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5.3 Style d’attribution d’intention, d’émotion et d’intentionnalité d’agir dans les

5.3.3 Style d’attribution d’intention chez les patients avec un trouble

Dans le cas de délire de persécution, les patients schizophrènes ont tendance à présenter un biais d’attribution externe, en blâmant une autre personne plutôt que les

14 IPSAQ : Internal Personal Situational Attributions Questionnaire (Kinderman et Bentall, 1996). 15 ASQ : Attributional Style Questionnaire (Peterson et al., 1982)

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circonstances lors d’événements négatifs. Ce comportement permet aux patients d’anticiper la menace et contribue au délire de persécution (Bentall et al., 2001). Plusieurs études, utilisant le questionnaire IPSAQ, ont montré ce biais de personnalisation chez les personnes avec un trouble paranoïaque (Kinderman et Bentall, 1996, 1997) et chez les personnes avec un trait de personnalité paranoïaque (McKay, Langdon, et Coltheart, 2005). Ce biais de personnalisation pourrait ainsi refléter le processus de pensée paranoïde.

Cependant ce processus de pensée paranoïde intervient aussi lorsqu’il n’existe pas de menace dans les situations sociales (Combs, Penn, Wicher, et Waldheter, 2007) ou dans les situations neutres (Kohler et al., 2003 ; Phillips, Senior, et David, 2000). Combs et al. (2009) montrent que les patients schizophrènes, présentant un délire de persécution, perçoivent plus d’hostilité dans les situations sociales ambigües que le groupe contrôle et que les patients sans délire de persécution. Cependant, ils perçoivent autant d’hostilité que le groupe contrôle et que le groupe de patients sans délire de persécution dans les situations intentionnelles et accidentelles. La menace pourrait être perçue de manière plus évidente pour le patient avec un délire de persécution, lorsque la situation est ambigüe. Ces résultats ont été répliqués chez les patients avec un trouble schizophrénique présentant un premier épisode psychotique et chez les personnes à ultra haut risque (UHR) de développer un trouble schizophrénique (An et al., 2010). Les personnes à ultra haut risque de développer une schizophrénie présentent aussi une plus grande tendance à blâmer les personnages impliqués dans les situations ambigües et une tendance plus faible à exprimer de l’agressivité physique que le groupe contrôle. Ainsi, dans la phase prodromique (qui se caractérise par un retrait social), les patients éviteraient les réponses d’agressivité (réponses verbales ou physiques). Ces résultats sont corrélés aux idées de persécution (An et al., 2010).

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Ce biais d’hostilité n’est pas spécifique aux situations ambiguës. Les biais d’hostilité et de blâme sont retrouvés dans les situations intentionnelles et dans les situations accidentelles chez les patients schizophrènes avec des idées de persécution (Zaytseva, Burova, Garakh, et Gurovich, 2013 ; Elnakeeb, Abdel-dayem, Gaafar, et Mavundla, 2010). Alors que les patients sans délire de persécution présentent ces deux biais seulement dans les situations accidentelles (Zaytseva et al., 2013). Les auteurs interprètent ces résultats comme un style-trait chez les patients schizophrènes.

a) Lien avec les symptômes

An et al. (2010) retrouvent une association avec les idées de persécution de l’échelle de la PANSS chez les patients à haut risque de développer un trouble schizophrénique avec les biais d’hostilité et de blâme, et chez les patients schizophrènes (premier épisode psychotique) avec le biais d’hostilité.

Zaytseva et al. (2013) retrouvent des corrélations avec plusieurs items de l’échelle de la PANSS chez les adultes schizophrènes. Dans les situations intentionnelles, les attributions d’hostilités sont associées aux symptômes de suspicions. Dans les mêmes situations, les intentions d’agir de manière agressive sont associées au retrait affectif. Dans les situations accidentelles, l’attribution de blâme est associée positivement à la tension et au manque de coopération. Dans les situations ambigües, l’intentionnalité hostile corrèle négativement avec le manque de spontanéité et de fluidité de la conversation et l’intention d’agir de manière agressive corrèle positivement avec l’anxiété.

