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UNE METHODOLOGIE EN DEUX TEMPS

4.5. LE FONDS NATIONAL POUR LE

DEVELOPPEMENT AGRICOLE

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C’est une source d’information très intéressante. Elle n’a que quelques années d’existence, quatre exactement, mais elle nous a permis de faire des comparaisons avec les autres sources.

C’est la seule source disposant d’une liste d’exploitants agricoles.

Il s’agit d’un fonds d’aide au développement agricole. Tous les exploitants agricoles pouvaient prétendre à cette aide. Il fallait remplir un cahier des charges, selon la superficie dont disposait l’exploitation. Un barème était établi par les services de l’agriculture, au niveau national, qui devait servir de base à tous les calculs.

Ces listes auraient été d’une grande utilité si nous avions pu en disposer au moment du choix de l’échantillon. Hélas ! l’enquête était bien entamée lorsqu’on

commença l’opération de constitution des dossiers de demande de soutien de la part des agriculteurs.

Il s’agit d’une aide aux agriculteurs, avec une partie remboursable et une autre non remboursable. De nombreux agriculteurs répondirent à l’appel. L’opération dura tout l’été et même au-delà. Notre enquête était alors terminée.

Les listes constituées ne purent nous parvenir qu’au bout de quelques mois. Nous avons pu constater à leur lecture, et avec l’aide des employés du service chargé de l’opération, que les données collaient mieux à la réalité. En effet, l’aide ne pouvait être accordée que sur la base des déclarations faites par les intéressés eux-mêmes. Ils ne pouvaient sous-estimer leurs superficies réelles qui incluaient, en plus des superficies possédées à titre personnel ou collectivement lorsqu’il s’agissait de propriétés familiales, les superficies louées ou prises en associations. Mais il fallait des preuves tangibles. L’administration exigeait des contrats de location pour ceux qui louaient même à leurs parents. Ceux qui étaient en situation irrégulière ne purent faire leur déclaration que sur les superficies qu’ils possédaient. Si nous insistons sur ce point, c’est que de nombreux attributaires ne travaillaient pas les terres qui leur ont été attribuées, certains ne les ont jamais exploitées. Dès que l’acte d’attribution fut signé, ils se sont empressés de les donner en location, soit à d’autres attributaires, soit à des exploitants privés. C’est cette dernière situation qui fut privilégiée dans de nombreux cas. Nous ne pouvons cependant pas donner de chiffres parce que ce type d’information est donné toujours de manière officieuse. Nous avons quand même pu relever un cas assez exceptionnel, il faut le dire. Il s’agit d’un exploitant qui avait bénéficié de l’attribution d’une superficie d’une vingtaine d’hectares, mais qui a déclaré exploiter un terrain de 90 hectares et un autre de 160 hectares. Sachant que la fourchette est d’environ 20 hectares, dans la région, un simple calcul de division permet de déduire qu’au moins onze (11) attributaires lui louaient leurs parts. Il ne nous a pas été possible de savoir quels types de documents il a présentés à l’administration, pour espérer obtenir cette aide. Nous savons, par contre, que sa demande a été acceptée. De source toujours officieuse, nous avons pu avoir la confirmation que certains propriétaires privés (leur nombre n’est certes pas important) sont arrivés à totaliser deux à trois centaines d’hectares de cette manière. Il est

quasiment impossible de connaître de manière précise, le nombre d’attributaires qui n’exploitent pas leurs lopins de terre, ni à qui ils les louent. La peur de se voir enlever la terre attribuée, oblige les deux parties concernées à prendre des précautions pour que l’information n’arrive pas aux services officiels chargés de la gestion des biens de l’Etat. Mais en fin de compte, ils se comportent comme des propriétaires privés. Ils n’ont pas les moyens d’exploiter directement la terre, mais celle-ci doit leur rapporter au moins un minimum pour vivre. Par ouï-dire, la plupart des attributaires qui n’exploitent pas leur lopin sont des chômeurs. Ils se comportent en fait, comme des rentiers.

