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5.4 Comparaison directe entre les troubles schizophréniques et autistiques dans les

5.4.4 Les connaissances sociales : jugement de la confiance

Deux études explorent le domaine des connaissances sociales par la tâche de jugement de confiance aux personnages inconnus représentés par des photographies. Couture et al., (2010) utilisent une version abrégée de la tâche et ne mettent pas en évidence de différence de jugement de confiance entre les personnes avec un AHN et les patients schizophrènes, comparés au groupe contrôle. En revanche, Pinkham, Hopfinger, Pelphrey, Piven, et Penn. (2008) qui utilisent la même tâche dans un protocole d’imagerie cérébrale (contraste : condition « jugement de confiance » versus « jugement de l’âge ») auprès de patients schizophrènes paranoïdes et non paranoïdes, des personnes avec un AHN et un groupe contrôle. Les personnes avec un AHN présentent des scores comparables à l’échelle de paranoïa, comparées aux patients schizophrènes paranoïdes. Seuls les patients schizophrènes paranoïdes jugent les visages moins dignes de confiance que tous les autres groupes de participants. Au niveau cérébral, tous les participants activent l’amygdale, le gyrus fusiforme, le sulcus temporal supérieur et le cortex préfrontal ventro-médian lors du jugement de la confiance. Mais les personnes avec un AHN et les patients schizophrènes paranoïdes présentent une réduction de l’activité de l’amygdale et du préfrontal ventro-latéral par rapport au groupe contrôle et les patients schizophrènes non paranoïdes.

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La lecture de Kanner (1943) et Bleuler (1911) permet de constater que leurs visions respectives de la « pensée autistique » divergent : la pensée dans l’autisme selon Kanner correspond au besoin de l’immédiateté, de l’immuabilité, de l’intolérance au changement, alors que, celle dans la schizophrénie serait liée à la rupture des associations caractéristiques de la désorganisation, et se fonde sur la logique délirante et des « complexes affectifs ». Le faible attachement au contexte et au locuteur (la faible fonction pragmatique) est une caractéristique commune évoquée aussi bien par Bleuler et Kanner. Par conséquent, au-delà des similitudes, la pensée autistique décrite par Bleuler et la pensée autistique décrite par Kanner, semblent comporter des différences que nous allons interroger par nos travaux.

En adoptant la démarche de la psychologie cognitive expérimentale qui fonde la méthode de la psychopathologie cognitive, l’objectif de ces travaux de thèse était d’étudier les similitudes apparentes et les aspects qualitatifs divergents entre les deux troubles.

Nous avons adopté une hypothèse clinique générale qui a guidée l’ensemble de nos recherches et qui postule le rôle fondamental de la désorganisation dans le trouble schizophrénique de point de vue clinique (Bleuler, 1911) et neurocognitif (Hardy-Baylé, 1994). Cette hypothèse permettra de contraster les spécificités de l’autisme qui du point de vue des modèles cognitifs, seraient liés aux particularités du fonctionnement perceptif

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(Mottron et al., 2001), du déficit de cohérence centrale (Frith, 1989) et aux troubles de la théorie de l’esprit (Baron-Cohen et al., 1985).

Dans la partie expérimentale, nous allons examiner successivement 4 domaines :

1) L’évaluation du fonctionnement cognitif général par les échelles de Wechsler

Notre première comparaison des adolescents avec un diagnostic de SzP et des adolescents avec un diagnostic de TSA porte sur l’évaluation du profil intellectuel par les échelles du Wechsler. Notre première préoccupation était fondée sur la clinique quotidienne où le bilan intellectuel constitue une évaluation de première intention pour les neuropsychologues. Le WISC-IV permet de sonder les grands domaines de la cognition et fournit des informations précieuses sur le fonctionnement cognitif général de l’enfant, sur ses forces et ses faiblisses, sur ses stratégies du traitement cognitif, sur l’homogénéité de ses compétences cognitives en rapport avec son développement cognitif.

Nous avons examiné les similitudes et les différences des adolescents avec un trouble SzP, un autisme de haut niveau et un syndrome d’Asperger sur l’ensemble de l’échelle de WISC-IV et sur sa version abrégée, et ceci en établissant un profil qualitatif et quantitatif des performances, des indices et des notes standard.

