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UNE METHODOLOGIE EN DEUX TEMPS

4.1.2. LE CADASTRE APRES L’INDEPENDANCE

4.1.2.2.3. Difficultés d’établissement du cadastre 1. Dans les zones rurales

- L’absentéisme : les propriétaires ne sont pas souvent sur les lieux, souvent, il faut plusieurs tentatives pour trouver les sur place .

- La mentalité : Beaucoup de propriétaires fonciers n’aiment pas parler de leurs avoirs avec ceux qu’ils considèrent comme des étrangers, et surtout s’ils représentent une structure étatique.

- L’approche relationnelle : Les agents du cadastre n’ayant pas été formés à l’approche relationnelle, ne sont pas toujours convaincants quant à l’utilité du cadastre.

Ces différentes raisons se soldent par une absence de coopération de la part des propriétaires fonciers, et font que les données des enquêtes sont souvent incomplètes. Il y a alors un retard dans l’évolution du travail. C’est une difficulté qui a beaucoup retardé notre propre travail de terrain.

4.1.2.2.3.2. Dans les zones urbaines

- La densité : la difficulté vient du fait que l’occupation du sol est trop dense - L’habitat illicite : il y a trop de constructions illicites, d’où difficultés à trouver

des actes de propriété

- Les normes urbanistiques ne sont pas respectées. 4.1.2.3. Utilisation des documents cadastraux

Pour procéder à toute recherche d’information cadastrale, l’agent ou le chercheur doit connaître au moins un des éléments suivants :

- La désignation du propriétaire - Le numéro de compte du propriétaire - La désignation cadastrale de l’immeuble

Avec le nom du propriétaire foncier, on peut consulter la matrice cadastrale et accéder au feuillet de matrice de celui-ci, classé par ordre alphabétique ; on y trouve le détail des îlots et lots appartenant à l’intéressé.

Avec la situation topographique de l’immeuble, on peut consulter le tableau d’assemblage et chercher la section où se trouve le bien en question. Il faut se reporter à la feuille de plan correspondante pour avoir le numéro de l’îlot. Au vu des états de sections, il est possible de repérer le numéro de compte du propriétaire foncier auquel est affecté un numéro d’îlot. La table des comptes permet l’identification du propriétaire foncier titulaire de ce compte. Enfin, la consultation du feuillet de matrice correspondant, classé dans un ordre alphabétique, permet d’avoir les renseignements sur l’îlot recherché.

Avec la désignation cadastrale de l’îlot (numéro de l’îlot et section où il se trouve), il faut se reporter à l’état des sections pour avoir le numéro de compte du propriétaire foncier, puis consulter les feuillets de matrice correspondants classés dans l’ordre alphabétique pour avoir les renseignements sur l’îlot recherché.

4.1.2.4. Les limites des documents cadastraux actuels

Le problème de l’indivision continue d’être un problème pour l’identification de la propriété foncière individuelle. En effet, les renseignements sur la propriété foncière, s’ils sont relativement conformes à la réalité en ce qui concerne les relevés topographiques des lots, ne précisent en aucune manière, la propriété de chaque ayant droit. La propriété foncière dans sa totalité, est identifiée dans le détail, mais pas les ayants droit. Il faut se reporter à la fiche d’enquête pour trouver certaines informations souvent incomplètes, concernant tous les indivisaires. Les enquêtes du cadastre ont porté plus sur les exploitations que sur la propriété foncière. Seul celui qui exploite les terres familiales constituait l’unité d’enquête, par contre toutes les terres qu’il exploitait étaient prises en considération dans la même enquête. A titre d’exemple, un exploitant qui possédait une cinquantaine d’hectares, exploitait au total 300

hectares appartenant à 4 frères et 5 sœurs. Il s’agit en fait d’une exploitation familiale même si elle est exploitée par un seul des héritiers, les autres héritiers louent à leur frère leurs parts. Dans ce cas, il s’agit d’une seule exploitation avec un seul numéro de compte, englobant toutes les parcelles possédées par les héritiers. Si la propriété familiale avait été divisée entre deux frères exploitants, deux enquêtes auraient été nécessaires pour les cadastrer. Le cadastre a pris en compte la situation telle qu’elle existe au moment du passage des enquêteurs. Le livret foncier, au contraire, prend en compte chaque parcelle séparément.

