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Le salaire, contrepartie de la prestation de travail

Dans le document Les relations numériques de travail (Page 56-75)

Section 1 La rémunération de la prestation immatérielle de travail

A. Le salaire, contrepartie de la prestation de travail

49. Une nouvelle économie - Avec le développement des outils du Web 2.0, les contenus générés par les internautes prennent une place grandissante sur la toile. Une évolution qui offre de nouvelles possibilités d’interactions pour s’informer, nouver des contacts, participer à des projets, développer des projets, développer des activités, etc268.

263 FRANCE, Direction générale des entreprises, Pôle interministériel de prospective et d’anticipation des mutations

économiques et Pôle Industries du commerce, Enjeux et perspectives de la consommation collaborative, DGE, 2015, p. 244.

264 D. Castel, « Social - Activité créatrice - Salarié et auteur : une situation empoisonnée ? », JAC, no 25, 2015, p. 41.

265 Réinventer le travail - Comment saisir les opportunités de l’ère digitale ?, Roland Berger Strategy Consultants, 2014, p. 12. 266 A.-C. Alibert, Les Cadres quasi-indépendants : du contrat de travail au contrat d activité dépendante, Thèse de doctorat,

Université d’Auvergne, 2005, p. 126.

267 Le travail est un facteur d’épanouissement personnel pour 3 créatifs sur 4, avant d’être un moyen de gagner de sa vie.

Résultats d’une étude d'Aquent (agence de recrutement dans le marketing, création et digital), conduite en 2013 auprès de 900 collaborateurs européens, en partenariat avec Cadremploi.

C’est toute une nouvelle économie qui est en train de voir le jour, entre « l’économie du don »269 et l’économie de marché, qui est en train de voir le jour270. Pourtant en droit du travail on parle encore de « salaire » et de « rémunération ». Ces deux vocables ont des significations différentes. Le terme de rémunération désigne l’ensemble des éléments (outre le salaire) servant à rétribuer les salariés271. En cela, il permet d’englober des sommes d’argent aux finalités bien différentes : payer le travail fourni, motiver les salariés, récompenser leurs performances, gratifier certains comportements272. En droit du travail, le salaire est un des critères de la relation de travail, c’est la contrepartie de la force de travail du salarié, il permet de distinguer la relation de travail de l’économie du partage (1). Ce critère n’est toutefois pas suffisant s’agissant des entrepreuneurs qui recoivent également une rémunération. En revanche, une fiche de paie ou bulletin de paie doit obligatoirement être remis au salarié pour justifier de son paiement ce qui n’est pas le cas des entrepreneurs (2).

1) Le salaire, un critère nécessaire mais insuffisant

50. Définition générale - D’origine latine, le mot salaire vient du latin salarium, dérivé de sal, le sel, ressource indispensable pour conserver la viande. Il désignait initialement la ration de sel fournie aux soldats romains273. Sous l’angle économique, le salaire est d’abord considéré comme un coût de production. Sous l’angle sociologique, il constitue un moyen de subsistance du travailleur. Enfin, juridiquement, le salaire est la contrepartie de la prestation de travail. Le salaire correspond ainsi au traitement de base, et a donné son nom au salarié. Toutefois, avec la croissance des services en ligne dans un environnement mondial, concurrentiel et sans frontière, le fait de devoir coordonner le travail en temps réel d’un lieu à l’autre pose des problèmes juridiques nouveaux. Internet permet le développement des échanges coopératifs et non-marchant, donnant lieu à une « économie du don » qui vient s’articuler avec le concept de rémunération en droit du travail (a). Il peut également s’avérer nécessaire d’adopter de nouveaux styles

269 Les logiciels libres ou encore l’encyclopédie libre et collaborative Wikipédia sont les figures les plus représentatives de ce

phénomène. R. Barbrook, « L’économie du don high tech », op. cit., p. 142.

270 M.L. Glatin, Internet : un séisme dans la culture?, Editions De L’attribut, 2007, p. 147.

271 On retrouve cette idée à l’article L. 3221-3 du Code du travail, relatif à l’égalité de rémunération entre les femmes et les

hommes : « Constitue une rémunération (…) le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au salarié en raison de l’emploi de ce dernier ».

