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5.2 Traitement des émotions chez les adolescents avec un trouble schizophrénique et

5.2.2 L’étude de la reconnaissance des émotions faciales dans le trouble

Un des domaines largement étudié dans la cognition sociale est l’étude de la reconnaissance des émotions faciales (REF) dans les troubles schizophréniques et

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préférentiellement chez les patients adultes. Dans la récente méta-analyse de Kohler et al. (2010), 86 études datant de 1970 à 2007 ont été sélectionnées (n = 3822) avec des patients chroniques (durée moyenne de la pathologie = 10.3 ans). Les déficits de la REF représentent une taille de l’effet général importante (d = -.91) (Kohler et al., 2010). Cependant, un débat existe actuellement dans la communauté scientifique sur l’existence d’un déficit neuropsychologique spécifique dans le traitement des émotions chez les patients schizophrènes.

Chez les adolescents schizophrènes, une méta-analyse récente montre que ces déficits de REF sont aussi importants et comparables que ceux des patients avec un 1er

épisode psychotique et ceux des patients schizophrènes chroniques (Barkl, Lah, Starling, et

al., 2014). Une des premières études à s’intéresser aux capacités de reconnaissance des

émotions faciales chez les adolescents schizophrènes est celle de Walker. (1981). Ils mettent en évidence que les adolescents schizophrènes (âge moyen = 12 ans) ont significativement plus de difficultés à reconnaitre certaines émotions négatives comme la tristesse, la colère et la honte que les adolescents avec un trouble anxieux/dépressif et les adolescents avec un développement typique (DT). Ce résultat se retrouve dans d’autres études plus récentes. Ainsi, comparés aux adolescents avec un DT, les adolescents schizophrènes montrent une baisse de performance significative (âge moyen = 14 ans pour Barkl et al., 2014) lors d’une tâche d’identification des émotions faciales et une baisse de performance tendancielle (âge moyen = 17 ans pour Habel, Krasenbrink, Bowi, Ott, et Schneider, (2006) et aussi pour Seiferth et al., 2009) lors d’une tâche de discrimination des émotions faciales. Cependant, les personnes « à risque »13 de développer un trouble

13 Dans l’étude de Pinkham et al., 2007, les personnes « à risque » de développer un trouble schizophrénique

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schizophrénique ne seraient pas encore en difficulté pour identifier et discriminer des expressions faciales contrairement aux patients avec un premier épisode psychotique et comparés aux patients avec un trouble chronique (Pinkham, Penn, Perkins, Graham, et Siegel, 2007 ; résultats aussi rapportés par Thompson et al., 2012). Des résultats inverses ont été observés par (Amminger et al., 2012; Dickson, Calkins, Kohler, Hodgins, et Laurens, 2014; Roddy et al., 2012) avec des enfants ou adolescents avec des expériences psychotiques, mettant en évidence le rôle que pourrait jouer les difficultés de reconnaissance des émotions dans le développement des troubles schizophréniques et que ces difficultés pourraient être un facteur de risque de développer le trouble (Dickson et al., 2014). Les émotions négatives (peur, colère et dégoût) seraient plus difficiles à reconnaitre pour les adolescents schizophrènes, ce qui rejoint en partie les résultats retrouvés chez l’adulte avec un trouble schizophrénique (Barkl et al., 2014 ; Amminger et al., 2012). Chez l’adolescent avec un trouble schizophrénique, les études ne montrent pas de liens avec les symptômes cliniques (Barkl et al., 2014 ; Amminger et al., 2012 ; Seiferth et al., 2009).

a) Les facteurs qui influencent les déficits de reconnaissance des émotions faciales dans les troubles schizophréniques

- La symptomatologie :

Dans la méta-analyse de Kohler et al. (2010), les symptômes positifs, négatifs ou le syndrome de désorganisation étaient significativement corrélés à la baisse de performance rencontrée dans les tâches de REF. Sur les 86 études recensées dans la méta-analyse, seules 50 % des études se sont intéressées aux corrélations possibles avec les symptômes « à risque » présentaient des symptômes positifs atténués et deux personnes remplissaient les critères des symptômes psychotiques intermittents brefs.