Une association inverse a été retrouvée avec les capacités intellectuelles verbales et le biais d’externalisation (s’attribuer à soi la cause d’un évènement positif plutôt qu’un évènement négatif), autant chez les patients avec un trouble schizophrénique (premier épisode ou chronique) que chez le groupe contrôle (Donohoe et al., 2008; Krstev, Jackson

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et Maude, 1999). Ainsi, plus les personnes auraient de faibles capacités verbales et plus elles présenteraient de biais d’externalisation. Cela a été interprété par un mode d’interprétation « simpliste » du monde social (Donohoe et al., 2008, p. 25). Certaines études s’intéressent spécifiquement au lien entre le style d’attribution et les symptomatologies anxieuses et dépressives. Ainsi, en utilisant l’échelle ASQ sur une cohorte de 113 patients adultes hospitalisés, seules les attributions négatives seraient liées aux symptômes dépressifs chez les patients avec un trouble schizophrénique et non à sa caractéristique psychopathologique en tant que telle (Addington, Addington, et Robinson, 1999).

b) Bases neurales des biais d’attribution dans les troubles schizophréniques

Park et al. (2009) se sont penchés sur l’activation du système de neurone miroir (SNM) en jeu dans la cognition sociale chez 15 adultes avec un trouble schizophrénique et 16 participants du groupe contrôle en proposant une tâche d’attribution en IRMf. Trois conditions (joie, colère et neutralité) ont été testées et chaque participant devait inférer les causes dans chaque situation. Cette tâche sur ordinateur met en jeu un avatar (personnage virtuel) qui adopte un comportement joyeux, de colère ou neutre, en fonction des situations associées. Les comparaisons entre les groupes dans la situation « joie » montrent que les patients avec un trouble schizophrénique ont une diminution de l’activation du cortex frontal inférieur (AB 44) et du cortex prémoteur ventral (AB 6) associés aux symptômes négatifs. Dans la condition « colère », comparée au groupe contrôle, les patients avec un trouble schizophrénique présentent une augmentation de l’activation du cortex cingulaire postérieur/précuneus (AB 7/31) associée aux symptômes positifs. Les auteurs concluent que le déficit d’activation du SNM attribué aux comportements positifs serait relié au manque de simulation, d’empathie et aux symptômes négatifs. Alors que la suractivation

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du SNM attribuée au comportement négatif serait associée à des difficultés de self monitoring, de source monitoring et aux symptômes positifs (Park et al., 2009).

5.3.4 Style d’attribution d’intention chez les personnes avec un trouble autistique

Un des domaines de la cognition sociale qui a été peu investi encore aujourd’hui est le domaine du style d’attribution d’intention chez les patients avec un TSA.

Quelques chercheurs se sont interrogés sur les liens entre la capacité d’attribution causale et la théorie de l’esprit. En effet, la difficulté à interpréter correctement les indices sociaux subtils pourraient avoir des répercussions sur la capacité à comprendre les situations sociales (Blackshaw et al., 2001). De plus, les biais cognitifs dans le SA sont très peu documentés contrairement aux biais cognitifs chez les patients avec un trouble schizophrénique. Afin d’analyser leur capacité d’attribution causale, Blackshaw et al. (2001) ont demandé à 25 adolescents/adultes avec un SA (entre 15 à 40 ans) de réaliser le questionnaire d’attribution interne, personnelle et situationnelle à travers des situations positives et négatives (IPSAQ). Un groupe contrôle de 18 participants adultes (de 20 ans à 46 ans) a été recruté sans être apparié au groupe clinique sur l’âge, le sexe et le QI Total (QI T évalué par le test de lecture). En plus de l’échelle IPSAQ, les participants devaient remplir une échelle de paranoïa (Fenigstein and Vanable, 1992), un test d’imagination projective (test de théorie de l’esprit non publié par Kinderman), la tâche de Stroop (Stroop, 1935), une échelle d’anxiété et de dépression, une échelle de représentation de soi et une échelle de conscience de soi. Les résultats ne mettent pas en évidence de différence d’attribution causale dans les situations sociales entre les deux groupes. Cependant les patients avec un SA présentent significativement plus d’idées paranoïaques et sont moins performants au test de théorie de l’esprit que le groupe contrôle. Les deux groupes étaient

