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Les structures d’ERE ont un positionnement qui n’est pas toujours très clair vis-à-vis du développement durable et de son utilisation dans le champ éducatif. Peu de structures ont formalisé ce positionnement. Les seuls documents disponibles sont ceux écrits par les têtes de réseaux en ERE. L’Union Nationale des Centres Permanents d’Initiation à la Nature1

(UNCPIE*) a publié Le développement durable : éthique et identités des CPIE*2, Ecole et Nature3 un texte intitulé L’EEDD au cœur du paradoxe 214 et le Collectif Français d’Education à l’Environnement vers un Développement Durable5 (CFEEDD) un autre dont le

1 Les CPIE sont des associations qui participent au développement des territoires dans lesquels elles s’inscrivent. Elles entreprennent dans cette perspective des actions d’ERE.

2 Texte disponible à http://www.cpie.fr/images/EthiqueetidentitedesCPIE.pdf, consulté le 29/10/2008 3 Créé en 1983, Ecole et Nature est un réseau des acteurs de l’ERE quel qu’ils soient : enseignants, individuels, associations, réseaux.

4 Texte disponible sur http://educ-envir.org/papyrus.php?site=1&menu=21&action=8&id_fiche=565 consulté le 29/10/2008

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titre est Eduquer à l’Environnement vers un Développement Durable1. Le GRAINE Rhône-Alpes2 a pour sa part pris position dans sa charte3. Parmi ces réseaux, on observe deux postures différentes. Pour la première, le développement durable constitue le cadre, la perspective dans laquelle s’inscrit l’éducation à l’environnement.

1) Le développement durable, un cadre et une

perspective

C’est la posture de l’UNCPIE* et du GRAINE Rhône-Alpes. « [L’éducation à l’environnement] est étroitement liée à l’éducation à la citoyenneté et s’inscrit pleinement dans le développement des territoires dans la perspective de développement durable. […] L’actualité environnementale, la demande sociale, et l’engagement pour un développement durable désignent l’éducation à l’environnement, comme à la fois un objectif et un moyen qui accompagnent l’établissement des politiques et consacrent la reconnaissance de son utilité sociale… » (Charte du GRAINE Rhône-Alpes). Dans le même registre, « les CPIE* affirment vouloir participer au développement durable des territoires sur lesquels ils sont implantés. […] [Ils] affichent clairement leur mission d’utilité sociale en contribuant au développement durable des territoires à travers la sensibilisation, l’éducation et la formation, l’étude, l’expérimentation et la participation à des projets de développement local » (UNCPIE*). L’éducation à l’environnement est un moyen d’instaurer un développement durable. Le vocabulaire de ces deux textes est univoque. Il s’agit d’abord d’éducation à l’environnement. D’autres structures ont une posture plus critique vis-à-vis de la notion.

2) Une posture critique

La posture du CFEEDD et d’Ecole et Nature est critique envers la notion de développement durable. Le premier rappel que l’éducation à l’environnement « n’agit pas au bénéfice d’une idéologie. Elle questionne, en outre, le mot « développement » qui porte en lui le germe de la non-durabilité quand il se résume à sa dimension économique. L’éducation vers le développement durable est une école qui forge l’esprit critique » (CFEEDD). Dans la même lignée, Ecole et Nature dénonce « l’incohérence de certaines politiques face aux discours affichés, porteurs d’exigence de DD, politiques définies lors du sommet de Rio et déclinées en partie dans la SNDD [qui] nous interroge plus que jamais et nous amène à nous demander si l’Education pour le Développement Durable (EDD) qui se construit aujourd’hui est bien une Education à l’Environnement. » Si la posture critique est claire, les termes mobilisés dans ces documents sont ambivalents. La notion d’éducation à l’environnement est juxtaposée et enchevêtrée à celles « d’EEDD », « d’éducation à l’environnement vers un développement durable » (Ecole et Nature), « d’éducation vers le développement durable » ou « d’éducation à l’environnement dans la perspective du développement durable » (UNCPIE*). La multiplicité des termes rend parfois le positionnement de ces réseaux difficiles à cerner.

