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IMPORTANCE DU PATRIMOINE FONCIER FAMILIAL DANS L’EXPLOITATION AGRICOLE L’EXPLOITATION AGRICOLE

TOUJOURS D’ACTUALITE

6.2. IMPORTANCE DU PATRIMOINE FONCIER FAMILIAL DANS L’EXPLOITATION AGRICOLE L’EXPLOITATION AGRICOLE

Il s’agit non pas de l’importance des superficies familiales dans l’exploitation mais surtout de leur présence, même dans des proportions parfois minimes. La détention d’un patrimoine foncier personnel ou familial est la condition première de l’accès à l’activité agricole ; ceci est confirmé par un très fort taux de propriétaires fonciers parmi les exploitants. En effet, 91 %, des exploitants disposent d’une part personnelle dans l’exploitation agricole même si elle est dans l’indivision. Le tableau qui ventile les superficies personnelles est très explicite à ce sujet.

6.2.1. LES SUPERFICIES PERSONNELLES

Tableau n° 6.2 : Distribution de la superficie personnelle par rapport à la superficie totale Superficies totales Superficies personnelles > 10 ha 10 à 20 ha 20 à 50 ha 50 à 100 ha ≥ 100 ha et plus Total

Pas de sup. personnelles 1 3 2 3 0 9

> 1 ha 1 0 0 0 0 1 1 à 5 ha 0 4 9 4 3 20 5 à 10 ha 0 8 7 5 4 24 10 à 20 ha 0 6 7 6 4 23 20 à 50 ha 0 0 6 7 7 20 50 à 100 ha 0 0 0 0 2 2 ≥ 100 ha et plus 0 0 0 0 1 1 Total 2 21 31 25 21 100

Ce qui frappe à travers les données du tableau, c’est que la part personnelle de terres dans l’exploitation est parfois insignifiante par rapport à l’ensemble des superficies mises en valeur. Ce qui s’explique par un grand nombre d’indivisaires dans

certains cas, par exemple : 7 hectares pour 30 indivisaires, 700 hectares pour 1000 héritiers ou encore 15 hectares appartenant à 8 garçons, 5 filles et leur mère. Ce qui nous donne dans ce dernier cas : un huitième (1/8) pour la mère, soit 1,875 hectare, le reste devra être divisé entre 21 parts appartenant aux 8 garçons et 5 filles ; la part des filles serait de 0,625 hectares et celles des garçons de 1,25 hectares. Les situations de ce type sont très fréquentes, c’est pourquoi certains héritiers abandonnent leurs parts à ceux qui restent sur l’exploitation, sans demander de contre partie. On peut remarquer que 20 % des exploitants possèdent moins de 5 hectares en propriété personnelle et ils sont presque 45 % à posséder moins de 10 hectares. A l’intérieur de ces deux catégories, on retrouve plus du tiers qui exploite plus de cinquante hectares. Ce n’est donc pas l’importance de la propriété personnelle à elle seule, qui fait la différence des exploitations.

Sur les 9 % qui ne possèdent pas de terres personnelles, un seul exploitant ne met en valeur que des terres louées, 89 hectares appartenant à deux propriétaires fonciers qui n’ont aucun lien de parenté et qui possèdent respectivement 55 et 34 hectares. Les 8 % qui restent, exploitent des terres familiales encore dans l’indivision. Le père est toujours vivant dans six cas, la terre appartient à la mère encore vivante dans deux cas, c’est le fils aîné qui prend la relève, les autres sont considérés comme "aides familiaux". L’expression utilisée pour désigner les frères ou les enfants qui travaillent sur l’exploitation est la même pour tout le monde : « ils aident » (1). Nous n’avons rencontré nulle part une autre expression pour qualifier cette catégorie de travailleurs agricoles.

Le rôle du patrimoine familial est donc déterminant pour toute exploitation agricole. Les exploitations constituées principalement, lors de la reprise de l’activité agricole, par des héritages ou des donations, représentent 99 % des exploitations installées. Une seule exploitation installée est constituée de terres achetées par l’exploitant, entre 1985 et 2000. Il a fallu cinq achats de grandeurs différentes, pour constituer une propriété de 41 hectares. Le propriétaire, toujours vivant, exploite lui-même ses terres avec quelques hectares en plus, pris en location. Dans 3 % des cas, les terres héritées comportent une partie achetée par les ascendants au début du siècle. Un seul exploitant a procédé à l’agrandissement de la propriété par un achat récent, datant de

1997, et qui porte sur 15 hectares achetés au nom de la mère. Il est courant dans notre société que, pour des considérations familiales, certaines transactions se font au nom des femmes, et ce, pour différentes raisons.