Le deuxième problème à relever est le manque d’informations concernant l’identification des propriétaires fonciers, même lorsqu’il s’agit d’un seul individu. Le cadastre actuel ne peut donner qu’une situation sommaire de la propriété foncière et non des propriétaires fonciers dans leur totalité. Seul l’exploitant direct est pris en compte. Ceux qui n’exploitent pas leurs terres et les donnent en métayage ou en location n’apparaissent nulle part. Il n’y a aucune trace des locations qui se font oralement et peuvent changer d’une année à l’autre. Le métayage et la location sont des pratiques courantes dans la commune, mais elles se font de gré à gré et sur des périodes limitées. Les baux ruraux, même quand ils existent, ne peuvent être consultés que chez les intéressés ou chez les notaires qui les ont établis. Aucune réglementation n’existe pour gérer de manière administrative ce genre de contrat qui reste personnel. Le système traditionnel fonctionne encore de nos jours et l’oralité est toujours de rigueur. L’écrit est une chose encombrante et coûteuse. C’est aussi une disposition de l’esprit qui demande des prises de décision sur le long terme, ce qui est difficilement envisageable dans le fonctionnement actuel encore trop imprégné du système traditionnel. De nombreux témoignages attestent d’une approche de l’activité agricole où la rationalité économique, base de tout développement moderne, est absente du langage des exploitants. En effet, l’aspect religieux est bien ancré dans la mémoire collective et la référence à Dieu, souvent invoquée, atteste d’un fatalisme ancestral.

Pour avoir des informations concernant l’exploitant, il faut se reporter aux fiches d’enquête, mais, même dans ces fiches d’enquêtes, on ne trouve souvent que le nom de la personne. L’age, l’adresse, la composition de la famille, la profession, les dates

où le propriétaire foncier est entré en possession de son bien, les cohéritiers, les renseignements concernant le vendeur lorsque la terre a été achetée, et bien d’autres informations utiles aux recherches sur le foncier, de manière générale, n’existent pas. La conception de la fiche d’enquête est assez riche pour la collecte des informations, mais l’application sur le terrain est réduite au minimum.

Ces limites ont constitué un frein et ont retardé de manière considérable le travail de collecte d’information pour notre recherche.

4.1.2.5. Difficultés d’exploitation des données cadastrales de la commune de Ain Abid

Il était nécessaire pour commencer le travail de recherche sur la commune de Ain Abid, de donner une image relativement fidèle des structures foncières de ses exploitations. Il est important de rappeler que la recherche sur le terrain a débuté en 1997. Les premières opérations du nouveau cadastre étaient alors à peine entamées. Seules des données provisoires, qui dataient elles-mêmes de 1985, étaient disponibles. Il n’y avait pas d’autre alternative à part cette source.

Sachant que le degré de fiabilité des informations était très réduit, il a quand même fallu s’en contenter. Il est important de rappeler qu’il n’y avait pas de listes de propriétaires fonciers ni de registres où ces derniers auraient été consignés. Il a donc fallu faire le recensement de ces propriétaires qui étaient en même temps exploitants, à partir des dossiers d’enquête. Il faut aussi souligner que ce qui a fait l’objet du travail récent de la rénovation du cadastre, avec enquête, c’est l’exploitation. En effet, l’équipe du cadastre prépare une liste de lots avec les anciens propriétaires à partir des plans cadastraux datant du Sénatus-consulte, et part sur le terrain pour actualiser les informations concernant les propriétaires et vérifier les limites des propriétés. C’est en général le propriétaire foncier qui exploite qui répond aux enquêteurs. Lorsqu’il s’agit d’une propriété familiale, la déclaration se fait au nom de celui qui exploite avec la mention « et consorts ». Cette expression concerne tous les ayants droit, à des degrés différents, selon le lien de parenté qui lie chacun des héritiers au propriétaire d’origine. Sont concernés tous les descendants directs et indirects, les frères et les sœurs, les

tantes et les oncles, les gendres et les belles filles, les cousins et cousines, les neveux et nièces, etc.