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cliniques et seulement quelques-unes d’entre elles notent des associations significatives. Ainsi, pour certains auteurs, seuls les symptômes négatifs et les symptômes de désorganisation sont corrélés négativement avec les performances aux tâches de REF (Addington, Addington, et Robinson, 1999; Chan et al., 2010; Kee, Green, Mintz, Brekke, et Qreen, 2003; Martin, Baudouin, Tiberghien, et Franck, 2005; Sachse et al., 2014; Ventura, Wood, et Hellemann, 2013).

- Pas d’influence du traitement

Il est intéressant de noter que les effets des traitements antipsychotiques n’auraient pas d’effet sur l’amélioration des performances chez ces patients. Ainsi dans la revue de la littérature de Hempel, Dekker, van Beveren, Tulen, et Hengeveld. (2010), aucune amélioration des performances n’est constatée quel que soit le type d’antipsychotique (typique ou atypique). Même si la sévérité des symptômes cliniques aurait un impact négatif sur la reconnaissance des émotions faciales (Kohler et al., 2010).

- Pas d’effet de la chronicité du trouble :

les études longitudinales récentes tendent à montrer une stabilité du déficit de reconnaissance des émotions faciales dans les troubles schizophréniques (Addington et Addington, 1998; (Daros, Ruocco, Reilly, Harris, et Sweeney, 2014; Harvey, Patterson, Potter, Zhong, et Brecher, 2006). A partir d’un suivi des patients sur plusieurs mois, les symptômes négatifs et positifs auraient fortement diminué mais le déficit de reconnaissance des émotions serait toujours présent que cela soit dans la tâche de reconnaissance des émotions faciales ou dans la tâche de discrimination perceptive (Addington et Addington, 1998 ; Addington, Saeedi, et Addington, 2006 ; Kee, et al., 2003). Des résultats comparables sont observés par Daros et al. (2014), montrant que l’effet des antipsychotiques n’avait pas d’impact sur l’amélioration de la reconnaissance des émotions faciales lors de la phase résiduelle (Daros et al., 2014).

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b) Les dysfonctionnements neurofonctionnels en lien avec la reconnaissance des émotions faciales dans les troubles schizophréniques

La méta-analyse de Li, Chan, McAlonan, et Gong. (2010) conduite sur un ensemble d’articles datant de 1990 à 2008, montre que comparés aux adultes sans trouble psychiatrique, les adultes avec un trouble schizophrénique présenteraient (dans les tâches implicites et explicites) une hypo-activation de l’amygdale/gyrus parahippocampique bilatérale, du gyrus frontal supérieur droit et du noyau lenticulaire droit. Cependant, seulement dans les taches explicites, les patients présenteraient une hypo-activation du gyrus fusiforme comparés au groupe contrôle, ce qui pourrait expliquer leurs difficultés à cette tâche. D’après les auteurs, les patients avec un trouble schizophrénique d’allure chronique présenteraient une perturbation de l’intégrité du réseau sociocognitif. A ce jour, la nature des anomalies d’activation notamment de l’amygdale reste débattue. Certains auteurs ont montré qu’il y avait une hyper-activation du lobe temporal médian, plus spécifiquement de l’amygdale lors du traitement des visages neutres. Cette hyper- activation de l’amygdale s’opère comparativement au niveau d’activation de l’amygdale lors du traitement des visages exprimant la peur chez les patients avec un trouble schizophrénique (Marwick et Hall, 2008).

Chez les adolescents avec un trouble schizophrénique, la reconnaissance des émotions faciales serait associée à une hypo-activation bilatérale des gyri fusiformes et du gyrus occipital inférieur gauche. De plus, la discrimination de certaines émotions comme la joie, la colère et la peur serait sous-tendue par une hyper-activation du cunéus droit. Ces résultats mettent en évidence un dysfonctionnement cérébral déjà présent chez l’adolescent avec un trouble schizophrénique (Seiferth et al., 2009).

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5.2.3 L’étude de la reconnaissance des émotions faciales dans les troubles