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Les entrepreneurs collaboratifs

Dans le document Les relations numériques de travail (Page 148-164)

Section 2 La subordination numérique

C. Les entrepreneurs collaboratifs

170. L’entrepreneur collaboratif – « Le lien collaboratif n’est a priori pas assimilable à une relation salariée puisque le producteur ne met pas sa force de travail à la disposition de la plateforme mais à la disposition de chaque consommateur. Pour autant, il n’est pas contestable que la production est réalisée dans un cadre au moins partiellement organisé par la plateforme. Ce constat conduit à s’interroger sur le statut professionnel et social du producteur (l’entrepreneur collaboratif) » 696 . Selon

l'expression d'Alain Supiot, « le droit commun du travail, qui répond au rapprochement de toutes les formes du travail, doit donc être complété par des droits spéciaux qui tiennent compte de la diversité des travaux humains » 697. Les droits reconnus aux personnes relevant de cette nouvelle catégorie seraient distincts en fonction de chaque situation et du degré d'autonomie dans l'organisation de l'activité du travailleur698. Dans son rapport à la Commission européenne de 1999 « Au-delà de l’emploi », Alain Supiot les déclinait sous forme de cercles concentriques : le premier d'entre eux concernait les droits sociaux universels, proches de l’allocation universelle, c’est-à-dire garantis à tous indépendamment de tout travail ; le deuxième cercle portait sur les droits fondés sur le travail non professionnel ; le troisième cercle comportait le droit commun de l’activité professionnelle, dont certains fondements sont déjà posés en droit communautaire, tels que les règles en matière d’hygiène et de sécurité. Enfin, le quatrième cercle est relatif au droit du travail salarié qui resterait lui inchangé699. Il convient de s’interroger sur

l’équilbre entre ces différents cercles afin de ne pas créer de trop grandes distorsions à travers la création d’un nouveau statut intermédiaire (a) et un socle de droits fondamentaux (b).

a. La création d’un statut intermédiaire

171. Une catégorie intermédiaire - Irons-nous vers l’élaboration d’un statut intermédiaire ? Hors de l’indépendance, hors du contrat de travail, tout deux mal adaptés à la situation de l’emploi numérique d’aujourd’hui et de demain ? Avec l’épanouissement d’une nouvelle société de l’information, le nombre et l’importance

696 B. Serizay, « Quel statut pour les entrepreneurs collaboratifs ? », op. cit., p. 3. 697 A. Supiot, « Les nouveaux visages de la subordination », op. cit., p. 184.

698 J. Barthélémy, « Du droit du travail au droit de l’activité professionnelle », Les Cahiers du DRH, no 144, 2008, p. 35. 699 A. Supiot, Au-delà de l’emploi, op. cit.

d’activités « intelligentes » vont croître et font apparaître une « zone grise » dans la sphère travail700. On définit comme zones grises les formes de travail qu’on peut difficilement ramener à une logique binaire, parce qu’elles présentent objectivement certains caractères qui sont propres au travail salarié et d’autres qui sont propres au travail indépendant701. De nombreux auteurs, estimant dépassée la distinction binaire entre subordination et indépendance, ont proposé de faire émerger une catégorie intermédiaire entre le salariat et le travailleur indépendant. Jacques Barthelemy propose d’imaginer « une qualification intermédiaire entre le contrat de travail et le contrat de mandat ou d’entreprise, matérialisé par un état de dépendance économique, mais aussi par un degré élevé d’autonomie ou une indépendance dans l’exercice professionnel »702.

Une protection nécessaire mais pas nécessairement la même que celle qu’implique la soumission permanente et totale aux ordres d’un représentant de l’entreprise. Cette troisième catégorie est parfois qualifiée de « parasubordonnée »703, ou de « travail

indépendant économiquement subordonné »704. Elle s'appliquerait aux situations dans

lesquelles le travailleur n'exploite pas une entreprise avec des salariés, n’est pas subordonné au sens juridique, mais est indépendant dans l’organisation de son activité dont il assume une partie des risques, tout en étant soumis à une autorité ou à une contrainte économique. Cette nouvelle législation du travail représenterait une troisième voie entre le salariat de l’ère industrielle, considéré comme subordonné et les nombreux travailleurs jusqu’à présent considérés comme indépendants. Un rapport sur le portage salarial suggère de créer un « intérim d’indépendants »705. Ce nouveau statut aurait pour