272 « La rémunération variable sous l’angle contentieux », Cahiers sociaux, no 279, 1 novembre 2015, p. 595.

de gestion et de prévoir en particulier de nouveaux types d’incitation ou de rémunération pour les tâches immatérielles qui rend plus difficile la dinstinction entre le salarié et l’entrepreneur274 (b).

a. Distinguer l’économie du partage

51. Droit du partage - De plus en plus de plateformes de mise en relation entre particuliers se créent à la faveur de l’économie collaborative, en réponse à la crise actuelle. L’économie collaborative est un modèle économique basé sur l’échange et le partage de biens, de services, de temps et de connaissances entre particuliers275. A l'instar du co-voiturage ou de la location d'appartement, l'économie collaborative converge désormais vers de nombreux nouveaux services entre particuliers (bricolage, coup de mains, apprentissage, babysitting, prêts et emprunts d'objets, etc.). L’émergence des particuliers indépendants comme acteurs économiques à part entière, et non plus seulement comme consommateurs, appelle à repenser la protection sociale, le droit du travail, le droit de la consommation, ou encore la responsabilité des plateformes276. Les

acteurs de la consommation collaborative représentent une force disruptive de marché qui bouscule les modèles établis en contournant les intermédiaires traditionnels entre offre et demande, pour mettre directement en relation des particuliers offreurs avec des particuliers consommateurs, dans une logique « C to C » (« Consumer to Consumer »)277.

52. Le critère de la rémunération - Le critère de la rémunération permet

principalement de marquer une frontière entre le bénévolat et le salariat. Cette exigence constitue la cause de l'obligation imposée au travailleur, c'est-à-dire la contre-prestation de l'exécution de son travail 278. Concrètement, la rémunération de l'activité du

travailleur peut être fixée en fonction des missions et résultats qui lui sont assignés, de son temps de travail, du nombre de pièces qu'il fournit, du nombre de produits vendus,

274 Bureau international du travail, Rapport sur l’emploi dans le monde 2001, op. cit., p. 82.

275 I. Robert, A.-S. Binninger et N. Ourahmoune, « La consommation collaborative, le versant encore équivoque de l’économie de

la fonctionnalité », op. cit.

276 M. Bouvard, T. Carcenac, J. Chiron, P. Dallier, J. Genest, B. Lalande et A. De Montgolfier, L’économie collaborative :

propositions pour une fiscalité simple, juste et efficace, op. cit., p. 12.

277 FRANCE, Direction générale des entreprises, Pôle interministériel de prospective et d’anticipation des mutations

économiques et Pôle Industries du commerce, Enjeux et perspectives de la consommation collaborative, op. cit., p. 273.

278 Cass. soc., 4 avr. 2012, pourvois n°10-28.818 10-28.819 10-28.820 10-28.821 10-28.823 10-28.824 10-28.825 10-28.826 10-

du volume d'affaires ou du bénéfice réalisé, etc. 279 Inversement, si l’absence de

rémunération ou sa modicité sont parfois un obstacle à la qualification de contrat de travail, le fait de percevoir une rétribution ne signifie pas obligatoirement l’existence d’un travail salarié280. En l'absence de rémunération, contrepartie du travail fourni, la situation juridique des parties ne relève pas du droit du travail, mais entre dans le cadre du bénévolat, de l'aide familiale, du coup de main donné281.

53. Rémunération en nature - Généralement, la rémunération attribuée au

travailleur est pécuniaire, en ce sens qu'elle prend la forme du versement d'une somme d'argent. Toutefois, aucune disposition légale ou réglementaire n'interdit de prévoir qu'elle sera constituée partiellement ou même totalement par l'octroi d'avantages en nature, tels que la fourniture gratuite ou la prise en charge d'un logement ou d'outils issus des nouvelles technologies de l'information et de la communication, tels qu'un ordinateur portable ou un téléphone portable. Ainsi, « la fourniture d'un avantage en nature [n'exclut] pas qu'elles aient été liées par un contrat de travail »282. A Paris, le

supermarché coopératif La Louve, possède le statut d’association à but non lucratif et qui est gérée et gouvernée par ses membres ; lesquels assurent bénévolement, aux côtés de quelques salariés, la totalité des tâches nécessaires à son bon fonctionnement en échange de quoi ces derniers peuvent faire leur course gratuitement au magasin. La rémunération en droit peut exister en nature. En effet, selon l’article L. 3221-3 du Code du travail : « constitue une rémunération au sens du présent chapitre, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au salarié en raison de l'emploi de ce dernier ». En pratique, si la relation de travail était requalifiée, les avantages en nature pourraient être en compte par les Urssaf pour vérifier que le salaire minimum est atteint283.

