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Chapitre 2 : Cadre conceptuel

2.1 L’expérience socioscolaire d’élèves récemment immigrés

2.1.1 Quelques définitions sur des thèmes inhérents à l’expérience socioscolaire

2.1.1.1 Le concept de décrochage scolaire

L’exploration du concept de décrochage scolaire nous permet de préciser diverses facettes qui constituent l’expérience socioscolaire des élèves. Ainsi, les réflexions et les recherches sur le concept de décrochage scolaire sont nombreuses, plus particulièrement dans les pays occidentaux. Généralement, ces dernières visent à identifier des causes et des façons de prévenir le décrochage, des profils d’élèves en situation de décrochage et des façons de promouvoir la réussite scolaire (Kanouté et Lafortune, 2011b). Quoique les définitions du concept varient d’un pays, d’une société et d’une discipline à l’autre (Janosz, 2000), certaines dimensions semblent revenir plus souvent dans les écrits, par exemple : «processus dynamique», «phases multiples», «interactions de facteurs», «désengagement» et «démobilisation scolaire» (Blaya, 2010; Langevin, 1994; Lecocq et al., 2014; Marcotte, Fortin, Royer, Potvin et Leclerc, 2001; Paquin et Paquet, 1994; Royer, Moisan, Payeur et Vincent, 1995). Divers écrits soulignent les conséquences multiples du décrochage scolaire sur des plans divers (individuel, social, économique,

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etc.) justifiant ainsi la nécessité de s’attarder à la problématique, surtout dans une perspective préventive (Blaya, 2010; Fortin et Picard, 1999; Lecocq et al., 2014; Lessard, Fortin, Joly, Royer, Marcotte et Potvin, 2007; Marcotte et al., 2001; Paquet et Paquin, 1994; Robertson et Collerette, 2005).

Au Québec, dans une optique opérationnelle du décrochage scolaire, le concept est souvent décrit comme le fait de quitter l’école avant l’obtention d’un DES, sans être inscrit dans le milieu scolaire l’année suivante; la durée d’absence du système scolaire avant d’être considéré comme élève décrocheur varie d’ailleurs d’une définition à l’autre (Caron, 1997; Girard, 1991; Hrimech et al., 1993a; Janosz et Deniger, 2001; Paquet et Paquin, 1994; Pilon, 1993). Toutefois, il semble que des données quantitatives et statistiques ne suffisent pas à dépeindre la complexité du phénomène de décrochage scolaire (Blaya, 2010). D’ailleurs, selon un angle un peu plus sociologique, des écrits décrivent le décrochage scolaire comme des mécanismes de survie pour des jeunes qui rencontrent une situation aversive ou certaines épreuves dans le milieu scolaire (Dubet, 2005; Langevin, 1994). Dans ce sens, Dubet (2005) décrit trois catégories d’élèves décrocheurs : ceux qui se retirent pour éviter de perdre au jeu scolaire, ceux qui entrent dans le rituel et échouent en douce ainsi que ceux qui résistent en mettant la faute sur les autres.

Les écrits regorgent de facteurs explicatifs pouvant mener à des situations de décrochage scolaire, relevant d’aspects individuels, familiaux, scolaires, intrapsychiques, comportementaux, socio-interactionnels, mais surtout, de l’interaction de ces facteurs entre eux (Robertson et Collerette, 2005; Terrisse et Larose, 2001). En effet, bien que plusieurs recherches préconisent un angle spécifique pour l’étude du décrochage scolaire, de plus en plus d’études ont recours à une approche globale qui relie les défis du jeune et de l’élève, étudiant les problématiques du décrochage selon les caractéristiques des différents milieux au sein desquels les élèves évoluent (Janosz et LeBlanc, 2005; Lecocq et al., 2014; Robertson et Collerette, 2005). Dans ce sens, Fortin, Marcotte, Diallo, Royer et Potvin (2013) ont élaboré un modèle théorique multidimensionnel du décrochage scolaire à partir d’une étude longitudinale faite auprès de cohortes d’élèves québécois. Leur modèle illustre l’interaction de dimensions multiples pour expliquer les

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problématiques de décrochage scolaire, dont les caractéristiques personnelles des élèves, mais aussi des caractéristiques liées aux environnements familiaux et scolaires de ces derniers.