effet « de remplacer une frontière déjà floue, par deux frontières, l’une avec le contrat de travail, l’autre avec le contrat d’entreprise »706. Jusqu’à présent le droit du travail français traite de cette « zone » grise en l’intégrant si nécessaire vers le salariat, soit par assimilation, soit par extension des frontières du droit du travail. La septième partie du code du travail énonce clairement des dispositions particulières à certaines professions et activités mais pourquoi ne pas protéger tous les autres travailleurs ?

700 C. Kang, Coalition of Start-Ups and Labor Call for Rethinking of Worker Policies,

http://bits.blogs.nytimes.com/2015/11/09/coalition-of-start-ups-and-labor-call-for-rethinking-of-worker-policies/, consulté le 10 novembre 2015.

701 A. Perulli, Travail économiquement dépendant/parasubordination : les aspects juridiques, sociales et économiques, 2003,

p. 12.

702 J. Barthélémy, « Le professionnel parasubordonné », op. cit., p. 708. 703 J. Barthélémy, « Parasubordination », Les Cahiers du DRH, mai 2008, p. 27.

704 A. Perulli, Étude sur le travail économiquement dépendant ou parasubordonné par le Professeur Adalberto Perulli, Bruxelles,

Commission de l’emploi et des affaires sociales, 2003.

705 Recommandation n°9 : « Réaliser la sécurisation du portage pérenne par transposition de dispositifs existants d’accès au

régime du salariat hors contrat de travail. Favoriser le déploiement de services support à disposition des professionnels autonomes » C. Lenoir et F. Schechter, L’avenir et les voies de régulation du portage salarial, op. cit., p. 43.

172. Lien de sub-organisation – Est considéré comme salarié par le Code de la sécurité sociale celui qui accomplit un travail pour un employeur dans un lien de subordination juridique permanent707. En droit du travail, « l'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes (…) fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci »708. Mais ne pourrait-on pas créer une nouvelle catégorie de travailleur avec un autre critère que la subordination juridique ? Avec la démocratisation des smartphones possédés par des travailleurs économiquement dépendants, comme dans celles de certains salariés, la subordination juridique qui définit le contrat de travail doit être prise au pied de la lettre puisqu’ils sont en permanence connectés. Or, la subordination juridique n’est pas de nature à protéger de la domination du temps numérique qui n’est pas uniquement le fait de l’employeur ou du donneur d’ordre. « L’accélération du temps de travail excède de beaucoup la relation salarié-employeur ; elle est sociétale, paradigmatique. En somme, le lien de subordination ne protège que le salarié en tant que partie faible au contrat »709. La subordination est reconnue pour protéger le salarié à travers un rapport

contractuel. Autrement dit, la protection s’opère avec le consentement, l’assentiment des parties au contrat. Or, le rapport de domination n’est pas un rapport contractuel mais bien une relation d’asservissement qui excède de loin le consentement. Il manque une notion juridique susceptible de protéger les « indépendants économiquement dépendants » en tant que partie faible de l’exécution du contrat, comme les salariés qui jouissent a priori d’une certaine autonomie. « Reconnaître aux côtés du lien de subordination un lien de domination apparaît essentiel. Ce lien de domination se définirait alors comme l’ensemble des conditions de travail qui lient le travailleur au- delà de son accord de volonté (accord de volonté émis tant au moment de la conclusion du contrat, qu’au moment de l’exécution du contrat lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre le régime de la modification du contrat de travail). Ce lien habiliterait un contrôle judiciaire de la légitimité des conditions de travail. Autrement dit, il s’agirait

707 Le terme de « lien de subordination permanent » a été introduit par l’article 35 de la loi Madelin dans le code de la sécurité

sociale à l’article L. 311-11 : « Les personnes physiques visées au premier alinéa de l’article 120-3 du code du travail ne relèvent du régime général de la sécurité sociale que s’il est établi que leur activité les place dans un lien de subordination juridique permanent à l’égard d’un donneur d’ordre (...) ». Loi n° 94-126 du 11 février 1994, relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle (JO, n°37, 13 février 1994, p. 2493).

