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4.5 La compréhension du langage figuré dans les troubles autistiques

4.5.2 L’interprétation orale des expressions figuratives

Melogno, D’Ardia, et al. (2012) interrogent la compréhension des métaphores à travers une tâche d’interprétation orale des métaphores non familières chez 24 enfants avec un AHN (dont 14 TED- nos) entre 6-11 ans, ayant un QIT et QIV > 70 et deux groupes d’enfants contrôles (n = 24 : âgés de 5 ans et n = 24 : âgés de 6 ans). Les 25 métaphores qui composent le matériel ont été récoltées à la suite des productions spontanées des enfants avec un développement typique. Ce sont des métaphores appelées « sensorielles » (des objets dont les propriétés physiques reposent sur le même domaine (ex : « La lune est une ampoule », « le soleil est une orange »). Ces métaphores sont comprises dès l’âge de 4- 5 ans par les enfants avec un développement typique (Gentner, 1988; Keil, 1986). Dans cette étude, 12 métaphores sont présentées sans contexte introductif et 13 métaphores sont présentées dans un contexte phrastique (histoire courte). Une cotation précise des réponses a été utilisée en termes de caractéristiques générales : littéralité, concrétude, caractère élaboré, explications magiques, réponses idiosyncrasiques, etc. Les résultats montrent que les enfants autistes ont des performances comparables aux enfants de 5 ans mais des performances plus faibles que celles des enfants de 6 ans. Cependant, les résultats montrent que malgré des performances réduites, les enfants autistes interprétaient correctement certaines expressions et que lorsqu’ils se trompent les erreurs sont multiples, en particulier « extra-linguistiques » (ex : refus de répondre à la tâche, associations non liées à l’expression, métonymie) et non pas, par des réponses littérales. (Exemple pour l’expression : « la lune est une ampoule », réponses des enfants TSA : « ce n’est pas

vrai », « cela n’existe pas », ou « c’est faux », ou « c’est un objet inanimé, il monte et il descend …certaines personnes disent cela… mais nous, les italiens, on ne le dit pas … » (p. 687).

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La présence de réponses « décalées » (ex. association inappropriées, idiosyncrasies et interprétations utilisant des éléments magiques) a été retrouvée en particulier pour les enfants TED-nos. Une limite importante à cette étude est que le groupe contrôle n’est pas apparié aux enfants avec un TSA du point de vue du fonctionnement cognitif (ex. absence d’évaluation du groupe contrôle). Il est difficile de savoir si les décalages développementaux observés sont attribuables aux différences du QI verbal et du fonctionnement général. D’autre part, la moitié des enfants ont un diagnostic de TED-nos qui se caractérise par une importante comorbidité psychiatrique et par un diagnostic moins stable dans le temps, ce qui rend ces résultats non exemplaires pour la catégorie de personnes avec autisme.

De manière importante, les auteurs font remarquer que les interprétations incorrectes des métaphores des enfants autistes comportent des éléments de nature pragmatique, comme dans l’exemple suivant : « cette phrase est fausse, les gens la croient,

mais ce n’est pas vrai…peut-être que certains allemands la croient » (p. 687). Dans cet

exemple, l’enfant fait la différence entre le sens de l’expression et le sens compris et interprété par autrui, différence entre le sens de la phrase et le sens dans ses usages différents mais aussi il admet les différents points de vue autours du sens. Cet exemple montre que l’absence d’élaboration du sens figuré chez ces enfants de 6 ans (comme les enfants de 5 ans avec un DT) ne reflète pas l’absence de prise de conscience des sens multiples et des dimensions pragmatiques de la communication.

D’autres auteurs, McCrimmon et al., (2012) qui ont analysé les capacités des personnes avec un SA plus âgés (entre 16 et 21 ans, appariés en âge, QIV et QIT à un groupe contrôle) à interpréter des proverbes métaphoriques au sens figuré ont montré que les personnes avec un SA ne présentent aucune anomalie ni d’a-typicité à cette tâche. Les auteurs ont considéré l’interprétation des proverbes comme faisant partie d’une batterie de

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mesures verbales et perceptives du fonctionnement exécutif. Alors que les performances des tâches exécutives (inhibition, flexibilité mentale, planification, etc.) ont permis de distinguer deux clusters de participants : avec des performances exécutives élevées et avec des performances exécutives faibles (80 % des personnes SA rentraient dans ce cluster), les interprétations des proverbes étaient stables chez les personnes avec un SA quel que soit leur niveau de performance aux tâches exécutives. Elles étaient positivement corrélées au QIV uniquement chez les personnes ayant un faible fonctionnement exécutif général.

Ces protocoles expérimentaux ont été critiqués (Pexman et al., 2011 ; Rajendran, Mitchell, et Rickards, 2005) dans la mesure où l’interprétation orale des expressions figuratives met non seulement en difficulté des enfants qui ont au départ des troubles de l’expression verbale, mais également rentre en résonnance avec leurs difficultés dans la relation sociale : la présence d’un interlocuteur qui interroge l’explication constitue une situation fortement anxiogène pour les enfants autistes. En effet, Rajendran et al., (2005) montrent que cette pression sociale, inhérente à la relation de face à face, est réduite par l’usage d’un ordinateur, chez les personnes avec un SA. Le groupe SA (n = 9 entre 11 et 19 ans) était comparable en genre, âge, niveau d’éducation et QI Verbal à 11 adolescents avec un DT. En s’inspirant des petits scénarii de Happé (1994), ils demandaient aux adolescents avec un SA de répondre par des interprétations spontanées en écrivant leur réponse sur l’ordinateur. Les résultats montrent que les adolescents avec un SA interprètent correctement des expressions ironiques et sarcastiques, comme le groupe DT. Les auteurs observent une corrélation positive entre les capacités d’explications figuratives des expressions sarcastiques et ironiques et les capacités exécutives chez les adolescents avec un SA. Les résultats mettent en évidence un effet prédictif des capacités verbales et des fonctions exécutives sur la compréhension du langage figuré.

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