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Support électronique du contrat de travail

Dans le document Les relations numériques de travail (Page 180-183)

Section 2 Conclusion et rupture électroniques du contrat

A. Support électronique du contrat de travail

212. Absence de formalisme - S’agissant du support physique ou électronique du contrat de travail, l’article L. 1221-1 du Code du travail prévoit que les parties peuvent décider des formes dans lesquelles elles conviennent de l’établir. On peut donc supposer qu’il est possible de conclure un contrat de travail électronique. Dans un arrêt en date du 5 juillet 2005, la Cour de cassation considère également que « le contrat de travail à durée indéterminée peut être constaté dans les formes qu’il convient aux parties contractantes d’adopter ; qu’il en résulte que la preuve d’un accord des parties relativement aux clauses d’un contrat de travail à durée indéterminée et particulièrement à une période d’essai n’est pas subordonnée à un écrit »850. L’employeur pourra donc recourir au recommandé par voie électronique (1) qui suppose un certain formalisme pour se substituer au papier. En matière contentieuse, la preuve de l’existence du contrat sera toutefois admissible par tout moyen (2).

1) Recommandé par voie électronique

213. Conclusion et vie du contrat - L'ancien article 1369-8 du Code civil repris à l'identique à l'article 1127-5 autorise l'envoi par courrier électronique de lettre recommandée relative à la conclusion ou l'exécution de tout contrat, et donc notamment des contrats de travail851. Pour le contrat de travail, il peut donc s'agir d'une promesse d'embauche ou du contrat de travail lui-même. En ce qui concerne l'exécution du contrat de travail, ce mode de correspondance est également susceptible d’être utilisé dans le cadre des relations entre l’employeur et son salarié. Il pourra notamment s'agir d'un avenant au contrat de travail ou d'une note d'information, mais également satisfaire aux cas de recours à une lettre recommandée prévus par le contrat de travail852.

850 Cass. soc., 5 juil. 2005, pourvoi n°03-46.475, inédit.

851 « Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des

obligations » (JO n°0035, 11 février 2016).

852 On peut citer par exemple : la notification au salarié par l’employeur d’une sanction disciplinaire autre que le licenciement (C.

trav. art. R 1332-2) ; l’envoi par la salariée enceinte à son employeur d’un certificat médical attestant son état de grossesse et la date présumée de son accouchement afin de bénéficier de la protection contre le licenciement (C. trav. art. R 1225-1) ; l’information du salarié par l’employeur lorsque que ce dernier envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail de l’intéressé pour un motif économique (C. trav. art. L 1222-6) ; la demande du salarié de la suspension de son contrat de travail dans le cadre d’un congé parental d’éducation (C. trav. art. R 1225-13), d’un congé sabbatique (C. trav. art. D 3142-47), pour l’exercice d’un mandat parlementaire (C. trav. art. D 3142-35).

214. Recommandé par voie électronique - Un décret du 2 février 2011 précise les caractéristiques de la lettre recommandée envoyée par voie électronique853. Le salarié, destinataire dit « non professionnel », doit avoir donné son accord explicite pour recevoir un courrier recommandé électronique. Cet accord se matérialise par un écrit. Une fois cet accord obtenu, trois conditions doivent alors être remplies pour rendre l'envoi valable : le courrier doit être acheminé par un tiers identifiable (le prestataire) ; le courrier doit désigner l'expéditeur ; le destinataire doit être précisément identifié. L'employeur doit communiquer au prestataire choisi pour l'acheminement du courrier, les informations suivantes : sa propre identité, l'identité et l'adresse du destinataire, le statut professionnel ou non du destinataire, le choix d'une lettre recommandée avec ou sans accusé de réception, le choix d'une lettre imprimée sur papier ou non et le choix du niveau de garantie contre les risques de perte, vol ou détérioration. Dans la pratique peu d’entreprises ont adopté jusqu’à présent ce format854. Plusieurs observateurs notent que la procédure instaurée par ce décret est assez lourde et dangereuse855, ils estiment plus prudent de résoudre les contrats par l’envoi d’un courrier postal classique856. Il semble en effet fastidieux de recourir à ce moyen qui nécessite impérativement que l'accord préalable du salarié soit recueilli et l'identification systématique de chaque partie (identifications multiples, collecte et mise à jour des adresses e-mail et des coordonnées des salariés). Paradoxalement, la conclusion électronique du contrat fait perdre beaucoup de temps et ne s’adresse qu’à des grandes entreprises qui ont les moyens de mettre en place des processus qui restent hors de la portée des petites et moyennes entreprises (ou des simples salariés)857. Le législateur pourrait étendre la portée des lettres électroniques et simplifier ce dispositif, ce qui répondrait aux objectifs de modernisation et de simplification guidant l’utilisation des moyens informatiques.