Un cas rencontré sur le terrain, relativement simple, donne un aperçu des situations qui peuvent exister. Il s’agit d’une exploitation appartenant à une famille de 9 enfants, mais tenue par un seul fils. Les autres héritiers, 5 filles et 4 garçons, louent leurs terres à leur frère. Deux des filles sont décédées laissant 4 garçons et une fille pour l’une d’elle, et 2 garçons pour l’autre ; leurs maris sont décédés aussi, ce qui allège la procédure. Un des frères est décédé laissant une femme et deux garçons. Sont donc propriétaires de cette exploitation familiale, au moment de l’enquête :

- 3 hommes et 3 femmes (frères et sœurs, héritiers directs) - 1 femme (la belle fille)

- 1 femme (la petite fille du côté de la fille décédée) - 7 garçons (petits fils du côté des filles décédées) - 2 garçons (petits fils du côté du garçon décédé).

L’héritier qui exploite la propriété familiale doit rendre compte à 18 héritiers, mais dans des proportions différentes.

Mais il existe des situations beaucoup plus compliquées qui mettent en relation plusieurs générations. Les parts de chaque héritier peuvent atteindre des fractions à plusieurs chiffres.

4.1.2.6. Contenu des documents cadastraux dépouillés

Pour faire le recensement des exploitants agricoles et délimiter les structures foncières de la commune, il fallu compulser et dépouiller trois types de documents, lorsqu’ils existent.

- Les fiches d’îlots : Elles donnent la désignation de la parcelle ou du lieu-dit, le numéro de l’îlot, le numéro de la fiche, la superficie, l’enquête qui a présidé à sa constatation (Sénatus-consulte, enquête partielle ou enquête d’ensemble), la part dans l’îlot en question et l’origine de la parcelle, héritage dans tous les cas répertoriés. Cette dernière information n’existe pas toujours.

- Les fiches d’enquête : Elles ne comportent en fait que le nom et prénom du propriétaire foncier enquêté, parfois son adresse et sa profession. C’est tout ce qu’il est possible d’y trouver.

- Une fiche récapitulative des superficies par section : Quand elle existe, une vérification des superficie pouvait se faire. Sa présence prouvait qu’un premier travail de terrain avait eu lieu. Ce n’était pas toujours le cas.

4.2. LE SONDAGE

Il a quasiment été impossible de constituer une base de sondage à partir de ces données qui étaient incomplètes dans la plupart des cas.

En 1998, une première série d’enquêtes fut réalisée par une équipe du cadastre. Elle concernait 22 sections et constituait ce qui a été désigné par "premier dépôt". Il a donc fallu recommencer le dépouillement des trois types de fiches, pour ces vingt deux sections. La carte n°5 du tableau d’assemblage des sections de cadastre actuel montre l’importances des superficies cadastrées à chaque opération ou dépôt (ce terme est employé par les services du cadastre).

Le dépouillement s’est fait, dans un premier temps, pour chaque apparition de parcelle. Ensuite, il a fallu rassembler les parcelles appartenant au même propriétaire. Chaque section était traitée à part. Les dossiers d’enquêtes concernaient non seulement les parcelles appartenant aux propriétaires fonciers privés, mais aussi toutes les parcelles relevant du secteur d’Etat, c'est-à-dire les parcelles attribuées aux entreprises agricoles en commun, ou EAC et aux entreprises agricoles attribuées individuellement, ou EAI.

Le traitement des données des enquêtes réalisées par les équipes du cadastre aboutissait à la confection d’une matrice cadastrale qui réunissait sur un ou plusieurs feuillets, toutes les parcelles appartenant à la famille. Cette matrice cadastrale ne permet pas d’étudier la mobilité des parcelles ainsi que les dynamiques foncières. Elle ne donne en fait qu’un état statique de la situation foncière actuelle. Pourtant, la somme de travail qu’elle a demandée est énorme, et c’est ce qui explique les retards dans la constitution d’une banque de données concernant la propriété foncière en Algérie de manière générale, et à Ain Abid en particulier.

