• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2 : Cadre conceptuel

2.1 L’expérience socioscolaire d’élèves récemment immigrés

2.1.2 Trois niveaux de facteurs qui sous-tendent l’expérience socioscolaire des élèves

2.1.2.1 Au sujet de «facteurs individuels»

À travers les définitions présentées antérieurement (réussite scolaire, réussite éducative, décrochage scolaire, etc.), de nombreux «facteurs individuels» qui sous-tendent l’expérience scolaire et sociale des élèves ont été recensés. Nous entendons par «facteurs individuels», des facteurs qui concernent le profil sociodémographique de l’élève, des facteurs qui prennent racine dans certaines caractéristiques et dispositions individuelles de ce dernier, qui concernent les relations sociales entretenues par l’élève avec des adultes ou des camarades de l’école, etc. Les éléments déjà recensés se retrouvent dans le schéma 2 de la page 57, qui fait une synthèse de ce type de facteurs. Dans cette partie du travail, nous tentons donc d’évoquer «des facteurs individuels» qui n’ont pas encore été mentionnés jusqu’à maintenant.

Dans ce sens, certaines recherches posent un regard plutôt psychologique sur l’expérience socioscolaire des élèves, en soulignant des caractéristiques personnelles de ces derniers comme facteur d’influence à leur réussite scolaire : leurs dispositions à accéder à leurs propres ressources (Dubet, 2005), leur satisfaction à fréquenter l’école (Bouteyre, 2004), leur potentiel et leurs habiletés scolaires (Cloutier, 1992; Marcotte et al., 2001; Paquet et Paquin, 1994), leurs habiletés cognitives (Bouteyre, 2004; Janosz et al., 2000) et leur

55

perception de leur degré de compétence envers les tâches scolaires (Hrimech et al., 1993a). Bisaillon (1992) évoque l’importance pour l’élève que son parcours scolaire rencontre ses aspirations personnelles. Aussi, la valeur que le jeune accorde à l’école serait primordiale dans des problématiques de réussite et de décrochage scolaires (Hrimech et Théorêt, 1997).

Dans une perspective un peu plus sociologique, il semble que les relations avec les autres élèves de l’école et avec les membres du personnel scolaire puissent aussi influencer l’expérience socioscolaire des élèves (Caron, 1997; Paquet et Paquin, 1994). Certains écrits parlent du nombre d’amis et de la qualité des relations amicales établies avec les pairs (Janosz et al., 2000; Janosz et Deniger, 2001; Royer et al., 1995), d’autres soulignent l’influence négative de pairs déviants (Hrimech et al., 1993a; Janosz et al., 2000; Robertson et Collerette, 2005).

Comme il a déjà été mentionné, l’expérience socioscolaire est souvent explorée sous l’angle des facteurs de risque dans les écrits. Dans ce sens, divers travaux québécois soulignent le troisième secondaire comme étant un moment spécialement critique pour les élèves à risque de décrocher (entre quinze et dix-sept ans) (Boucher, 1992; Hrimech, Théorêt, Hardy et Gariépy, 1993b; Parent et Paquet, 1991; Royer et al., 1995). Toutefois, bien que le décrochage scolaire ait généralement lieu au niveau secondaire, le processus de désengagement débuterait souvent dès le niveau primaire (Langevin, 1994; Royer et al., 1995). Une étude récente de Lecocq et al. (2014) tend d’ailleurs à démontrer l’importance de l’âge dans les problématiques de décrochage scolaire. La fréquentation de l’école publique francophone représenterait aussi un facteur de risque à la réussite scolaire (Giroux et Yves, 1998; Hrimech et al., 1993a ; Ledent, Murdoch et Mc Andrew, 2010; Paquet et Paquin, 1994; Royer et al., 1995). Aussi, quelques études notent une relation entre le taux de décrochage scolaire et le nombre d’heures rémunérées et travaillées par les jeunes (Caron, 1997; Dagenais, Montmarquette, Viennot-Briot et Meunier, 2000; Hrimech et Théorêt, 2007; Janosz et al., 2000; Royer et al., 1995). Dans une étude effectuée auprès d’élèves décrocheurs de l’île de Montréal, des facteurs de risque relevant plutôt des caractéristiques personnelles des élèves sont aussi notées, entre

56

autres : l’agressivité, l’insécurité et le manque de confiance en soi et en l’école (Hrimech et al., 1993a).

Aussi, le sexe des élèves pourrait influencer certaines expériences socioscolaires, par exemple, les garçons seraient surreprésentés dans la problématique de décrochage scolaire au Québec (Bisaillon, 1992; Hrimech et al., 1993a; Hrimech et Théorêt, 2007; Ledent et al., 2010; MELS, 2009; Robertson et Collerette, 2005; Royer et al., 1995; Savoie-Zajc et Lanaris, 2005). Les hypothèses émises pour expliquer cette différence entre les genres varient. Entre autres, Bisaillon (1992) soutient que les filles pourraient avoir une motivation intrinsèque plus développée que les garçons ou encore que l’identification masculine à l’école serait insuffisante pour soutenir adéquatement l’expérience socioscolaire des garçons. Selon Hrimech et Théorêt (1997), les filles adhéreraient peut-être plus aux valeurs d’obéissance, d’ordre et de discipline véhiculées dans le milieu scolaire ou encore, certains schèmes de socialisation stéréotypés pourraient expliquer certaines différences de réussite scolaire entre les genres. Le sexe comme facteur de risque à la réussite scolaire a par contre été récemment critiqué dans un article de Duclos (2012). En effet, l’auteure invite à relativiser les études surtout quantitatives qui croisent sexe et réussite scolaire. Duclos (2012) prétend que la définition de décrochage scolaire proposée par le MELS construit sur l’obtention du DES après cinq années d’études au niveau secondaire est imparfaite, entre autres, parce qu’elle ne tient pas compte des élèves raccrocheurs. Aussi, l’auteure souligne que les données sur le décrochage scolaire ne distinguent presque jamais les commissions scolaires entre elles, ce qui devrait être envisagé, puisque certaines sont plus particulièrement concernées par le décrochage des garçons. Une chose semble par contre faire davantage l’unanimité dans les écrits au sujet des différences de réussite scolaire entre les genres : certains types de facteurs de risque concernent davantage les filles, alors que d’autres sont plus souvent associés aux garçons (Lessard et al., 2007; Royer et al., 1995).

Les «facteurs individuels» qui influencent l’expérience socioscolaire des élèves, ressortis dans le cadre de ce travail, sont synthétisés dans le schéma 2 de la page 57.

57

Schéma 2 : Synthèse de «facteurs individuels» qui sous-tendent l’expérience socioscolaire des élèves (Charette, 2016)

Sans prétendre avoir présenté tous les «facteurs individuels» en vigueur qui sous-tendent l’expérience socioscolaire des élèves, notre recension des écrits nous a permis d’en ressortir plusieurs. La variété des facteurs recensés illustre la complexité de l’expérience socioscolaire et l’importance d’adopter des angles divers pour étudier les problématiques de réussite et de décrochage scolaires. La partie qui suit se concentre sur des «facteurs scolaires» qui sous-tendent l’expérience socioscolaire des élèves.