Afin de souligner à la fois la singularité des expériences et la multiplicité des trajectoires des élèves en situation ou en processus de décrochage scolaire, Janosz (1994), dans le cadre d’un projet doctoral, a élaboré une typologie d’élèves décrocheurs, qui a été reprise dans plusieurs travaux par la suite (Janosz, 2000; Janosz et al., 2000; Robertson et Collerette, 2005). La recherche effectuée, à l’aide debanques de données longitudinales, concernait l’adaptation psychosociale et l’expérience scolaire de quelque 1500 jeunes adolescents, dans les années 1974 et 1985. La recherche s’ancrait dans une perspective écologique et interactionniste qui soulignait l'importance de considérer simultanément les niveaux individuels, organisationnels et socioculturels de la réussite scolaire, illustrant ainsi une variété de profils d’élèves décrocheurs. La typologie de Janosz (1994), qui catégorise les élèves en quatre types : discrets, désengagés, sous-performants et inadéquats, est intéressante dans le cadre de notre projet de recherche, surtout, parce que celle-ci soulève l’importance de considérer diverses dimensions dans la problématique du décrochage scolaire, ce que d’autres écrits corroborent.

Dans ce sens, voici quelques éléments à considérer : la fréquence des comportements déviants (Caron, 1997; Girard, 1991; Hrimech et al., 1993a; Janosz, 1994; Janosz et al., 2000; Royer et al., 1995), la vision que l’élève a de l’école (Hrimech et al., 1993a; Janosz, 1994; Janosz et al., 2000; Langevin, 1994), le degré de motivation de l’élève envers sa scolarité (Baby, 2005; Boucher, 1992; Bouteyre, 2004; Hrimech et al., 1993a; Janosz, 1994; Janosz et al., 2000; Langevin, 1994; Marcotte et al., 2001; Pilon, 1993; Robertson et Collerette, 2005; Royer et al., 1995; Savoie-Zajc et Lanaris, 2005), le rendement scolaire de l’élève (Baby, 2005; Girard, 1991; Hrimech et al., 1993a; Janosz, 1994; Janosz et al., 2000; Marcotte et al., 2001; Pilon, 1993; Robertson et Collerette, 2005; Savoie-Zajc et Lanaris, 2005), la fréquence des échecs scolaires (Baby, 2005; Girard, 1991; Hrimech et al., 1993a; Janosz, 1994; Janosz et al., 2000; Marcotte et al., 2001; Pilon, 1993; Robertson et Collerette, 2005; Savoie-Zajc et Lanaris, 2005), la

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présence de difficultés d’apprentissage (Caron, 1997; Janosz, 1994; Marcotte et al., 2001), le niveau d’aspirations scolaires de l’élève (Caron, 1997; Hrimech et al., 1993a ; Janosz, 1994; Janosz et al., 2000; Robertson et Collerette, 2005; Royer et al., 1995), les efforts fournis par l’élève en vue de réussir, le niveau d’engagement de l’élève envers son parcours scolaire, son profil psychosocial et certaines caractéristiques de son milieu familial (Janosz, 1994). La diversité des profils présentés dans la typologie fait place à une approche différentielle permettant de mieux cerner le problème de décrochage scolaire et de favoriser la persévérance scolaire du plus grand nombre (Janosz et LeBlanc, 2005).

D’autres éléments sont aussi soulignés dans les écrits lorsqu’il est question des élèves à risque de décrocher, comme des retards scolaires (Girard, 1991; Hrimech et al., 1993a; MELS, 2009; Paquin et Paquet, 1994), des absences répétées à l’école (Hrimech et al., 1993a; Langevin, 1994; Royer et al., 1995), de mauvaises relations avec les membres du personnel scolaire (Blaya, 2010; Langevin, 1994; Robertson et Collerette, 2005), une faible estime de soi (Bisaillon, 1992; Girard, 1991; Langevin, 1994; Robertson et Collerette, 2005), des problèmes personnels (alcool, drogue, grossesse, etc.) (Caron, 1997; Hrimech et al., 1993a) ou des troubles de santé mentale (Blaya, 2010; Caron, 1997; Marcotte et al., 2001; Paquet et Paquin, 1994; Royer et al., 1995). Aussi, plusieurs élèves évoquent l’ennui lorsqu’ils sont interrogés sur les causes qui les ont menés à décrocher (Blaya, 2010; Langevin, 1994; Hrimech et al., 1993a).

En somme, la recherche documente largement la problématique de décrochage scolaire et fait ressortir la complexité de l’expérience socioscolaire des élèves, en montrant la diversité des facteurs qui la sous-tendent et qui interagissent entre eux. Dans la section qui suit, nous définissons brièvement les concepts de facteurs de risque, de facteurs de protection et de résilience.

2.1.1.2 Les concepts de facteurs de risque, de facteurs de protection et de