54. Échange de service - A priori, l'absence de rémunération en espèce devrait écarter une partie de l’économie collaborative du champ du droit du travail, comme cela se pratique depuis longtemps dans le secteur agricole : il s'agit d'un échange de service

279 Y. Aubrée, « Contrat de travail (existence - formation) », op. cit. 280 Cass. soc., 24 oct. 1983, pourvoi n°82-13.464, Bull. civ., V, n°524.

281 E. Alfandari, « Entraide familiale et solidarité entre les générations », RDSS, 2010, p. 188. 282 Cass. soc., 7 avr. 1994, pourvoi n°89-45.796, inédit.

283 F. Mélin et M. Séguineau-Branchu, Pour tout savoir sur son salaire : sa composition, sa détermination, son paiement, Wolters

(en travail ou en moyens) entre particulier284. Le système repose sur la réciprocité ; son

caractère gratuit le soustrait au droit du travail, que l'entraide soit occasionnelle ou régulière. Il se fonde sur l'entraide définie par l'article L. 325-1 du Code rural, comme pouvant être « réalisée entre agriculteurs par des échanges de services en travail et en moyens d'exploitation. Elle peut être occasionnelle, temporaire ou intervenir d'une manière régulière. L'entraide est un contrat à titre gratuit, même lorsque le bénéficiaire rembourse au prestataire tout ou partie des frais engagés par ce dernier ». L'entraide peut donc également être régulière. Les prestations d'entraide ne peuvent être assujetties ni à la TVA ni à la contribution économique territoriale, et elles ne peuvent donner lieu ni à prélèvement sur les salaires ni à perception de cotisations sociales. C’est peut-être ce régime particulier qui a inspiré la commission des finances du Sénat. Les sénateurs partent du principe qu’actuellement, « les revenus tirés de l’économie collaborative […] ne sont pas déclarés à l’administration fiscale », alors que c’est normalement obligatoire. Il propose qu’en dessous d’un plafond annuel fixé à 5000 euros285, les «

échanges entre particuliers » comme la location de voitures, d’appartements ou d’objets sont exonérés d’impôts. Les sénateurs estiment que cette somme correspond aux frais d’entretien des biens partagés286.

55. Covoiturage - Il existe de nombreux « faux particuliers », et en réalité vrais professionnels, qui tirent leur revenu des sites de mise en relation (Uber, Airbnb, etc.). La pratique du covoiturage peut à cet égard être interrogée du point de vue de la rémunération. « À cet égard, il est permis de se demander, pour reprendre l'expression de Carbonnier si, à l'instar de l'entraide bénévole, le covoiturage n'appartient pas à l'univers du non-droit »287. Pour la Cour de cassation, ne constitue pas un acte de concurrence déloyale la pratique de covoiturage effectuée à titre bénévole qui se limite à indemniser le conducteur des frais d'essence du trajet et de ceux induits par l'utilisation

284 Les membres de la coopérative, aux côtés de quelques salariés, assurent les tâches nécessaires pour le bon fonctionnement du

magasin à hauteur de 3h consécutives toutes les 4 semaines : caisse, stock, administration, nettoyage... Les économies réalisées permettent à la coopérative de pratiquer des marges basses qui se traduisent par des prix très abordables sur des produits de haute qualité.

285 Ce montant correspond peu ou prou aux charges supportées par un particulier pour amortir et entretenir sa voiture, son

appartement etc. La franchise permet de tracer une limite entre ce qui relève, d’une part, du « partage de frais » qui est bien souvent la motivation première des particuliers, et d’autre part d’un revenu de nature commerciale ou quasi-commerciale. Elle est en quelque sorte l’équivalent des « charges déductibles » qu’une entreprise peut retrancher de son chiffre d’affaires afin de calculer son bénéfice imposable.