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aussi susceptibles de s’attribuer des échecs et des réussites à eux-mêmes et ils étaient capables d’attribuer des causes externes situationnelles et personnelles aux situations sociales présentées. Blackshaw et al. (2001) mettent en parallèle ce résultat avec ceux obtenus chez les patients avec un trouble schizophrénique. Alors que chez les patients avec un trouble schizophrénique, les idées paranoïaques seraient associées à des interprétations défensives, chez les personnes avec un SA, les idées paranoïaques résulteraient d’une confusion dans les règles sociales et la difficulté de perception des détails subtils dans les interactions sociales. D’où l’interprétation, selon les auteurs, de mécanismes paranoïaques différents entre les troubles autistiques et les troubles schizophréniques.

Cette interprétation corrobore les résultats montrant que les enfants avec un TSA ont plus de difficultés dans la perception sociale et les connaissances sociales. Par exemple, dans le cas où on leur demande de juger si le comportement social d’une personne est approprié, les enfants avec un TSA présentent un jugement social atypique (Shulman, Guberman, Shiling, et Bauminger, 2012) voire inapproprié ou bizarre (Nah et Poon, 2011).

a) Lien avec les symptômes

Une des pistes de recherche se porte aujourd’hui sur l’impact des symptomatologies anxieuses et dépressives dans les relations sociales chez les patients avec un TSA (Rosbrook et Whittingham, 2010). Les difficultés émotionnelles pourraient avoir un impact dans le fonctionnement de la vie quotidienne des patients avec un TSA (Howlin, 2003).

Rosbrook et Whittingham (2010) se sont interrogés sur le facteur médiateur entre les symptômes anxieux/dépressifs et les traits autistiques dans la population générale. Ils ont demandé à 231 étudiants à l’université (âgés entre 17 et 35 ans) de répondre à plusieurs questionnaires standardisés (ex. questionnaire mesurant : les traits autistiques, l’évaluation

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des symptômes dépressifs et anxieux, les compétences sociales, la capacité à résoudre des problèmes sociaux et les expériences de moquerie « négative » dans le passé). Chez les personnes avec des traits autistiques, les résultats ont montré que la difficulté de résolution de problèmes sociaux est un facteur de risque plus important de dépression et que les expériences de moquerie négative dans le passé sont un facteur de risque plus important de symptômes anxieux.

De plus, les comportements agressifs ont été rapportés chez les jeunes avec un TSA (Farmer et al., 2014). Certaines données de sous-groupes montrent que les comportements adaptés, le niveau cognitif et les capacités verbales seraient inversement corrélés aux comportements agressifs chez les patients avec un TSA (Dominick et al., 2007 ; Estes et

al., 2007 ; Hartley et al., 2008 ; Lecavalier, 2006 cités par Framer et al., 2014). Il

n’existerait pas de corrélations liées à l’âge (Dominick et al., 2007 ; Farmer et Aman, 2011 ; Lecavalier, 2006), sauf pour une étude qui montre que plus les enfants avec un TSA sont jeunes et plus ils s’engageraient dans des comportements physiquement agressifs envers autrui (Mazurek et al., 2013). Seuls Farmer et collègues (2014) comparent un groupe de patients avec un TSA à un groupe clinique de référence (majoritairement des enfants avec un TDAH ou un trouble du langage) sur la base d’un questionnaire sur les comportements hostiles et agressifs des enfants, rempli par les parents. L’étude révèle que les 414 enfants avec un TSA présentent moins d’hostilité et de comportements agressifs que le groupe clinique de référence et qu’ils adoptent davantage un comportement hostile ou agressif réactif que proactif. Contrairement à Mazurek et al. (2013), les enfants TSA les plus jeunes se montrent moins agressifs que les enfants du groupe clinique de référence.