Notre hypothèse générale était que la désorganisation de la pensée qui porte atteinte aux différents domaines (les affects, le comportement, la motivation, le langage, la communication) sera reflétée par l’effondrement cognitif général qu’on observe dès les phases prodromiques et pré-morbides de la schizophrénie (ex. Mesholam-Gately et al., 2009). Les troubles formels de la pensée (ex. relâchement des associations des idées, le trouble des associations verbales, etc.) caractérisant le syndrome de désorganisation des

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patients schizophrènes, ont été reliés à une activité anormale de l’activation du système des représentations sémantiques (revues Minzenberg, Ober, et Vinogradov, 2002; Pomarol- Clotet, Oh, Laws, et McKenna, 2008) permettant de faire l’hypothèse que les patients SzP présenteraient une baisse de l’efficience cognitive générale et une perturbation particulière aux épreuves verbales qui font appel aux processus de raisonnement verbal et de catégorisation verbale (ex. subtest « similitudes »). A la différence, l’autisme de haut niveau a été défini comme une particularité (Mottron, 2006) ou un style cognitif (Happé, 1999), caractérisé par un fonctionnement cognitif présentant des pics dans le domaine perceptif (ex. subtest « matrices », « cubes ») et un faible fonctionnement verbal (Barnhill, Hagiwara, Myles, et Simpson, 2000; Bölte et Poustka, 2003; Bolte, 2004; Ghaziuddin et Mountain-Kimchi, 2004) ; En revanche, un pic de performance dans le domaine verbal (ex. similitudes, vocabulaire), sera attendu pour les adolescents ayant le diagnostic de syndrome d’Asperger (Barnhill et al., 2000; Cederlund et Gillberg, 2007; Ghaziuddin et Mountain-Kimchi, 2004; Gilchrist et al., 2001).

2) L’évaluation du fonctionnement exécutif et de la mémoire sémantique au moyen de la tâche de fluence verbale

Notre seconde étude vise à explorer le lien entre les symptômes (troubles formels de la pensée) de la schizophrénie, le fonctionnement cognitif des patients schizophrènes et avec un TSA et les processus de traitement de l’information en jeu dans la mémoire sémantique. Au- delà d’une comparaison en termes de performances à la tâche de fluence, nous effectuerons une analyse qualitative des stratégies sémantiques et des catégories de mots générés par les sujets (Troyer, Moscovitch, et Winocur, 1997). D’autre part, les liens entre les troubles du langage et de la communication observés dans la vie quotidienne et

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les profils obtenus à la fluence verbale seront examinés. Les résultats nous permettrons de confronter différentes hypothèses évoquées dans la littérature pour expliquer les résultats attendus chez les adolescents avec un trouble SzP et les adolescents avec un TSA.

Les hypothèses d’un déficit des performances à la tâche de FV sémantique dans le trouble schizophrénique incluent une dégradation du stock sémantique, (Chen et al., 1994), un déficit d’accès ou de récupération en mémoire sémantique (Giovannetti et al., 2003; Robert et al., 1998 ; Elvevag et al., 2001), un déficit de vitesse de traitement (Van Beilen

et al., 2004) ou une désorganisation de la mémoire sémantique (Bozikas et al., 2005)

associée à un déficit des stratégies de récupération ou de recherche en mémoire sémantique (Robert et al., 1998; Vinogradov et al., 2002). Chez les TSA, les hypothèses d’un déficit d’initiation (Turner, 1999) qui serait reliées aux comportements stéréotypés ou aux difficultés de communication (Bishop et Norbury, 2005; Dichter et al., 2009), un déficit de vitesse de traitement (Spek et al., 2008) et l’utilisation de stratégies atypiques de regroupement sémantique (Begeer et al. 2013).

3) La compréhension du langage figuré

Les troubles de la compréhension du langage figuré des personnes avec un trouble schizophrénique et des personnes avec un TSA font partie des caractéristiques les plus exemplaires et les plus citées dans la littérature pour illustrer les particularités de leurs troubles du langage et de la communication. Notre analyse de la littérature internationale à ce sujet (cf. chapitre 3) a permis de constater que malgré les similitudes apparentes des troubles de la compréhension du langage figuré des personnes schizophrènes et des personnes avec un TSA, les rapprochements restent difficiles, voire abusifs, étant donné les divergences importantes entre les populations testées et de leurs caractéristiques cliniques et cognitives, respectivement dans le domaine de la schizophrénie et celui de l’autisme, la

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divergence des méthodes expérimentales et des caractéristiques des expressions figuratives utilisées.

Nous allons effectuer une comparaison directe des capacités de compréhension du langage figuré à travers deux études expérimentales : 1) la compréhension d’expressions idiomatiques ambiguës, présentées en contexte chez des adolescents avec un TSA et des adolescents avec un trouble schizophrénique (Etude 3) et 2) la compréhension de métaphores nouvelles en situation de lecture et en situation d’écoute auditive (Etude 4).