Après le dépouillement et le tri, 64 exploitants ont été enregistrés sur une superficie égale à 3780,05 hectares. Le calcul de la moyenne donne 59 hectares par exploitant, ce qui est somme toute relativement important, même si la moyenne cache beaucoup de disparités.

En 1999, une deuxième série d’enquêtes sera réalisée à son tour, elle concernera 12 sections. La même opération de dépouillement puis de tri donnera à son tour : 175 exploitants et 3083,68 hectares. La situation va changer pour la population envisagée dans cette deuxième série, les exploitants sont plus nombreux et la superficie est moins importante. La moyenne tombe à 17.32 hectare par exploitant, la région balayée par cette deuxième série semble beaucoup plus morcelée et beaucoup plus peuplée. On se trouve devant des exploitations plutôt petites en superficie.

A partir de ce moment là, il a fallu combiner une base de sondage avec les données des 34 sections enquêtées et celles provisoires des 28 autres sections non encore cadastrées. Il était difficile, avec des données n’ayant pas la même fiabilité, de tirer un échantillon aléatoire. La question fut débattue avec plusieurs collègues chercheurs, mais c’est avec le professeur Hugues Lamarche, de l’université de Nanterre, qui encadrait à ce moment là ce travail de recherche, que la décision fut arrêtée. La taille de l’échantillon fut limitée à 100 exploitants agricoles privés divisés en quatre classes de superficie. Tout d’abord, il fut décidé de prendre 25 individus par classe de superficie. Il s’agissait des classes d’exploitations disposant : de moins de vingt hectares, de 20 à 50 hectares, de 50 à 100 hectares et enfin, de 100 hectares et plus. Les superficies non possédées par les exploitants pouvant varier d’une année à l’autre, il était plus judicieux de faire un tirage au hasard basé uniquement sur le nom de l’exploitant et la classe de superficie à laquelle il est supposé d’appartenir.

Le tirage des individus à enquêter fut réalisé à l’aide d’une table de nombres au hasard et donna un échantillon à 5 classes, une classe de plus que ce qui avait été prévu, celle des exploitations de moins de 10 hectares.

C’est pendant l’été 2000 que la passation d’un grand nombre de questionnaires a pu avoir lieu, le reste, environ une vingtaine, ne fut terminé que plus tard.

En 2001, les services du cadastre purent réaliser à leur tour, une troisième série d’enquêtes : 361 propriétaires fonciers et 3576,74 hectares, soit une moyenne de 9,90 hectares par exploitant.

A ce jour, les sections non cadastrées qui restent, une douzaine, ne sont pas encore bien entamées. Les données provisoires enregistrent 860.75 hectares pour 92 exploitants, soit 9,36 hectares par exploitant.

Il semble bien que le choix des sections par opération s’est fait de manière non fortuite. Le calcul de la moyenne a permis de constater que les sections sont choisies selon leur densité. On se dirige de plus en plus vers des régions où la propriété foncière est de plus en plus petite et où la population exploitante est plus dense.

Nous avons continué nos investigations pour actualiser les données de la commune auprès des services du cadastre, au moment même de cette rédaction (été 2004) et bien après la fin de l’enquête par sondage réalisée en 2000.

Il a été finalement possible de cerner un peu mieux la situation foncière de la commune, la majorité des informations réunies a pu être vérifiée et actualisée par les services du cadastre à 87 %.

Le nombre total de propriétaires fonciers exploitants s’élève à 690 approximativement, sachant que les données, mêmes pour les sections cadastrées, ne collent pas toujours de manière étroite à la réalité. Il est cependant nécessaire d’avoir au moins cet ordre de grandeur qui permet de faire une approche relativement correcte de la région.

La superficie atteint 11 301 hectares 22 ares. Le secteur d’Etat totalise quant à lui 4689 hectares 64 ares, EAC et EAI confondues

L’enquête par sondage réalisée pour cette recherche a porté sur 7909 hectares 77 ares, ce qui représente environ (7909,77 ha/11301,22 ha) 70 % des terres du secteur privé de la commune.