286 M. Bouvard, T. Carcenac, J. Chiron, P. Dallier, J. Genest, B. Lalande et A. De Montgolfier, L’économie collaborative :

propositions pour une fiscalité simple, juste et efficace, op. cit., p. 35.

du véhicule288. La réponse dépend donc de la manière dont il est pratiqué. Autrement dit,

il importe de rechercher si le covoiturage tel qu'il est pratiqué est ou non une activité lucrative. Ce n'est que dans l'affirmative qu'il y a effectivement concurrence déloyale et exercice illicite de l'activité de transporteur289. Les personnes intéressées pratiqueraient alors le transport sans être astreintes aux obligations qui pèsent normalement sur tout transporteur.

56. UberPop, délit de faux covoiturage - Uber et UberPop sont deux services différents. Le premier, un service de véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC), a été encadré par la loi. Le second, propose un service de transport en voiture dont le conducteur est un particulier, seulement inscrit auprès d'Uber290. Déclaré illégal291, ce

service a fini par être suspendu par la société américaine292. La décision du Conseil

constitutionnel du 22 septembre 2015 confirmant l’interdiction UberPop conforte l'idée de la nécessité de la régulation juridique des places de marché de commerce en ligne entre particuliers293. En effet, comment qualifier le conducteur qui, se déplaçant

quotidiennement vers son lieu de travail, prend à son bord des personnes à qui il demande une participation, alors même que ce trajet est en partie ou en totalité remboursé par son employeur ? Où commence et s'achève le caractère onéreux ?294 Les

sociétés requérantes faisaient valoir, notamment, que les dispositions de l'article L. 3124-13 du Code des transports portaient atteinte aux principes de légalité des délits et des peines en ce qu'elles incrimineraient toute organisation d'un système de réservation proposant des services de transport de personnes, y compris ceux dans lesquels les conducteurs demandent une simple indemnisation pour couvrir leurs frais de carburant et d'utilisation du véhicule. Le Conseil constitutionnel a, toutefois, écarté l'ensemble des griefs et déclaré les dispositions contestées conformes à la Constitution. Il retient en particulier que les dispositions contestées n'ont ni pour objet ni pour effet d'interdire les

288 Cass. com., 12 mars 2013, pourvoi n°11-21.908, Bull. civ., IV, n°36.

289 La Cour d’appel de Paris, a condamné la société Uber à une amende de 150.000 euros pour « pratique commerciale

trompeuse ». CA Paris, Pôle 4, 10ème ch., 7 décembre 2015. « Panorama d’actualité en droit des nouvelles technologies du cabinet Feral-Schuhl », Hebdo édition affaires, no 450, 14 janvier 2016.

290 Le conducteur, contacté grâce à une application sur smartphone, s'improvise chauffeur de taxi pour rentabiliser sa voiture ou

arrondir ses fins de mois. Il ne s'agit pas de covoiturage puisque le service est payant, rémunérateur, alors que le covoiturage ne prévoit qu'une participation aux frais.

291 La loi dite Thévenoud a rendu Uber pop illégal dès sa mise en application début 2015. Mais la société avait engagé plusieurs

recours judiciaires, ce qui lui permettait de justifier le maintien de son service en attendant que la justice tranche de façon définitive. « Loi n°2014-1104 du 1er octobre 2014 relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur » (JO n°0228, 2 octobre 2014, p. 15938).

292 Uber et UberPop : c’est quoi la différence ?, http://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2015/07/03/32001-

20150703ARTFIG00177-uber-et-uberpop-c-est-quoi-la-difference.php, consulté le 17 décembre 2015.

293 CC., 22 sept. 2015, déc. n°2015-484 QPC, Uber France SAS et autres, JO 25 septembre 2015, p. 17083, texte n°78. 294 H. Kenfack, « Droit des transports », D., 2016, p. 1396.

