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UNE METHODOLOGIE EN DEUX TEMPS

4.1.1. LA COLONISATION ET L’IMMATRICULATION DES TERRES

4.1.1.1.4. Superficie moyenne par exploitation et par classe de superficie

Tableau n° 4-4 : Superficie moyenne par exploitation et par classe de superficie des deux douars recensés par le Sénatus-consulte

Classes de superficie Sup. totale par classe Nombre d'exploitations.

% Sup. moy. / classe par exploitation < 1 ha 2,77 7 1 0,40 1 - 5 ha 200,79 56 8 3,60 5 - 10 ha 614,55 92 14 6,70 10 - 20 ha 1656,96 184 28 9,15 20 - 50 ha 2718,53 218 33 12,50 50 - 100 ha 1458,40 76 12 19,18 ≥ 100 ha 1200,72 27 4 44,50 Total 7852,72 660 100 11,90

Source : Dépouillement des dossiers de requêtes

La classe la plus importante, c'est-à-dire celle qui compte le plus d’exploitations ne dispose en moyenne que d’une superficie tout juste capable de faire vivre modestement une petite famille. A peine 4 %, en chiffres absolus 27 exploitations sur 660 sont dans une situation plus aisée. Rappelons cependant que nous sommes en présence d’une activité agricole non diversifiée, basée sur les céréales, en culture extensive et que les moyens de production sont archaïques. Ce qui permet de dire qu’on est en face d’une petite exploitation extensive constituée de plusieurs parcelles. Le tableau suivant nous en donne une idée.

4.1.1.1.5. Nombre et superficie des lots

Tableau n° 4-5 : Nombre et superficie des lots des deux douars

Nombre de lots par classes Nombre d'apparitions Nombre de lots Superficie des lots en Ha Superficie moyenne /lot en Ha 1 lot 84 84 1064,63 12,70 2 lots 46 92 588,09 6,39 3 lots 37 111 793,21 7,15 4 lots 28 112 794,9 7,10 5 lots 24 120 404,93 3,37 de 6 à 10 lots 82 602 1778,17 2,95 de 10 à 20 lots 61 795 1599,36 2,01 ≥ 20 lots 20 579 829,43 1,42 Total 382 2495 7852,72 3,15

Source : registre du Sénatus-consulte

On peut dire à l’évidence qu’une ligne de démarcation vient partager les exploitations en deux catégories : celle qui n’excède pas 4 lots et dont la superficie par lot est en moyenne de l’ordre de 8,12 hectares ; et celle qui a entre 5 et plus de 20 lots et dont la superficie moyenne est de 2,20 hectares. L’exiguïté des lots augmente avec le nombre, la superficie moyenne est de 1,42 ha par lot dans les exploitations qui ont plus de 20 lots. A l’opposé, celles qui possèdent un seul lot sont plus avantagées puisqu’elles peuvent disposer de 12,7 hectares d’un seul tenant, ce qui évite les déplacements entre les parcelles.

Il reste à signaler que s’il y a 382 familles d’exploitants, cela ne veut pas dire que chaque famille dispose d’une seule exploitation. En effet, ces familles se partagent en fait 660 exploitations ; 309 propriétaires fonciers possèdent la totalité de leur

exploitation, le reste est soumis à l’indivision. Le tableau suivant donne plus de détail à ce propos.

4.1.1.1.6. Récapitulatif

Tableau n° 4-6 : Distribution des propriétaires et des exploitations des deux douars Classes de superficie Nombre de lots Nombre d’exploitations Nombre d’indivisaires Nombre moyen d'indivisaires par exploitation < 1 ha 8 7 15 2,14 1 - 5 ha 181 56 111 2,00 5 - 10 ha 409 92 180 1,90 10 - 20 ha 714 184 363 1,90 20 - 50 ha 791 218 453 2,00 50 - 100 ha 299 76 212 2,80 ≥ 100 ha 89 27 63 2,30 Total 2491 660 1398 2,10

Source : registre du Sénatus-consulte

Le tableau donne en moyenne 2 indivisaires par exploitation si on fait la répartition par classe de superficie. Les résultats seraient différents si on exclut les 309 propriétaires possédant leur propre exploitation. Le reste, soit 1089 propriétaires, se partagent 351 exploitations, ce qui donne en moyenne 3 indivisaires par exploitation. Cette dernière évaluation est plus près de la réalité.