708 C. trav. art. L. 8221-6.

709 C. Sintez, « De la subordination à la domination du salarié : la « preuve sociologique » par le temps de travail », Siècles.

d’introduire en droit du travail un critère de légitimité des conditions de travail »710. On

perçoit avec cette proposition de définition du lien de domination toute la complémentarité avec le lien de subordination. En ce qui concerne la vie privée du salarié et le temps de travail, certains temps sont par exemple consacré par le salarié à travailler à distance mais sont exclus du temps de travail par l’employeur711. Le lien de domination est une notion nécessaire qui permettrait de donner de l’unité aux possibilités du juge d’exercer pleinement un contrôle de légitimité des conditions de travail et une rémunération minimale.

173. En Europe - Certains de nos voisins européens ont opté pour des dispositifs proches d’un « statut intermédiaire », à des degrés divers. L’Espagne est le pays qui est allé le plus loin vers la création d’un statut intermédiaire entre le travail salarié et le travail indépendant. La loi portant sur les « travailleurs autonomes », adoptée en 2007, consacre également le statut de « travailleur autonome économiquement dépendant », en vertu de plusieurs critères : il doit « exercer une activité économique ou professionnelle à but lucratif de manière habituelle, personnelle, directe et prépondérante au profit d'une personne physique ou morale dénommée client, dont il dépend économiquement pour percevoir au moins 75 % des revenus de son activité professionnelle »712. Ces

expériences très diverses ont pour point commun d'avoir instauré une protection qui s'inspire assez largement des règles du salariat. Il y a là une illustration de l’idée que la dépendance à l’égard d’autrui, même si elle n’est qu’économique et non juridique, justifie une protection particulière.

174. L’intervention du législateur - Une remodulation organique des protections suppose nécessairement l’intervention du législateur national. « Ces sujets justifient un débat dont il est aisé de deviner à la fois les difficultés et l’inéluctabilité puisque l’évolution des formes d’organisation économique a fait qu’une zone médiane se développe entre salariés et indépendants, mais aussi que les questions de sécurisation des parcours professionnels discontinus d’un nombre croissant de personnes ont acquis une importance majeure »713. Dans les pays qui reconnaissent l’existence d’une

catégorie intermédiaire entre les statuts de salarié et de travailleur indépendant, on

710 Ibid.

711 Infra. Partie 1, titre 2, chapitre 2, section 1, II, B, 2 : « un droit inadapté au temps des réseaux ». 712 FRANCE, Conseil d’orientation pour l’emploi, L’évolution des formes d’emploi, op. cit., p. 187. 713 C. Lenoir et F. Schechter, L’avenir et les voies de régulation du portage salarial, op. cit., p. 44.

observe que la situation de dépendance économique va de pair avec la reconnaissance d'une série de droits dont ne jouissent pas les autres catégories de travailleurs indépendants, même si les droits en question sont moindres que ceux des salariés. Les droits du travailleur indépendant économiquement dépendant peuvent ainsi être relatifs à la protection sociale. Ils peuvent être aussi inspirés des garanties offertes par le droit du travail aux salariés. Dans cette mesure, ils peuvent s’appliquer aux relations individuelles entre le travailleur et son client (droit aux congés, durée maximale du travail, motifs particuliers de rupture du contrat, etc.) mais aussi conduire à reconnaître aux travailleurs indépendants économiquement dépendants le droit de s'organiser et d’agir collectivement pour défendre et poursuivre leurs intérêts professionnels714.

Jusqu’à présent en France, au cours des négociations sociales, les organisations syndicales ont refusé de négocier sur la sphère des indépendants, estimant que le sujet relève du seul domaine de la loi.