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b) Bases neurales de la cognition sociale dans le trouble autistique

Il n’existe pas d’étude en imagerie, à notre connaissance, sur le style d’attribution des patients avec un TSA.

Une étude s’est intéressée aux corrélats cérébraux des processus d’attributions causaux et leur association avec les traits autistiques dans la population avec un DT (Kestemont et al., 2015). Dans cette étude en IRMf, 20 participants avec un développement typique (âge moyen 23 ans) ont réalisé le questionnaire IPSAQ et ont rempli 3 échelles cliniques (dépression, anxiété et autisme).

Après avoir lu des petits textes, les participants devaient attribuer la cause de la situation à eux-mêmes (attribution interne), à autrui (attribution externe personnelle) ou aux circonstances (attribution externe situationnelle). Les résultats ont montré des activations cérébrales communes aux trois types d’attribution. Ainsi, la jonction temporo- pariétale bilatérale, le sulcus temporal supérieur postérieur gauche, le précunéus et le pole temporal droit s’activaient lors de cette attribution. Cependant, pour l’attribution externe situationnelle (comparée à l’attribution interne), il existait une augmentation de l’activité de la région temporale droite.

De plus, lors d’attribution externe personnelle et situationnelle dans les situations négatives, une diminution de l’activité de la jonction temporo-pariétale gauche était associée au niveau d’anxiété et aux difficultés d’interaction sociale dans l’autisme. L’activité cérébrale dans les attributions causales serait atypique chez les personnes anxieuses et chez les personnes avec un trouble autistique. Une explication possible serait que les personnes anxieuses ou avec un trouble autistique ne perçoivent pas les situations négatives comme une menace (Kestemont et al., 2015).

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5.3.5 Comparaison directe des capacités d’attribution d’intention, d’émotion et d’intention d’agir entre les troubles schizophréniques et les troubles autistiques

Une seule étude, à notre connaissance, compare le style d’attribution des patients avec un TSA et des patients avec un trouble schizophrénique (Craig, Hatton, Craig, et Bentall, 2004). Caig et al. (2004) comparent les capacités de TDE et le style d’attribution entre des adultes avec des délires paranoïdes, des adultes avec un SA et un groupe contrôle (comparables sur l’âge et le niveau de QI). Une échelle de paranoïa est remplie par l’ensemble des participants. Pour le questionnaire structuré de style d’attribution (Attributional Style Structured Interview, ASSI), il est demandé aux participants d’expliquer 20 situations sociales dans 4 conditions : 1) situations négatives impliquant une personne (ex. « Un ami vous ignore ») ; 2) situations positives impliquant une personne (ex. « Un voisin se propose de vous aider pour jardiner ») ; 3) situations positives n’impliquant pas une personne (ex. « Vous trouvez 10 euros sur le trottoir ») ; 4) situations négatives n’impliquant pas une personne (ex. « Le pneu de votre voiture est à plat »). Les participants lisent chaque vignette et répondent à la question « Qu’est-ce que cela signifie ? ».

Les résultats montrent que : 1) les patients avec un délire paranoïde ont un score significativement plus élevé à l’échelle de paranoïa, comparés aux personnes avec un SA ; 2) les patients avec un délire paranoïde et ceux avec un SA sont moins performants aux deux tâches de TdE, comparés au groupe contrôle ; 3) les patients avec un délire paranoïde produisent des attributions plus stables et ont tendance à faire des attributions plus globales. Ils réalisent plus d’attributions externes dans les situations négatives, plus d’attributions personnelles externes quand une personne est présente, et moins

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d’attributions externes situationnelles que les personnes avec un SA et que le groupe contrôle. Selon les auteurs, le manque d’anomalie dans les capacités d’attribution chez les personnes avec un SA, indique que leurs idées paranoïdes apparaissent comme des mécanismes différents de ceux impliqués dans les délires psychotiques.

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Comparaison directe entre les troubles schizophréniques et