systèmes de mise en relation des personnes souhaitant pratiquer le covoiturage tel qu'il est défini par le Code des transports et, qu'en conséquence, il n'y a pas d'atteinte au principe de légalité des délits et des peines. Le Conseil constitutionnel a en définitive rappelé que « tel qu'il est défini par le code des transports » le covoiturage n'était pas effectué à titre onéreux. Le Conseil constitutionnel clôt ainsi une bataille et non la guerre qui, en raison des enjeux économiques importants et de l'évolution des habitudes des consommateurs, va sans doute continuer. Sous le prisme des qualifications juridiques, la présentation d'UberPop comme un covoiturage n’était pas convaincante. « Le chauffeur effectuait un trajet qui, autrement, n'aurait pas été le sien, et ce en vue d'une rémunération. Il fallait avoir l'imagination féconde pour voir là un covoiturage »295. Les chauffeurs exerçaient, sans conteste possible, une activité de

prestation de services à but lucratif. Cela imposait de procéder aux déclarations prescrites par la loi. La responsabilité pénale des chauffeurs, des clients, de la société exploitant la plate-forme numérique et de ses dirigeants pouvait dès lors être recherchée sur le fondement de travail dissimulé à titre d'auteur ou de complice de l'infraction296.

57. Systèmes d’enchères électroniques inversées – Alors qu’en France aucun

salaire ne peut être inférieur au SMIC, les systèmes d’enchères inversées reposent sur le principe d’une mise en concurrence sous forme d’appel d’offres au moins disant. Ce procédé est apparu en Allemagne en matière de salaire. Ainsi, la personne disposant des compétences requises et proposant le salaire le plus bas était recrutée. Plusieurs acteurs se sont installés sur ce créneau, comme Jobdumping.de et Jobdealer.net. Un tel système avait suscité de vives réactions et inquiétudes dans le monde politique et chez les partenaires sociaux en raison notamment du risque de développement du dumping social. « Concrètement, de cette façon, en retenant comme seul critère de recrutement le salaire, les employeurs pouvaient tirer les salaires vers le bas et ne retenir que le salarié acceptant la plus basse rémunération » 297. La loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances est venue interdire ce dispositif. Ses dispositions sont codifiées à l’article L. 1221-4 du Code du travail selon lequel : « Les procédures d'enchères électroniques inversées étant interdites en matière de fixation du salaire, tout contrat de travail stipulant un salaire fixé à l'issue d'une telle procédure d’enchères inversées est nul de plein droit ». S’agissant du droit commun des contrats, la Commission d'examen

295 L. Gamet, « UberPop (†) », Dr. soc., 2015, p. 929. 296 C. trav. art. L. 8122-2.

des pratiques commerciales considère en revanche que les pratiques d'enchères électroniques inversées sont régulières, au regard à la fois du droit de la concurrence et du droit civil français298.

58. Marchandisation des relations sociales - Les places de marché sont au centre de l'apparition de nouveaux rapports économiques. Elles donnent à leurs utilisateurs, particuliers et professionnels, qui vendent des biens ou des services les moyens de se livrer à une véritable activité économique sans avoir à assumer les charges correspondantes299. Certains observateurs économiques pointent du doigt les limites de

la consommation collaborative et ses éventuels effets pervers, en dénonçant une « marchandisation des relations sociales », un « consumérisme collaboratif » et une tentative de dérégulation de l’économie300. En effet, les particuliers qui monétarisent

leurs compétences sont souvent dans une course au prix le plus bas afin d’être sélectionnés par le client, sans bénéficier de protection particulière, hormis l’assurance civile qu’ils auraient eux-mêmes souscrite301.

b. Distinguer l’entrepreneur

59. Définition de la rémunération - Du point de vue de l’économie classique, l’opposition entre salarié et entrepreneur trouve sa justification dans le différentiel d’aversion au risque. Le contrat de travail permet au salarié, averse au risque, de mettre à disposition sa force de travail en contrepartie d’une rémunération fixe et certaine, alors que l’entrepreneur exposé au risque perçoit un profit éventuel. Il y aurait donc une dualité entre risques et profit. Cette conception a largement inspiré le droit du travail302.

Les modes de rémunération du travail évoluent 303 , loin du couple temps de

298 « Avis n° 04-08 relatif à la conformité au droit des pratiques d’enchères électroniques inversées, Bulletin officiel de la

concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes n° 2005/4 p. 407-412 ».

299 G. Lêmy, « Vers une régulation juridique des places de marché de commerce en ligne entre particuliers », op. cit., p. 2513.

Dans le document Les relations numériques de travail (Page 56-75)