Tout ce qui vient d’être analysé, comme il a été signalé plus haut, concerne uniquement les données des propriétés foncières délimitées par le Sénatus-consulte, en 1865. Il ne faut pas oublier de rappeler que les deux autres douars constituant la commune n’ont pas du tout été recensés. La loi Warnier fut appliquée sur la partie déjà cadastrée par le S.C. Une enquête générale reprend les opérations du S.C, mais sans changements perceptibles. Avec la loi de 1887 ou petit Sénatus-Consulte, la constitution de la propriété individuelle va commencer. Les terres « arch » deviennent

des terres en propriété collective. La loi prescrit, à ce propos, qu’en territoire de propriété collective, la constitution de la propriété individuelle se fera par voie d’enquêtes partielles à la demande du vendeur ou de l’acquéreur ; pour accélérer la procédure d’enquête, c’est l’acquéreur, souvent européen, qui paie les frais.

A Ain Abid, il restait encore deux douars dont on ne connaissait encore rien. La loi du 16 avril 1897, devant s’appliquer aux terres qui n’avaient pas été immatriculées, elles n’avaient donc pas donné lieu à la délivrance, par l’administration, d’un titre français suite à des travaux d’ensemble ou partiels autorisés par les autres lois :

- loi de 1887 ou petit Sénatus-consulte,

- les instructions du 1er janvier 1914 pour accélérer les procédures et bien plus tard, - la loi du 4 août 1926.

En 1914, on était encore à édicter des instructions pour la réalisation des enquêtes partielles. En 1926, le gouvernement exigeait des enquêtes d’ensemble dans tous les territoires qui n’étaient pas immatriculés

La première enquête partielle enregistrée à Ain Abid, est datée de 1904, pour le douar Ameur S’raouia et de 1905, pour le douar de Ahssassna.

Il est important de signaler que la commune de Ain Abid a été soumise à toutes les lois que la colonisation a créées pour s’approprier les terres qui allaient servir à l’installation des colons. Ce qui a fait dire à un vieux fonctionnaire du Cadastre : « L’histoire de Ain Abid, c’est l’histoire de toute l’Algérie. » (3). Il faut comprendre par là que c’est une commune qui n’a pas connu de répit durant toute la période coloniale, à propos de la propriété de la terre.

Il ressort des données du tableau qu’on a affaire à une petite propriété foncière ; 9 % des propriétaires n’atteignent pas 2 hectares, 39 % ont entre 2 et 5 hectares, 47 % disposent de 6 hectares et un peu plus mais n’atteignent même pas 7 hectares et 5 % seulement des propriétaires peuvent être considérés comme gros propriétaires fonciers comparativement au reste de la population agricole possédante. Rappelons que les méthodes d’exploitation étaient encore archaïques, le travail se faisait à la force des bras. Lorsque l’exploitant possédait une paire de bœufs, il faisait déjà partie des nantis.

La moyenne comme critère de comparaison peut certes donner une idée de la situation mais ne peut rendre compte de manière précise de la situation. De grandes disparités existent entre les propriétaires, et à cela s’ajoute une réalité qui marque de son empreinte le patrimoine de manière générale et la terre en particulier. Il s’agit bien entendu du phénomène de l’indivision. Dès le départ l’application du Sénatus-consulte a du affronter ce problème dans la délimitation de la propriété foncière.

En effet, comme on peut le voir sur le tableau suivant, les propriétaires fonciers individuels n’étaient pas les plus nombreux, ils ne représentent que 22 % soit environ un cinquièmes de l’ensemble des propriétaires fonciers de la commune.

En exécution de la loi du 16 février 1897, article 6, une demande d’ouverture d’une enquête partielle, devait être introduite auprès du préfet de Constantine qui, après étude de la requête, pouvait donner son accord.

