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DANS L'UNITE DE PRODUCTION

5.1. LES EXPLOITANTS

5.1.1. ENRACINEMENT DES EXPLOITANTS AGRICOLES DANS LA COMMUNE COMMUNE

Peut-on parler réellement d’enracinement ? Les populations établies sur les territoires de la commune de Ain Abid ont elles-mêmes émigré dans la région, à la suite des troupes des différents Beys de Constantine. Mais nous n’avons pas acte des dernières installations de membres de la tribu d’origine, c'est-à-dire la tribu des Ameurs Cheraga, juste avant l’occupation française. C’est pourquoi nous considérons qu’au moment de notre enquête, ces populations résidaient dans la région depuis au moins un siècle et avaient déjà une histoire sur ces lieux.

Comme il est signalé dans la méthodologie, la taille de notre échantillon est égale à cent unités (100 unités), autrement dit la population enquêtée est constituée de 100 exploitants, donc 100 exploitations.

Nous avons essayé de connaître l’origine géographique de l’exploitant et de sa famille. Il s’avère que dans 72 familles, soit 72 % de la population enquêtée, trois générations sont nées au même endroit, à savoir : l’enquêté, son père et son grand-père. Ce qui nous permet de dire que la région est occupée par ces familles depuis au moins un siècle, si on fait référence aux enquêtés qui ont plus de 50 ans.

Pour près de la moitié de ces familles, soit 33 %, la mère est née au même endroit et les familles continuent d’habiter les mêmes lieux. Sur environ un siècle, certaines de ces familles n’ont pas bougé et ont continué à vivre presque en autarcie. En effet, nous avons pu constater que ces familles vivaient encore dans des endroits retirés et isolés et qu’elles avaient très peu de relations avec l’extérieur. Les seuls contacts avec le monde environnant se résument aux déplacements du chef de famille, plus ou moins régulièrement, vers le souk hebdomadaire, le mardi de chaque semaine, ou les visites familiales lors de grandes occasions (décès ou mariages en général), ou encore les visites chez le médecin, quand cela s’impose. Ceci est valable surtout pour certains endroits de la commune comme Kehalcha,, Merachda, Zenatia, Hannancha et Stittira, se trouvant sur les hauteurs, difficiles d’accès, et où la nature est encore sauvage. La

terre est plutôt rocailleuse et le relief est très accidenté. Il n’existe pas de routes goudronnées, seules des pistes praticables uniquement par des mulets ou de gros engins, surtout des tracteurs, permettent d’atteindre ces régions. Une cinquantaine de familles y résident dans un extrême dénuement et une pauvreté visible à l’œil nu. La relation avec ces familles n’est pas toujours aisée, une certaine pudeur les empêche d’étaler leur misère aux étrangers. Cette population a beaucoup souffert durant la guerre de libération. Des ruines d’habitations détruites par l’armée françaises, témoignent d’une occupation humaine plus importante de ces régions. Les habitants avaient fui ou émigré vers des régions moins dangereuses ou encore avaient été déplacées par les autorités coloniales vers des camps de rassemblement. La commune de Ain Abid a beaucoup souffert durant la guerre de libération, elle a eu beaucoup de martyrs. Elle a eu son camp de rassemblement, situé à Bordj M’Hiris, soumis à la surveillance et au contrôle des militaires français installés dans un fort à proximité du camp.

Les autres régions sont plus habitées et ont plus de relations avec l’extérieur. Un tiers des exploitants (33 %) habite le chef lieu de commune : Ain Abid, c'est-à-dire au village même. Certains possèdent quand même une ferme mais n’y habitent pas, c’est généralement un de leurs ouvriers qui l’occupe. Nous employons le terme d’ouvrier à bon escient parce que c’est la situation qui prévaut dans la région, les cas où c’est un métayer qui occupe la ferme sont rares, nous étayerons ce type de situation plus loin. D’autres ne possèdent pas du tout de ferme ; ils sont alors obligés de faire des déplacements pour pouvoir exploiter leurs terres, nous verrons leur importance plus loin.

Si on ajoute ceux qui habitent Constantine, soit 13 %, El Khroub 5 % et Oued Zenati 4 %, on totalise 42 %, soit près de la moitié des exploitants. On peut en conclure que l’image du paysan qui habite « au pays », sur ses terres et qui vit des produits de sa ferme, n’est plus qu’un souvenir pour bon nombre d’exploitants.

Une part non négligeable d’exploitants (12%) n’est pas née au même endroit que les parents. La famille habite chez le fils pour un tiers (1/3) de ces familles, l’exploitant habite encore avec ses parents et grands-parents pour près de la moitié (½); l’exploitant et ses parents habitent une résidence différente pour un quart (¼).

Pour cinq familles, soit 5 %, seuls l’exploitant et son père sont nés au même endroit, la mère et le grand-père sont nés ailleurs. Il y a eu déplacement de la famille d’origine, la première génération (il s’agit ici de la génération des grands-parents) a vécu ailleurs, plus ou moins éloignée du lieu de résidence actuel.

On constate aussi que 4 % des familles résident là où la mère est née. Ce qui n’est pas très conforme aux us et coutumes de la région. En effet, c’est la femme qui quitte sa famille pour rejoindre celle de son époux, mais ce n’est pas une règle absolue. Des cas où l’époux, pas bien nanti, rejoint l’épouse à son lieu de résidence, peuvent se rencontrer ; ou les parents n’ayant pas de descendance mâle, préfèrent recevoir le gendre chez eux.

Pour le reste de la population étudiée, l’origine de l’exploitant est différente de celle de ses parents, ce qui dénote une certaine mobilité des habitants de la région. Ceci est encore plus vrai quand on regarde de près l’origine de la mère. Dans 11 % des familles, la mère est née hors wilaya. Dans la plupart des cas, la mère vient d’une wilaya limitrophe (Mila, Guelma, Oum El Bouaghi), mais on trouve quelques cas où la mère vient de plus loin (Béjaia, Skikda). C’est lors de leurs déplacements pour des raisons diverses, que les hommes épousent des femmes d’autres contrées.

Dans la population étudiée, neuf familles sont installées dans la commune de Ain Abid depuis seulement trois générations. Une seule famille est originaire d’une wilaya limitrophe (Mila), les autres viennent de plus loin (Jijel, Azzaba, Skikda, Sétif), et même de très loin pour l’une d’elle (Oued Souf). Il s’agit, dans ces cas là, de personnes qui quittent leur lieu d’origine pour aller s’installer ailleurs. Les raisons qui ont poussé les hommes à émigrer peuvent être différentes (recherche d’un emploi, fuite devant certains problèmes familiaux, exiguïté des lieux d’habitation, etc.).

En résumé, 49 % de la population sont originaires de la région, leurs membres sont issus du même endroit et ils continuent d’y habiter. Dans 18 % des cas, les mariages sont endogamiques, la mère porte le même nom que le père, il s’agit de cousins germains. Cette proportion s’élève de 43 % si on considère la mère comme cousine utérine.

Pour 33 % des familles, la mère n’a pas le même lieu d’origine que le père, elle est originaire de la commune dans 22 % des cas et vient de plus loin encore, d’une autre wilaya pour 11 % des cas.

Nous avons donc affaire à une population relativement bien enracinée dans la région.