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Suivre la politique linguistique de Cayenne recommandée aux Ultramarins 

Olivier Hutin 

Annexe  16  Suivre la politique linguistique de Cayenne recommandée aux Ultramarins 

(Document donné sur ma demande par Magali Rosa, du Ministère de l’Education Nationale)

Dans le cadre de l’année des outre-mer et des Etats généraux du multilinguisme dans les outre-mer (EGM-OM) un Comité de suivi présidé par Monsieur Xavier North est mis en place, qui a pour mission de pérenniser un espace de concertation et d’information pour la mise en œuvre d’une politique linguistique en outre-mer.

Le comité de suivi est invité à réfléchir sur les points suivants en ce qui concerne la transmission des langues

3) engager un dialogue avec l’éducation nationale sur la nécessité d’adapter pour les outre-mer le code de l’éducation, en y inscrivant, au-delà du créole, les autres langues maternelles

4) faire des propositions concrètes dans le cadre du programme « Histoire des arts »

5) accueillir une antenne de la DGLFLF en Polynésie

6) réaliser le bilan des initiatives du bilinguisme français+une langue de France parlée outre-mer, à l’école maternelle, élémentaire et au collège.

Les états généraux du multilinguisme dans les outre-mer ont abouti à :

« La Déclaration de Cayenne » qui consigne les recommandations issues des

ateliers et des débats conduits à l’occasion du séminaire (14 – 18 décembre 2011) constitue un texte de référence pour la mise en œuvre d’une politique des langues propre aux territoires ultramarins de la République. Il témoigne de la richesse des points de vue qui se sont exprimés au cours des EGM-OM et dessine des orientations de travail sur la base de propositions fondées sur des savoirs scientifiques et sur les «retours d’expériences» des représentants de la société civile et des associations.

Des principes généraux qui sous-tendent la transmission des langues, la prise en compte des langues d’origine et des acquis culturels dans l’apprentissage du français

Le consensus qui a réuni les participants est la nécessité, pour tous les élèves de France métropolitaine et d’outre-mer, de parvenir à une maîtrise de la langue française et de sa langue maternelle.

C’est pourquoi, il est crucial, dans un contexte scolaire, d’intervenir sur la langue maternelle, dès la petite enfance, car c’est en formant de bons bilingues que l’école formera de bons francophones.

La diversité des langues parlées dans les territoires ultramarins constitue un patrimoine d’une richesse exceptionnelle et une réalité vivante, une cinquantaine de

147 langues étant reconnues comme « langues de France » dans les départements et collectivités d’outre-mer ;

Les langues et les cultures ultramarines sont porteuses de valeurs et de savoirs, et sont en mesure d’apporter des réponses aux questions de la société contemporaine ;

Aussi le patrimoine constitué par les langues de l’Outre-mer doit-il être mis en valeur, afin de permettre l’expression des langues autochtones et garantir leur transmission.

L’évolution accélérée des technologies de l’information et de la communication peut être mise à profit pour favoriser l’utilisation, la modernisation, la diffusion et la transmission de ces langues.

Le cadre législatif et réglementaire offre des possibilités qu’il revient non seulement aux administrations de l’État et aux collectivités territoriales, mais aussi aux citoyens eux-mêmes, d’exploiter.

Ces possibilités concernent l’usage des langues de l’outre-mer dans l’espace public, leur «équipement» et leur enseignement, les pratiques culturelles et leur place dans les médias.

La prise en compte des langues d’origine et des acquis culturels dans l’apprentissage du français, leur place dans le système éducatif concerne 3 pôles :

> Multilinguisme, éveil à la diversité et intercompréhension.

> L’enseignement des langues d’origine, en lien avec le français, dans une perspective plurilingue.

> La prise en compte des langues d’origine dans l’acquisition de compétences linguistiques, hors du système scolaire.

Des recommandations :

> Ratifier ou élaborer des textes législatifs ou réglementaires qui consacrent le droit d’un enfant à apprendre à lire et à écrire dans sa langue maternelle.

> Prendre appui, dans le système éducatif, sur les principes définis dans le schéma d’accompagnement à la valorisation de l’enseignement des langues d’origine dans les collectivités d’outre-mer.

> Activer concrètement les dispositifs existants (commissions académiques, textes sur l’enseignement des « langues régionales »).

