• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1 : Problématique

1.2 Des enjeux de la diversité et de l’immigration pour le milieu scolaire québécois

1.2.2 La prise en compte de la diversité ethnoculturelle par le milieu scolaire

Québec est notamment liée à l’évolution des structures scolaires et à l’avènement de la Charte de la langue française en 1977 (Gouvernement du Québec, 2012), qui stipule l’obligation pour la majorité des enfants entre cinq et seize ans, récemment immigrés au Québec, de fréquenter le milieu scolaire public francophone (Armand, 2005; Mc Andrew et Proulx, 2000; Mc Andrew et al., 2015). L’école, étant garante d’idéaux d’équité prônés par la société québécoise et ayant des rôles indéniables de socialisation et de promotion sociale (Bakhshaei, 2015; Mc Andrew et al., 2015), est appelée à s’adapter aux besoins de la population qu’elle accueille. Au Québec, depuis les années 90, le milieu scolaire québécois s’est engagé dans :

(…) un processus continu d’adaptation systémique à la diversité afin de faciliter l’intégration scolaire des élèves d’origine immigrée (francisation/classes d’accueil, formation et recrutement du personnel, adaptation des programmes et du matériel didactique, ajustements aux règlements et codes de vie, mesures écoles-familles-communautés) (Audet et al., 2010, p.57).

Les actions mises en place par le milieu scolaire pour la prise en compte de la diversité ethnoculturelle démontrent non seulement un souci pour l’équité et pour la construction d’une société harmonieuse, mais illustrent aussi une préoccupation pour la réussite scolaire des élèves immigrants. Le Ministère de l’Éducation du Québec11 s’est d’ailleurs

11 Le Ministère de l’Éducation au Québec a changé de nomination au fil des ans: Ministère de l’Éducation du Québec [MEQ], Ministère de l’Éducation, du Sport et du Loisir [MELS], Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche [MEES]. Nous employons le terme générique Ministère de l’Éducation du

Québec lorsque nous parlons du Ministère de façon générale, sans égard à une période précise dans le

temps. Lorsque nous citons des documents en particulier, nous employons la nomination en vigueur à la date de publication de ces derniers.

21

résolument engagé dans cette voie en faisant des études internes, en subventionnant des recherches et en mettant en place des programmes d’action concertée qui soutiennent de façon directe ou indirecte la persévérance scolaire des élèves immigrants (Mc Andrew et al., 2015).

Car, si on peut s’attendre à ce que les adultes immigrants connaissent un «temps de purgatoire» plus ou moins long sur le plan de l’intégration économique, il est crucial que leurs enfants établissent un rapport positif avec le système scolaire et en tirent des avantages équivalents à ceux de leurs pairs d’implantation ancienne (Mc Andrew et al., 2015, p.10)

En ce qui concerne la réussite scolaire plus largement, depuis 2007, la stratégie d’intervention Agir autrement a été mise en place dans plusieurs écoles du Québec. Cette stratégie vise «l’adaptation des pratiques, tant à l’échelle de l’école qu’à celle des classes, pour assurer une plus grande réussite des élèves issus d’un milieu défavorisé et réduire ainsi les inégalités scolaires» (Gouvernement du Québec, 2011). Si cette stratégie se concentre plus particulièrement sur les milieux défavorisés, elle couvre indirectement, mais sûrement, des enjeux qui concernent les élèves immigrants.

En ce qui a trait à la diversité ethnoculturelle, le Ministère de l’Éducation du Québec accorde depuis plusieurs années un budget aux commissions scolaires francophones pour soutenir l’organisation des services d’accueil et de soutien à l’apprentissage de la langue française ainsi qu’aux services de soutien aux élèves issus de l’immigration. Par exemple, pour l’année scolaire 2015-2016, les allocations consenties aux commissions scolaires francophones du Québec pour soutenir ces services dans le secteur de la formation des jeunes s’élevaient à 37,8 millions de dollars (MEES, 2015, p.7). Ainsi, plusieurs commissions scolaires offrent des services particuliers aux élèves des communautés culturelles par la mise en place de programmes et de mesures qui visent à faciliter leur intégration à l’école du Québec. Dans ce sens, les services de soutien à l’apprentissage de la langue française sont des appuis importants offerts aux élèves récemment arrivés au Québec qui intègrent le système scolaire, les modalités du service variant selon le niveau scolaire et le milieu intégrés par les élèves lors de leur entrée à l’école du Québec (Armand, 2005; MEES, 2015).

22

En 1998, la Politique d’intégration scolaire et d’éducation interculturelle, qui vise à faciliter le processus d’accueil et d’intégration des élèves immigrants dans les écoles du Québec, a été élaborée par le MEQ (1998a; 1998b). Cette politique est soutenue par trois principes fondamentaux : «la transformation pluraliste du programme d’enseignement, la formation et le perfectionnement des maîtres ainsi que la représentation de la diversité ethnoculturelle dans les corps d’emploi» (Mc Andrew et Audet, 2010, p.130). Durant la même année, le Conseil scolaire de l’île de Montréal [CSIM] créait des fascicules, à l’intention du personnel scolaire, où il était tenté de faire un portrait de diverses communautés culturelles de Montréal (CSIM, 1998a; 1998b; 1998c; 1998d; 1998e; 1998f; 1998g; CSIM, 2005). Bien que ces fascicules doivent être consultés avec un regard critique, surtout pour éviter la fossilisation des individus ou des groupes selon leur pays d’origine, cette initiative démontre tout de même l’intérêt du milieu scolaire montréalais à mieux connaître la population qui évolue dans ses écoles et l’intention de ce dernier de soutenir le personnel enseignant à l’égard des profils ethnoculturels diversifiés des familles.

