inappropriée le cocontractant du stipulant »563. Il peut être appliqué au contrôle des conditions générales de tout contrat, sans considération de la qualité des parties. Le fondement de cette disposition ne consiste alors pas dans l’idée de nécessité de la protection d’une partie réputée faible : un professionnel aguerri peut se voir imposer des conditions générales en raison d’une situation de monopole et se prévaloir de cette disposition pour obtenir la suppression des clauses qui y contreviendraient. Le § 307 (2) précise qu’« en cas de doute, il y a lieu d’admettre un

désavantage inapproprié : (…) 2. lorsqu’elle restreint les droits et obligations essentiels découlant de la nature du contrat, de telle sorte que la réalisation du but contractuel est menacée »564.

Comme le relève M. WITZ, les clauses exonératoires de responsabilité se retrouvent ici particulièrement concernées565. Ainsi, le Bundesgerichtshof a écarté l’application de telles clauses lorsque, visant les obligations essentielles (les Kardinalpflichten), elles contrariaient la réalisation du but contractuel. La Haute juridiction a par exemple condamné la clause des conditions générales limitant la responsabilité du gérant d’un entrepôt pour perte de marchandises entreposées, même en cas de négligence grave de sa part ou de la part des cadres dirigeants de son entreprise566. De même, le Bundesgerichtshof a supprimé la clause des conditions générales d’affaires d’une entreprise l’exonérant de sa responsabilité pour les

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§ 305 (1) du BGB.

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Traduction de l’allemand par G. LARDEUX, R. LEGEAIS, M. PEDAMON, C. WITZ, op. cit.

564 Ibid.

565

C. WITZ, op. cit., n° 463.

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dommages causés aux ordinateurs particulièrement sophistiqués et sensibles pour lesquels elle était chargée d’installer une climatisation567.

Au demeurant, le BGB, bien que limitant la suppression de clauses menaçant la réalisation du but du contrat au cadre du contrôle des conditions générales d’affaires, semble finalement permettre l’obtention de résultats concrets proches de ceux des droits anglais et français, lesquels admettent la sanction des clauses s’avérant incohérentes avec la contrepartie raisonnablement attendue dans des hypothèses de déséquilibre des positions contractuelles.

133. Bilan du paragraphe. En définitive, la contrepartie peut être illusoire – et donc

insatisfaisante au regard de l’exigence d’une contrepartie minimale pour la validité du contrat à titre onéreux – en raison de l’intégration de clauses incohérentes avec l’avantage minimal pouvant être raisonnablement attendu par un contractant à qui, au regard du déséquilibre de sa position contractuelle, elles ont été imposées. Les effets de l’invalidité sont néanmoins ici particuliers en ce qu’ils consistent, non pas en la remise en cause du contrat dans son entier, mais en la neutralisation des seules clauses litigieuses. Les droits étudiés se rejoignent en effet sur le principe de la suppression des clauses incohérentes, suppression permettant de rétablir une contrepartie minimale satisfaisante. La contrepartie prévue peut, par ailleurs, être illusoire au regard de son incohérence avec, non pas des stipulations contractuelles, mais avec certains éléments de fait qui conduisent au constat de son inconsistance. Ces éléments de fait, constituant une réalité qui ne peut être changée, c’est, dans ce cas, le contrat dans son ensemble qui est invalidé.

§2- La contrepartie contredite par des éléments de fait

134. L’impossibilité de concrétiser la contrepartie. Le principe de l’exigence d’une

contrepartie minimale pour la validité du contrat à titre onéreux, signifie que, conformément à l’intention contractuelle des parties, chacune d’entre elles doit s’engager dans la perspective de l’obtention d’un avantage, lequel est un motif nécessaire de leur engagement intéressé. Pour que le contrat soit valable, cet avantage doit être réel : l’avantage prévu au contrat doit effectivement constituer un intérêt minimal. Cet avantage ne doit dès lors pas être privé de toute consistance au regard des éléments de fait. Les droits étudiés retiennent ainsi l’invalidité du contrat sur le fondement du caractère illusoire de la contrepartie lorsque cette dernière est inconsistante au regard des données de fait. Le caractère illusoire de la contrepartie a par ailleurs été retenu, en droit français, au-delà de la vérification de l’existence d’un intérêt minimal porté

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par la contrepartie. En effet, la jurisprudence a eu l’occasion de retenir l’absence de contrepartie réelle, en dépit de la réalité de l’avantage minimal qu’elle conférait, dès lors qu’elle n’était d’aucune utilité concrète pour son bénéficiaire. La sanction de la contrepartie illusoire ne se présente toutefois pas comme le fondement opportun pour la prise en compte de l’impossibilité de satisfaire l’utilité poursuivie par le contrat.

Il convient d’exposer la sanction l’inconsistance de l’avantage prévu (A), opérée sur le fondement de la contrepartie illusoire, avant de considérer l’inopportunité du fondement de la contrepartie illusoire s’agissant de sanctionner l’inutilité du contrat (B).