> Poursuivre les expérimentations prenant en compte la variété des compétences linguistiques et culturelles des élèves pour l’acquisition du français et des savoirs disciplinaires autres que le français, dans le cadre du socle commun des connaissances et des compétences. Puisque bien des expérimentations ont déjà donné des résultats positifs, favoriser des recherches-actions à même de permettre l’amélioration des dispositifs déjà existants.

148 > Établir des partenariats pérennes et solides avec la communauté scientifique, et particulièrement avec des sociolinguistes spécialisés dans les questions d’aménagement linguistique et didactique.

> Privilégier l’éveil des enfants à la pluralité linguistique. La diversité linguistique est une expérience quotidienne dans les territoires ultramarins : plutôt que de l’ignorer, il convient d’en exploiter la richesse. La prise de conscience par les enfants de leur plurilinguisme est en effet une étape importante dans le développement de la compétence métalinguistique, c’est-à-dire la faculté à parler du langage et des langues. Cette posture réflexive constitue une activité intellectuelle importante pour la suite des apprentissages scolaires : or, elle peut être développée dès le plus jeune âge, à partir de supports oraux comme écrits. Ces démarches de valorisation du plurilinguisme ont des conséquences positives sur la transmission intra-familiale des langues d’outre-mer et, de ce point de vue, participent pleinement des programmes de sauvegarde et de revitalisation du patrimoine linguistique que constituent les langues de France.

> Mutualiser et diffuser des outils pédagogiques et d’éveil aux langues adaptés aux contextes linguistiques. Un travail de collecte des différents retours d’expérience reste à mener : dans cette perspective, l’utilisation d’environnements numériques permettant un travail collaboratif et la constitution de réseaux est une possibilité. Locuteurs, enseignants, chercheurs, membres d’association doivent travailler ensemble, de façon égalitaire, à la constitution de ces ressources d’intérêt collectif.

> Accepter les énoncés mélangés/hybrides résultant des contacts de langue et inviter les élèves à les analyser.

> Assurer la formation des enseignants à la diversité linguistique et culturelle, en particulier celle du territoire où ils sont en activité. Le travail de mutualisation des outils pédagogiques va en ce sens : il s’agit de mettre à la disposition de tous les enseignants en outre-mer une palette de méthodes et de dispositifs suffisamment variée pour que les didactiques mises en oeuvre s’adaptent au mieux aux contextes spécifiques à chaque territoire.

> Rétablir l’épreuve de langue régionale au concours de recrutement des professeurs des écoles.

> Accueillir les enfants, à l’école maternelle, dans leur langue.

> Développer les classes bilingues en maternelle et dans l’élémentaire.

> Étendre l’enseignement des langues régionales aux lycées professionnels ; offrir la possibilité aux étudiants d’utiliser la langue maternelle dans les épreuves professionnelles orales.

> Initier une réflexion sur les modalités d’évaluation dans l’objectif de concevoir une évaluation qui ne pénalise pas les élèves, notamment dans les disciplines non linguistiques (DNL).

> Parmi les pratiques scolaires à promouvoir :

- la mise en place du « langage d’évocation », par le recours à des contes en langues d’origine

- le décloisonnement des langues par la mise en place d’un contrat didactique et de pratiques d’alternance codique ; établissement d’un contrat didactique de type linguistique : expliciter les attentes réciproques entre enseignant et

149 élève, permettre le recours aux différentes langues dans l’école, et éviter un usage exclusif du français et le cloisonnement des langues

- la mise en place d’ateliers d’écriture en français et dans les langues d’origine, en prenant appui sur des moments de création dans le cadre scolaire, où les langues cohabitent, afin d’amener les élèves à distinguer les exigences du bac des moments de littérature et d’écriture

- inventer et augmenter le vocabulaire scolaire dans les langues par le biais des intervenants en langue maternelle, conduire un travail linguistique sur le vocabulaire de l’école

- développer l’enseignement des mathématiques et des sciences à partir des concepts philosophiques présents dans les activités et les productions culturelles des locuteurs

- proposer des activités de grammaire comparée.

> Exiger que des modules traitant des questions sociolinguistiques de la diversité linguistique et de leurs implications didactiques soient intégrés aux maquettes des mastères « Éducation », dans la formation continue et l’ESEN de Poitiers (formation des inspecteurs de l’Éducation nationale), rouage essentiel à la cohérence et à l’efficacité du dispositif.

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