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Chapitre 1 : Problématique

1.2 Des enjeux de la diversité et de l’immigration pour le milieu scolaire québécois

1.2.3 L’école et la communauté dans le processus d’immigration des familles : l’émergence des ICS

Par sa fréquentation obligatoire dans plusieurs sociétés occidentales, l’école représente une institution pratiquement incontournable dans le parcours des familles qui immigrent avec des enfants en âge de fréquenter l’école. Ainsi, cette dernière devient fortement concernée par des enjeux de l’immigration en famille, notamment, en étant centrale dans l’accueil et dans l’intégration de plusieurs familles immigrantes (Audet et al. 2010; Kanouté et Lafortune, 2011a; Mc Andrew, 1994; Mc Andrew et al., 2015). Pour de nombreux parents récemment immigrés, l’institution scolaire est le premier territoire de négociation de diverses particularités culturelles de la société d’accueil (Bouchamma et Benimmas, 2007; Bouchamma et Tardif, 2011; Kanouté, 2007a; Lafortune, 2012;

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Lahlou, 2008; Mc Andrew, 1994; Sirin et Ryce, 2010; Tanguay, 1998). En ce qui concerne les membres du milieu scolaire, il semble que certains d’entre eux représentent des vecteurs de résilience des familles immigrantes en ce qui concerne l’expérience socioscolaire des enfants, plus particulièrement, et le processus d’intégration familial dans la société d’accueil, plus largement (Armand, Rousseau, Lory et Machouf, 2011; Bouteyre, 2004; Bouteyre, 2008; Hohl et Kanouté, 2011; Kanouté, 2007c; Lafortune, 2012; Vatz Laaroussi, Tremblay, Corriveau et Duplain, 1999; Vatz Laaroussi et al., 2005; Vatz Laaroussi, Kanouté, Rachédi, Lévesque et Montpetit, 2007). Ainsi, l’école a une position charnière entre plusieurs familles qui immigrent avec des enfants d’âge scolaire et la société d’accueil, endossant souvent un rôle de médiateur entre les deux (Benoit, Rousseau, Ngirumpatse et Lacroix, 2008; Bouchamma et Benimmas, 2007; Jacquet, Moore et Sabatier, 2008; Lahlou, 2008).

De leur côté, les institutions communautaires ne sont pas un passage obligé dans le parcours migratoire des familles. Toutefois, il semble que plusieurs d’entre elles aient aussi une place de choix dans les processus d’intégration et d’établissement de nombreuses familles immigrantes dans la société d’accueil (Hohl et Kanouté, 2011; Vatz Laaroussi et al., 2008). D’ailleurs, il semble que certaines familles soient plus à l’aise de collaborer avec les organismes communautaires qu’elles le soient parfois avec les institutions scolaires, surtout lors de leurs débuts dans la province (Bilodeau et al., 2011; Kanouté et al., 2011; Vatz Laaroussi, Kanouté et al., 2008). Dans ce sens, plusieurs organismes communautaires au Québec ont des missions qui concernent spécialement l’accueil et l’intégration des personnes récemment arrivées dans la province, pour n’en nommer que quelques-uns, dispersés à travers le Québec : le Centre d’Aide aux Familles Latino-Américaines (CAFLA), la Maison d’Haïti, La Maisonnée, le Carrefour d’aide aux nouveaux arrivants (CANA), le Centre multiethnique de Québec (CMQ), le Coffret, le Regroupement interculturel de Drummondville (RID), le Centre social d’aide aux immigrants (CASI), le Carrefour d’intercultures de Laval (CIL), le Service d’aide aux Néo-Canadiens (SANC), etc. Kanouté et al. (2011), dans un article, soulignent la pertinence des organismes communautaires à «l’apprivoisement de l’expérience migratoire et à l’actualisation et à la bonification du capital social des familles

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immigrantes grâce à l’information leur permettant de relever les défis relatifs à l’acculturation» (p.415).