215. Personne dûment identifiée - L'e-mail (ou courriel) doit être distingué de la « signature électronique ». Le concept de signature numérique défini comme la conservation sous forme numérique d'une signature manuscrite produite via un écran tactile, a été introduit dans le droit français par l'article R. 249-11 du Code de procédure

853 « Décret n° 2011-144 du 2 février 2011 relatif à l’envoi d’une lettre recommandée par courrier électronique pour la conclusion

ou l’exécution d’un contrat ».

854 Depuis le mois de février 2013, chaque nouveau collaborateur d'Ernst & Young signe son contrat de travail de façon

électronique et le conserve dans un coffre-fort sécurisé dans les centres d'hébergement de la Caisse des Dépôts et Consignations qui en garantit la valeur probante et la pérennité. EY - La signature électronique du contrat de travail, http://www.ey.com/FR/fr/Careers/Ernst-Young---La-signature-electronique-du-contrat-de-travail, consulté le 24 juillet 2015.

855 E. Ternynck, « La preuve électronique, figure des errances et des doutes du législateur », LPA, 28 octobre 2011, p. 7. 856 G. Guerlin, « La lettre recommandée électronique : quel usage ? », LEDC, no 130, septembre 2013, p. 7.

pénale. Il est également possible de recourir à la signature électronique pour parfaire le contrat de travail électronique858. La signature électronique est un mécanisme permettant de garantir l'intégrité d'un document électronique et d'en authentifier l'auteur, par analogie avec la signature manuscrite d'un document papier859. Le droit du travail étant silencieux en matière de signature électronique, il y a lieu à nouveau d’appliquer les règles civiles en la matière. Depuis la loi n°2000-230 du 13 mars 2000, la signature électronique d'un document a en France la même valeur légale qu'une signature manuscrite860. Concrètement, lorsque le contrat est prêt à être signé, il est envoyé au salarié. Selon les cas, il le reçoit sur sa messagerie électronique ou se connecte à une plateforme pour y accéder. Il reçoit ensuite, par SMS ou par e-mail un code lui permettant de signer le document.

2) Preuve du contrat par tout moyen

216. Preuve du contrat – Le recommandé par voix électronique n’est toutefois pas exclusif de nouvelles formes de conclusion du contrat de travail par voie électronique qui pourrait prendre la d’un simple courriel, ou d’un SMS. Dans un arrêt du 16 janvier 2013, la cour d’appel de Poitiers s’appuie sur les messages de l’employeur sur son compte Facebook pour déterminer l’existence d’un contrat de travail revendiquée par l’employée. Une vendeuse d’un magasin de l’île d’Oléron voulait voir reconnaître qu’elle avait été embauchée début juillet 2009 et licenciée le 21 juillet suivant. Or, la responsable de l’établissement se prévalait de relations amicales pour contester le lien de subordination et donc le contrat de travail. Or, sur sa page Facebook, elle désignait la personne comme sa vendeuse, se plaignait d’elle et a même affirmé qu’elle avait « viré la vendeuse ». L’employeur soutenait que les messages avaient été obtenus de manière déloyale. Ce que la cour a contesté en rappelant « qu’ils ont été émis par l’appelante sans restriction de destinataire sur le réseau social et qu’ils pouvaient ainsi être consultés de manière libre par toute personne »861.

858 J.-P. Tricoit, « Recrutement, rupture du contrat de travail et TIC », op. cit., p. 1381. 859 « Signature numérique », dans Wikipédia, 2015, .

860 « Loi n° 2000-230 du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information et relative à la

signature électronique » (JO n°62, 14 mars 2000, p. 3968).

217. Titre le plus vraisemblable – L’article 1127 du Code civil conditionne le support du message à la qualité du destinataire, ainsi « les informations destinées à un professionnel peuvent lui être adressées par courrier électronique, dès lors qu'il a communiqué son adresse électronique ». L'article 1127-4 du Code civil précise toutefois qu’« une lettre simple relative à la conclusion ou à l'exécution d'un contrat peut être envoyée par courrier électronique. L'apposition de la date d'expédition résulte d'un procédé électronique dont la fiabilité est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsqu'il satisfait à des exigences fixées par décret en Conseil d'Etat ». Cela montre que la loi nouvelle place délibérément les différents supports sur un pied d'égalité et se refuse à reconnaître une prééminence au support papier, sauf disposition légale ou convention contraires. Par un arrêt du 1er juillet 2015, la Cour de cassation considère qu’un courrier électronique envoyé par une société à un expert-comptable lui demandant une réponse étudiée sur trois questions précises, relatives à la fiscalité en Tunisie, constitue une commande ferme de prestation862.

Dans le document Les relations numériques de travail (Page 180-183)