175. Droits liés à la dépendance économique - Le rapport sur le travail économiquement dépendant de Paul-Henri Antonmattéi et Jean-Christophe Sciberrasse fonde sur des expériences étrangères (Allemagne, Espagne, Italie, Royaume-Uni) qui ont apporté des solutions variées à la situation de cette catégorie particulière de travailleurs indépendants715. Les deux rapporteurs préconisent une protection à « 3

étages » pour les travailleurs indépendants qui, travaillant seuls, sont liés à leur donneur d’ordre par un contrat d’une durée minimum de deux mois pour une activité correspondant à 50% de leur chiffre d’affaires. Ces derniers pourraient se voir garantir : des droits liés à la dépendance économique sans qu’il soit nécessaire de modifier la loi (droit à la représentation collective par des syndicats de travailleurs indépendants, droit de grève etc.) ; des droits garantis par la loi : droit au repos quotidien et hebdomadaire, droit aux indemnités forfaitaires en cas de rupture du contrat commercial et de motivation de cette rupture, droit à la protection de la santé et à de la sécurité au travail etc. ; des droits qui pourraient être accordés conventionnellement.

176. Responsabilité sociale des plateformes – La numérisation de l’économie implique une évolution du droit du travail, notamment pour les travailleurs utilisant une

714 A. Perulli, Travail économiquement dépendant/parasubordination : les aspects juridiques, sociales et économiques, op. cit.,

p. 9.

plateforme de mise en relation par voie électronique716. « Apparaît, nu, le travailleur

exerçant une activité professionnelle. Apparaît, dans ses rapports avec lui, non pas une entreprise mettant en relation, à distance, par voie électronique des personnes (…) mais une plateforme »717. Si ces utilisateurs en font « une source de revenus significative », « il convient de s'assurer que cette activité ne constitue pas une sorte de travail informel et qu'elle soit soumise à des obligations similaires, en termes de cotisations et taxes, que les activités du secteur formel »718. La loi dite « travail »719 prévoit d’ajouter ces travailleurs dans le Code du travail (tout en leur refusant le statut de salarié)720 et d’y

définir la « responsabilité sociale des plateformes ». L’intitulé du livre III de la septième partie du Code du travail (partie législative) est ainsi modifié : « voyageurs, représentants ou placiers, gérants de succursales, entrepreneurs salariés associés d'une coopérative d'activité et d'emploi et travailleurs utilisant une plateforme de mise en relation par voie électronique ». Les travailleurs de ces plateformes se voit ainsi reconnaître le droit à une assurance en matière d’accident du travail721, d’un droit à la

formation professionnelle, à la VAE722, à la grève723, ainsi que la possibilité de

constituer un syndicat724. Au delà de la force de l’expression « responsabilité sociale des

plateformes », les dispositions restent de l’ordre de « l’habillage » et circonscrites à quelques droits que ces travailleurs avaient parfois acquis de longue date. On peut par exemple relever que selon le sixième alinéa du Préambule de 1946, la liberté syndicale est garantie à « tout homme ». On relèvera en revanche, que les litiges entre les plateformes numériques de mise en relation et les personnes mentionnées au présent titre relèvent selon une jurisprudence constante de la compétence des tribunaux de commerce725.

716 D. Castel, « Numérique - Plateformes de services - Vers de nouvelles cotisations ? », JT, no 179, 2015, p. 10. 717 A. Lyon-Caen, « Plateforme », RDT, 2016, p. 301.

718 B. Mettling, Transformation numérique et vie au travail, op. cit., p. 51.

719 « Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours

professionnels », op. cit. (JO n°0184, 9 août 2016).

720 Infra. Partie 1, titre 1, chapitre 1, section 2, I, B, 2, b, « des risques de requalification ».

721 C. trav. art. L. 7342-2, nouveau. « Lorsque le travailleur souscrit une assurance couvrant le risque d'accidents du travail ou

adhère à l'assurance volontaire en matière d'accidents du travail mentionnée à l'article L. 743-1 du code de la sécurité sociale, la plateforme prend en charge sa cotisation, dans la limite d'un plafond fixé par décret ».

722 C. trav. art. L. 7342-3, nouveau. « Le travailleur bénéficie du droit d'accès à la formation professionnelle continue prévu à

l'article L. 6312-2. La contribution à la formation professionnelle mentionnée à l'article L. 6331-48 est prise en charge par la plateforme.

Il bénéficie, à sa demande, de la validation des acquis de l'expérience mentionnée aux articles L. 6111-1 et L. 6411-1. La plateforme prend alors en charge les frais d'accompagnement et lui verse une indemnité dans des conditions définies par décret ».