Les superficies achetées appartiennent dans la majorité des cas à la famille, même si ce n’est pas la famille directe. On ne vend à l’extérieur de la famille que dans des cas extrêmes. Lorsque c’est les cas, l’acte est mal apprécié par l’entourage familial et non familial. La vente est alors considérée comme une trahison à la famille et à la tradition. Des conflits peuvent en résulter et atteindre parfois la scission des familles.

Par conséquent, on ne peut envisager une installation agricole que si on a déjà un pied dans le domaine, à savoir une ascendance agricole et un minimum de terres au départ, sinon, l’accès à la profession d’agriculteur est plus difficile, d’autant que la circulation de la terre est plutôt rare.

Voyons à présent quelle est la part de la propriété personnelle sur l’ensemble des superficies totales exploitées. Nous avons au total 1377,33 hectares en propriété personnelle, ce qui nous donne un rapport égal à : 1377,33 / 7909,77 = 17,4 %. Cette proportion est à l’évidence insuffisante pour permettre à l’exploitant de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille et encore moins pour avoir les coudées franches en matière d’investissement.

Tableau n° 6.3 : Distribution des superficies personnelles par rapport aux superficies totales par classe Classes de superficie Superficies personnelles Superficies totales Rapport : superficies personnelles / superficie totale en % Nombre d'exploitations < 5 ha 65,56 1019,73 6,40 21 5 à 10 ha 163,12 1206,9 13,50 24 10 à 20 ha 323,49 1304,14 24,80 23 20 à 50 ha 618,3 3540 17,40 20 50 à 100 ha 146,5 360 40,60 2 ≥ 100 ha 120 120 100 1 Total 1436,97 7550,77 19 91 Pas de superficies personnelles 359 9 Total Global 7909,77 18 100

Ce qui frappe, à première vue, c’est que la part des superficies personnelles la plus faible se retrouve dans les plus petites exploitations. Ce qui caractérise les petites exploitations, c’est cette incapacité à élargir l’assise foncière exploitée, de manière significative. Les conditions matérielles sont telles, qu’aucune amélioration n’est envisageable. Ce ne sont certes pas les quelques hectares, pris en location ou en association, qui vont faire la différence.

La classe possédant entre 10 et 20 hectares apparaît un peu plus avantagée que celle qui est juste au dessus quant à la part personnelle dans l’exploitation. On note cependant une diminution des superficies exploitées en faire-valoir indirect.

A partir de cinquante hectares, on n’est pas très loin de l’égalisation entre superficies possédées et superficies prises en location ou en association. Cette

apparence cache néanmoins des différences. Un retour au tableau précédent montre que 7 % des agriculteurs exploitant plus de cinquante hectares, ne possèdent en fait que des parcelles inférieures à cinq hectares. Là aussi, la capacité à prendre plus de terres à l’extérieur est peut être due à des apports financiers extérieurs à l’agriculture au moins au début de l’opération, ce qui permet à cette catégorie d’exploitants d’améliorer sensiblement les conditions de travail et de vie.

En regardant la dernière colonne du tableau, on s’aperçoit que les exploitants qui possèdent plus de 50 hectares ne représentent que 3 % de l’ensemble des exploitants enquêtés, ce qui signifie que l’écrasante majorité possède très peu de terres en propriété personnelle, 8% sont en attente d’un héritage et 1% ne possède pas du tout de terres.

Un seul cas possède toutes les terres qu’il exploite, à savoir 120 hectares au total, 75 hectares reçus en héritage de ses parents et 45 hectares reçus sous forme de don de la part de la grand-mère. Ce qui confirme encore plus que ce sont les terres familiales qui permettent à une très grande majorité d’exploitants, d’accéder à l’agriculture, même si leur importance tend à s’amenuiser. La stratégie de transmission visant à conserver l’identité entre l’unité de production et l’unité de propriété est mise à mal par les développements récents, suite à la loi 90-25 qui, après les restitutions des terres nationalisées dans le cadre de la charte portant révolution agraire de 1971, a permis aux propriétaires fonciers exclus de l’agriculture d’envisager autre chose que le retour à l’activité agricole, comme les locations et mêmes les ventes.

La titrisation des terres durant la colonisation, les nationalisations puis la restitution des terres après l’indépendance, ont profondément changé le rapport au patrimoine familial qu’est la terre. Se défaire de sa part de terre en la proposant à la vente n’est plus un tabou. Mais cela est loin de se réaliser dans la sérénité.

L’exploitation agricole au départ est surtout constituée de terres familiales. Cette contribution familiale est pour l’essentiel gratuite : héritages, donations et mises à disposition des terres en indivision. Nous verrons plus loin que souvent l’exploitant ne donne rien en contre partie de l’exploitation des terres en indivision. Certains, leur nombre n’est pas négligeable, disposent de terres à titre gratuit bien avant la disparition des parents, même si une petite part seulement leur revient en propriété