Ces listes, si intéressantes soient-elles, ne sont quand même pas exhaustives. Sur le terrain, nous avons pu constater qu’il existait des endroits très difficiles d’accès, surtout dans la région de Zenatia où la circulation ne peut se faire qu’avec des véhicules tout terrain, du genre Land Roover, des tracteurs ou des camions. Les habitants de ces régions se déplacent en tracteur, quand cela est nécessaire le jour du marché hebdomadaire ; ils en profitent pour régler tous leurs problèmes et faire tous leurs achats ; ils sont dispersés dans une nature plutôt rocailleuse, et très éloignés les uns des autres. Ce sont en majorité de petits exploitants qui vivent dans des conditions précaires ; les déplacements vers le chef-lieu de commune pour les dépôts de dossiers de demande d’aide, engloutiraient ce que l’Etat pourrait leur donner.

Les listes du FNDA sont cependant, une source d’information intéressante pour notre recherche, leur comparaison avec les listes du cadastre donne une idée sur les superficies exploitées en faire-valoir direct. Comme il a été signalé plus haut, il faut non seulement déclarer les superficies à emblaver mais aussi les superficies totales avec la jachère, c'est-à-dire toute la superficie agricole utile. Ce qui mettait les exploitants devant un choix : déclarer ce qu’ils possédaient seulement ou ce qu’ils exploitaient réellement. L’aide de l’Etat était calculée en fonction des superficies déclarées.

Nous avons assisté à l’opération et nous avons constaté l’hésitation des agriculteurs avant de faire leur déclaration, surtout les premiers venus, confrontés au problème du choix sans y avoir été préparés. Ce qui permet de dire que l’exploitant agricole, qu’il s’agisse du petit ou du gros exploitant, n’est jamais disposé à livrer toute la vérité concernant son activité. Rares sont les exploitants qui tiennent une

comptabilité précise sur tout ce qu’ils dépensent et sur leurs revenus. On trouve tout au plus, inscrits sur des cahiers et plus souvent encore sur des feuilles volantes, les grosses dépenses. Les journées de travail des ouvriers, les sommes versées pour l’achat des semences et les quantités livrées à la coopérative des céréales. On retrouve rarement les entrées d’argent parce que ce qui est livré à la coopérative est payé par chèque après déduction de tous les prêts, sur une facture détaillée. Le reste des entrées, les ventes directes de céréales, de paille, de fourrage, de particulier à particulier, au cours de l’année, ou d’animaux, se retrouvent rarement inscrits. Lorsque, au cours de l’enquête, nous insistons sur ces points, les réponses sont toujours évasives et approximatives. Les ventes d’animaux, surtout pour les petits producteurs, se font lorsqu’un besoin se fait sentir, et elles correspondent, en général, à l’équivalent du besoin. Si la vente d’un mouton lui permet de couvrir le besoin, il n’en vendra pas deux.

Ces ventes que l’on pourrait qualifier d’informelles, permettent aux agriculteurs de régler les problèmes du quotidien. On ne verra inscrits nulle part aussi, les "achours" qui correspondent à l’impôt prescrit par la loi musulmane et qui est équivalent au dixième de la production nette. La quasi-totalité des producteurs n’aborde même pas ce problème, et lorsque la question est posée, ils ont l’air étonnés car pour eux, c’est une déduction systématique de la production. Ils n’en parlent pas parce qu’ils considèrent que cette partie de la production ne leur appartient pas, ils la donnent et n’y pensent plus.

Si on revient aux listes du FNDA, on peut y trouver le nom de l’exploitant, la nature de l’investissement – en ce qui nous concerne, il s’agit de la filière céréales – précisons que chaque filière est traitée à part, la superficie totale, la superficie agricole utile (SAU), la superficie à emblaver, la jachère, les chaumes, le coût de l’investissement, le soutien du FNDA, l’apport personnel (la part autofinancée par l’exploitant) et enfin la part soumise à remboursement.