L’homologation se faisait par un acte administratif qui devait faire l’objet d’une parution sur le journal officiel qui s’appelait "El mobacher" au début du XXème siècle.

En ce qui concerne les enquêtes partielles, il a fallu travailler au cas par cas. Celles-ci étaient consignées sur des procès-verbaux et portaient un numéro. Avec ce numéro, il fallait chercher le numéro du journal officiel qui avait publié l’homologation et enfin tirer le journal en question pour transcrire le nom, la quote-part et la superficie qu’il fallait alors calculer, pour l’établissement des actes de tous les requérants qui avaient fait l’objet de l’enquête partielle. Ce ne fut certes pas un travail facile et rapide. Le même problème se posera, plus tard, avec le recensement de la Révolution agraire, et avec l’établissement du nouveau Cadastre.

Dans les procès-verbaux d’homologation, étaient inscrits : les noms de tous les requérants avec la date du dépôt de la demande, les superficies et les destinataires de l’avis de dépôt, à savoir :

- Le Gouverneur général, le service topographique, le requérant et le commissaire-enquêteur, qui devaient recevoir un exemplaire chacun.

- Les domaines avaient droit à trois exemplaires et

- L’administration devait quant à elle recevoir 10 exemplaires

- Gouverneur général (1 exemplaire) - Directeur des Domaines (3 exemplaires) - Service topographique (2 exemplaires) - Requérant (1exemplaire)

- L’administration (10 exemplaires) - La Mairie d’El Khroub (8 exemplaires) - La Mairie d’Ain Abid (3exemplaires)

Il fallait en tout 28 exemplaires. Il est important de signaler que tout était écrit à la main à cette époque-là. On comprend dès lors, la lourdeur de la procédure qui était à la charge du requérant. L’arrêté d’homologation était établi à Alger et signé par le Secrétaire Général, pour le Gouverneur Général.

La loi qui ordonnait et permettait la réalisation de ces enquêtes, datée du 16 février 1897, n’a commencé à être appliquée dans la commune qu’à partir de 1904, soit sept ans après sa parution.

Les enquêtes partielles ont été une voie de recours jusqu’en 1941 (la dernière requête date de 1941) au moins pour la commune concernée. Les demandes devaient être acceptées d’abord par l’administration ; les requérants savaient qu’ils devaient prendre en charge le coût de l’opération ; l’enquête prenait souvent beaucoup de temps, la plupart des cas étaient complexes, il fallait d’abord les dénouer avant de procéder à l’enquête elle-même.

La lenteur, la lourdeur et le coût de l’opération ont fait que les enquêtes partielles n’ont pas été demandées par tous les propriétaires fonciers désireux d’avoir un titre de propriété en bonne et due forme. La plupart ne voyaient même pas l’utilité de ce titre. Ce sont souvent les acquéreurs qui, pour accélérer les démarches prenaient à leurs charges les frais de procédures.

Il fallait donc passer par un dépouillement systématique des enquêtes partielles, pour faire un recensement de la propriété foncière des douars de Ameurs S’raouia et Ahssassna. Il faut cependant rappeler, que les enquêtes partielles ne furent pas appliquées à l’ensemble des deux douars. C’est avec les enquêtes d’ensemble que le recensement des propriétaires fonciers des deux douars fut achevé. Cette partie du recensement sera traitée plus loin.

Qu’en est-il des résultats du dépouillement des enquêtes partielles effectuées sur les deux douars ?

4.1.1.2. Les Enquêtes partielles

La première loi qui permit la procédure des enquêtes partielles, (4) fut la loi Warnier en 1873. Elle a été reprise et précisée par la loi de 1897. La première enquête partielle débuta en 1805 à Ameur S’raouia et la dernière fut réalisée à Ahssassna en 1941. En 37 ans, 71 procédures d’enquêtes furent appliquées dans la commune. Ceci donne une moyenne de 2 enquêtes par année, ce qui n’est pas énorme vu l’empressement des autorités coloniales à vouloir créer la propriété individuelle, dans le pays.

Voyons de plus près, comment se distribuent les enquêtes partielles.