723 C. trav. art. L. 7342-5, nouveau. « Les mouvements de refus concerté de fournir leurs services organisés par les travailleurs

mentionnés à l'article L. 7341-1 en vue de défendre leurs revendications professionnelles ne peuvent, sauf abus, ni engager leur responsabilité contractuelle, ni constituer un motif de rupture de leurs relations avec les plateformes, ni justifier de mesures les pénalisant dans l'exercice de leur activité ».

724 C. trav. art. L. 7342-6, nouveau. « Les travailleurs mentionnés à l'article L. 7341-1 bénéficient du droit de constituer une

organisation syndicale, d'y adhérer et de faire valoir par son intermédiaire leurs intérêts collectifs ».

177. Charte collaborative - On pourrait également s’inspirer de la technique de la négociation collective utilisée non seulement dans le cadre des relations salariées, mais aussi de relations professionnelles non salariées. Sa mise en œuvre serait extrêmement simple et n’imposerait aucune intervention législative. « Il suffirait que les entrepreneurs collaboratifs constituent une ou plusieurs associations syndicales, à partir ou desquelles ils négocieront avec la plateforme les conditions générales de la réalisation des prestations, ces conditions devant être reprises dans les contrats individuels, cette reprise, à laquelle l’entreprise s’engagerait, étant nécessaire pour rendre les dispositions opposables à l’entrepreneur. (…) La charte collaborative aurait pour objet premier de réguler les relations entrepreneurs/plateforme par la définition des conditions générales d’accès par l’entrepreneur collaboratif aux services de la plateforme, des conditions et montants minimaux de facturation aux consommateurs, des standards de qualité de prestations et de leur évaluation par les consommateurs »726.

178. L’intégration à la communauté de travail - « À la loi des pères est en train de succéder la loi des frères. Cela constitue un des principaux défis des organisations contemporaines afin de permettre de nouveaux modes de fonctionnement coopératifs »727. De manière générale, le travail en groupe favorise l’auto-organisation et

l’éclatement des organisations. Jusqu’en 2006, les salariés mis à disposition ne pouvaient pas participer à l’élection des délégués du personnel de leur entreprise d’accueil728. Le Conseil constitutionnel s’est finalement prononcé sur leur sort, au visa de l’alinéa 8 du Préambule de la Constitution de 1946 selon lequel : « Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises ». Il a ainsi considéré que les salariés de l’entreprise extérieure intégrés de façon étroite et permanente à l’entreprise d’accueil sont habilités à participer aux élections des institutions représentatives du personnel de cette dernière729. Les juges ont écarté l’obligation d’être salarié de

l’entreprise organisatrice des élections, et développé le critère de l’intégration à la communauté de travail. Cette position a été reprise par la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 13 novembre 2008 dans lequel elle a jugé que « sauf

726 B. Serizay, « Quel statut pour les entrepreneurs collaboratifs ? », op. cit., p. 5.

727 F. Silva, « L’entreprise entre dans la postmodernité », Personnel, no 548, mars 2014, p. 52. 728 Cass. Ass. plén., 6 juil. 1990, pourvoi n°89-60.581, Bull. AP, 1990, n°10.

dispositions législatives contraires, les travailleurs mis à disposition d’une entreprise, intégrés de façon étroite et permanente à la communauté de travail qu’elle constitue, inclus à ce titre dans le calcul des effectifs [...], sont à ce même titre électeurs aux élections des membres du comité d’entreprise ou d’établissement et des délégués du personnel »730. La Cour de cassation vient considérer que la présence dans les mêmes locaux et pendant une certaine durée renforce l’idée de communauté de travail731. Cette prise en compte des salariés mis à disposition vient accentuer l’effet utile de la participation des travailleurs « à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises », telle que prévue à l’article 8 du Préambule de la Constitution de 1946732.

179. Limite au droit de la sub-organisation - Selon Jacques Barthélémy, cette troisième voie présente toutefois l’inconvénient majeur « de remplacer une frontière floue par deux autres qui le seront tout autant » entre le salariat, le statut intermédiaire

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