Par ailleurs, depuis les dernières décennies, il semble que plusieurs organismes communautaires inscrivent précisément certains enjeux «du scolaire» dans leurs activités (Kanouté et al., 2011). Kanouté et al. (2011) parlent surtout d’offres de soutien scolaire pour les familles : tutorat en français et en mathématiques pour les enfants, aide aux devoirs, etc. Une typologie de Vatz Laaroussi, Kanouté et Rachédi (2008), explorée dans le cadre conceptuel de notre thèse, montre l’importance des milieux communautaires dans l’accueil et dans l’intégration des familles immigrantes à l’école et dans la société plus généralement. Aussi, selon Kanouté et al. (2011), de nombreuses écoles sollicitent davantage les organismes communautaires depuis quelques années, en vue de favoriser une action concertée qui réponde plus adéquatement aux besoins des enfants et des jeunes. D’ailleurs, plusieurs écrits soulignent la complémentarité de l’école et des organismes communautaires pour une lecture croisée et efficace des besoins des familles, notamment en milieux défavorisés ou immigrants (Bilodeau et al., 2011; Deslandes, 2007; Jacquet et Masinda, 2014; L’Hostie et Doyon, 2007; Kanouté, 2007a; Kanouté et al., 2011). En contrepartie, il faut tout de même souligner la difficulté pour le milieu communautaire d’être reconnu comme partenaire à part entière par certaines écoles et protagonistes qui y évoluent (Larivée, Kalubi et Terrisse, 2006; Vatz Laaroussi et al., 2005).

Selon Bilodeau et al. (2011), certains organismes communautaires facilitent aussi le contact entre l’école et les familles par la mobilisation d’agents et d’agentes qui font le lien entre les deux milieux de vie de l’enfant. D’ailleurs, dans ce sens, à la croisée du milieu communautaire, de l’école et de la famille, une profession tend à se définir depuis quelques années au Québec, soit celle d’ICSI (TCRI, 2015). En effet, dans la foulée des initiatives mises en place pour soutenir l’intégration des familles et la réussite des élèves immigrants à l'école du Québec, la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes [TCRI] travaille à baliser la profession d’ICSI, intervenants et intervenantes qui ont une place stratégique dans le processus d’intégration de plusieurs familles récemment immigrées au Québec. Dans ce sens, la TCRI a organisé

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cinq rencontres nationales des ICSI depuis 2011, en vue de consolider leur profil (TCRI, 2016). Les ICSI sont des personnes qui travaillent à la fois dans des écoles et dans un organisme communautaire, ils sont des facilitateurs de liens entre les jeunes, leur famille, le personnel scolaire et d’autres ressources de la société d’accueil (TCRI, 2015). Ils ont principalement comme objectif de «favoriser le développement et la consolidation d’un réseau multisectoriel et multidisciplinaire en travaillant de connivence avec la famille pour que l’enfant ou le jeune immigrant chemine au mieux de son potentiel dans le système scolaire québécois» (TCRI, 2015, p.3). Si le profil d’intervenant ou d’intervenante communautaire était déjà présent dans divers milieux scolaires pour faciliter les liens entre les écoles, les familles et la communauté, le besoin de définir et de mettre en place un profil communautaire spécifiquement axé sur les relations école- familles immigrantes soulève la nécessité de se pencher sur les besoins d’accompagnement de ces familles dans le milieu scolaire québécois.

En somme, il semble que les institutions scolaires et communautaires aient souvent une place stratégique dans les processus d’intégration de nombreuses familles immigrantes dans la société d’accueil. D’ailleurs, le regard croisé des deux institutions sur le processus d’intégration des familles immigrantes semble favoriser une meilleure lecture des besoins des familles. Il semble que les ICSI aient une place de choix à la rencontre du milieu scolaire et des familles immigrantes. Dans la troisième partie de notre problématique, nous nous penchons sur la place des enjeux scolaires dans de nombreux projets migratoires familiaux.