A notre connaissance, il s’agit de la première étude qui examine la compréhension du langage figuré des patients schizophrènes avec un début précoce. D’autre part, il s’agit de la première étude qui compare directement des patients dans ces deux catégories diagnostiques sur les tâches de compréhension du langage figuré.

La première étude permettra de déterminer la part respective entre les compétences de nature linguistique (la connaissance du sens figuré d’idiomes familiers et ambigus) et les compétences de nature pragmatique (la capacité de tenir compte du contexte de la communication qui détermine le sens de l'expression idiomatique) qui rentrent en jeu de manière simultanée dans le processus de compréhension du langage en situation de communication. La seconde étude examinera le rôle de la modalité du test (auditive versus écrite) sur la compréhension des métaphores nouvelles. Le contraste de ces conditions permettra d’introduire un facteur de nature pragmatique (la prosodie) et d’étudier son influence sur la compréhension des métaphores chez les personnes autistes et schizophrènes.

Dans les deux études nous étudierons l’influence sur la compréhension du langage figuré de plusieurs facteurs sociodémographiques, cliniques et cognitifs des participants : les capacités en TdE, l’âge, le niveau d’études, la symptomatologie clinique des patients

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schizophrènes (PANSS), les capacités de flexibilité mentale (TMT A/B), les capacités d’inhibition (Stroop) et les subtests du WISC-IV ainsi que le QI T.

4) La cognition sociale

Les troubles de la cognition sociale constituent un handicap majeur et un champ d’investigation initiale à la comparaison directe entre les deux troubles (Sasson et al., 2011 ; Ciaramidaro et al, 2014 ; Abdi et al., 2004 ; Sugranyes et al., 2011 ; Le Gall et Iakimova, 2015 soumis ENCEP-D-15-00064).

Notre exploration portera sur deux domaines : la reconnaissance explicite des émotions faciales (Etude 5) et le style d’attribution en fonctions des situations (Etude 6). Nous allons également examiner l’influence de l’anxiété et de la dépression sur les performances aux deux tâches de cognition sociale. Cet aspect a été fortement négligé jusqu’à présent dans la littérature.

La tâche de reconnaissance explicite des émotions faciales nous permettra d’analyser les performances entre les adolescents avec un trouble SzP, les adolescents avec un TSA et les adolescents avec un DT à la reconnaissance des émotions de joie, de colère, de tristesse, de peur de dégout et de la neutralité. Nous examinerons la nature des erreurs commises entre les groupes, ce qui est très rarement réalisé dans la littérature existante.

Le style d’attribution en fonction des situations a été examiné par l’échelle AIHQ (« Ambiguous Attribution Hostility Questionnaire », Combs et al, 2007, traduite par nous- mêmes avec la permission des auteurs). L’intérêt de ce questionnaire est qu’il permet d’étudier l’attribution d’une intentionnalité à autrui dans des situations sociales qui varient en fonction du type d’intentionnalité des actions des personnages mis en scène et ceci selon trois dimensions liées : cognitive (attribution d’une intentionnalité), émotionnelle (émotion ressentie), comportementale (intentionnalité d’agir en lien avec l’attribution et l’émotion).

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Plusieurs hypothèses neurocognitives ont été avancés pour expliquer les similitudes apparentes entre les troubles schizophréniques et les TSA aux différents domaines de la cognition sociale : des pathologies différentes qui partagent des symptômes communs (ex. les troubles de l’attribution d’une intention à autrui), se caractériseraient par des mécanismes neurocognitifs communs (Pinkham et al., 2008), par des mécanismes neurocognitifs différents (Sasson et al., 2011 ; Ciaramidaro et al., 2015 ; Sugranyes, Kyriakopoulos, Corrigall, Taylor, & Frangou, 2011), ou diamétralement opposés (Abu- Akel et Bailey, 2000; Crespi et Badcock, 2008).

Nos travaux ne permettront pas d’examiner ces hypothèses de point de vue neurofonctionnel. Cependant, l’analyse de nos résultats permettra d’apporter des arguments à ce débat par l’analyse quantitative et qualitative des réponses des participants, par le lien entre les facteurs sociodémographiques, cliniques et cognitifs, ainsi que par la confrontation de nos résultats avec des travaux en neuro-imagerie fonctionnelle.

Chaque partie expérimentale comporte une introduction à la problématique spécifique de chaque domaine cognitif exploré et la justification des hypothèses avancées en lien avec la littérature spécifique dans chacun de ces domaines.

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Etude 1. Comparaison du profil cognitif général des adolescents avec

un trouble SzP, des adolescents avec un AHN et des adolescents avec un

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