Le Programme de formation de l’école québécoise, issu de la dernière réforme d’éducation au Québec, aborde aussi la prise en compte de la diversité ethnoculturelle. Entre autres, l’élément «vivre-ensemble et citoyenneté» des domaines généraux de formation vise principalement à «permettre à l’élève de participer à la vie démocratique de l’école ou de la classe et de développer des attitudes d’ouverture sur le monde et de respect de la diversité» (MEQ, 2001a, p.50; MEQ, 2006, p.28). Afin de favoriser le vivre- ensemble, le volet Éthique et culture religieuse a aussi fait son entrée dans les écoles québécoises en 2008, poursuivant des apprentissages de respect de la liberté de conscience et de religion (MELS, 2012). Inspirées par les actions du Ministère de l’Éducation, plusieurs commissions scolaires et écoles traitent aussi de la diversité ethnoculturelle et des enjeux qui y sont liés dans l’élaboration de leur projet éducatif et dans la création de politiques diverses (Charette, 2009; Mc Andrew et Audet, 2010). Découlant du programme de formation de 2001, le Référentiel des compétences professionnelles en enseignement a été construit (MEQ, 2001b). Entre autres, ce dernier invite le personnel enseignant à devenir des protagonistes de l’intégration des élèves

23

immigrants en tenant compte de l’hétérogénéité ethnoculturelle qui particularise la clientèle scolaire de plusieurs écoles au Québec, notamment par des composantes des compétences 1, 3 et 12. En voici des exemples (MEQ, 2001b) :

 Composantes 1.3, 1.4, 1.5 : Établir des relations entre la culture seconde prescrite dans le programme de formation et celle des élèves; Transformer la classe en un lieu culturel ouvert à la pluralité des perspectives dans un espace de vie commun; Poser un regard critique sur ses propres origines et pratiques culturelles et sur son rôle social;

 Composante 3.4 : Prendre en considération les préalables, les représentations, les différences sociales (genre, origine ethnique, socioéconomique et culturelle), les besoins et les champs d’intérêt particulier des élèves dans l’élaboration des situations d’enseignement-apprentissage;

 Composante 12.6 : Éviter toute forme de discrimination à l’égard des élèves, des parents et des collègues.

Par ailleurs, l’Université du Québec à Montréal [UQAM], soucieuse de considérer les spécificités de la population scolaire montréalaise, a ajouté une treizième compétence à son programme de formation à l’enseignement, soit la suivante : «S'approprier la réalité pluriethnique de la société québécoise et de l'école montréalaise, se sentir réellement concerné dans ses actions pédagogiques, développer les compétences de l'éducation interculturelle» (UQAM, n.d.). D’ailleurs, les universités montréalaises offrent généralement des cours obligatoires qui concernent la diversité ethnoculturelle, les inégalités, les discriminations ainsi que le développement d’une pédagogie adaptée aux particularités des populations scolaires d’aujourd’hui (Mc Andrew et Audet, 2010). Quelques activités de perfectionnement et de formation continue sont aussi offertes, de façon facultative, au personnel déjà en place dans les écoles de la province (Mc Andrew et Audet, 2010).

Pour répondre à un nombre croissant d’élèves immigrants dans les écoles du Québec et en vue d’offrir des réponses adaptées aux besoins des élèves, le MELS (2014b) a aussi élaboré un Cadre de référence sur l’accueil et l’intégration des élèves issus de l’immigration au Québec.

Ce Cadre de référence vise à soutenir les personnes qui travaillent auprès d’élèves du préscolaire, du primaire et du secondaire issus de l’immigration. Conçu sous forme de fascicules, il vise également à favoriser la mise en place d’interventions

24

basées sur les valeurs d’égalité, d’équité et d’inclusion, à soutenir la persévérance et la réussite des élèves issus de l’immigration et à contribuer ainsi au développement d’un Québec démocratique, francophone et pluraliste. (MEES, 2016, parag.2).

Le Cadre de référence est composé de quatre fascicules qui se nomment ainsi : 1) Portrait des élèves-soutien au milieu scolaire; 2) Organisation des services; 3) Protocole d’accueil; 4) Partenariats – école, famille et communauté.

En somme, diverses initiatives (mesures, programmes, services, pratiques) sont mises en place dans le milieu scolaire québécois pour prendre en compte la diversité ethnoculturelle qui caractérise la clientèle des écoles. Le leitmotiv de ces initiatives diverses est souvent le soutien à l’intégration sociale et à la réussite scolaire des élèves immigrants ainsi que la participation équitable de tous les élèves au milieu scolaire québécois. Nous remarquons toutefois que les parents issus de l’immigration sont peu pris en compte par le milieu scolaire québécois, leur prise en compte étant plus ou moins disséminée dans des mesures qui s’attardent à la diversité ethnoculturelle des enfants plus particulièrement (Ministère de l’Éducation du Québec [MEQ], 1998a, 1998b, 2001, 2001b, 2006; MELS, 2009, 2014b). En plus d’enjeux d’équité, les institutions scolaires sont également sollicitées par certains enjeux de l’immigration en famille, tout comme ça semble être le cas de certaines institutions communautaires, d’ailleurs. C’est ce que nous abordons dans les lignes qui suivent.

1.2.3 L’école et la communauté dans le processus d’immigration des familles :