Cette ambivalence est révélatrice du positionnement des structures d’ERE rencontrées au cours de cette recherche. On est face à un double paradoxe. D’un côté, les structures qui prennent part à l’ERE, se reconnaissent dans le développement durable (acception forte)

1 Texte rédigé à Rambouillet le 19 mai 2002 par le Collectif International Planet’ERE disponible sur http://cfeedd.org/papyrus.php?site=1&menu=20, consulté le 29/10/2008

2 Ce n’est certainement pas le seul GRAINE ayant entrepris cette démarche mais le Graine Rhône-Alpes est celui présent sur le territoire qui nous intéresse : l’Académie de Lyon.

3 Texte disponible sur http://www.graine-rhone-alpes.org/IMG/pdf/Charte_du_GRAINE_Rhone-Alpes-2.pdf, consulté le 29/10/2008

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mais expriment des réserves quant à son utilisation actuelle (1ier paradoxe) tout en utilisant le terme pour être financé (2ème paradoxe).

Peu d’entre elles ont formalisé leur posture et leur positionnement en matière d’éducation relative à l’environnement. Les entretiens menés au début de cette recherche ont permis d’en clarifier les fondements. Ces structures expriment de manière unanime leur réserve vis-à-vis de la notion de développement durable. C’est l’utilisation qui est faite par les acteurs économiques et parfois politiques qui leur pose problème. Ces derniers misent sur une durabilité faible au contraire des structures intermédiaires et à vocation éducatrice qui s’identifie à une durabilité forte, où prime la sauvegarde de l’environnement. Ce qui est cohérent car ces structures sont souvent engagées dans la protection de l’environnement. Le développement durable apparaît comme une notion corrompue qui sous-tend une vision développementiste du monde et défend aujourd’hui plus les intérêts des acteurs économiques que ceux de l’environnement. C’est ainsi qu’en cours d’entretien, en posant la question de l’adoption du développement durable dans leurs actions pédagogiques, il m’a été demandé à plusieurs reprises de quel développement durable je parlais. On retrouve ici les réserves exprimées par Ecole et Nature et par le CFEEDD. Une fois traitées les tensions relatives au contenu de la notion, la posture commune des personnes interviewées est de reconnaître le développement durable dans leurs actions pédagogiques mais dans l’acception forte du terme, à savoir la sauvegarde de l’environnement. Comme un slogan, j’ai entendu de manière récurrente: « Du développement durable, on en fait sans le savoir depuis longtemps ».

Malgré la réticence de ces structures a utiliser la notion de développement durable, elles se sentent contraintes à adopter le terme (EEDD) dans les projets qu’elles soumettent aux décideurs politiques locaux et régionaux. L’emploi du terme apparaît comme un facteur conditionnant l’obtention de subventions publiques ou parapubliques.

Pour résumer, le chemin de la durabilité est loin de faire l’unanimité tant parmi les enseignants que parmi les décideurs politiques locaux et régionaux ou les structures d’ERE. Les politiques éducationnelles mises en place à l’échelle internationale ont impulsé un glissement sémantique et pédagogique d’une éducation relative à l’environnement à une éducation à l’environnement vers le développement durable. Ce glissement introduit dans le champ de l’éducation une notion flou, chargée d’un héritage développementiste et proposant une vision économiste du monde. L’absence d’unanimité autour de la notion conforte le choix d’employer dans ce travail de recherche le terme d’éducation relative à l’environnement plutôt que celui d’éducation à l’environnement vers un développement durable ou d’éducation au développement durable qui ne retranscrivent le positionnement que d’une partie des acteurs en jeu1.

Impulsé par les instances internationales selon une logique de bottom down, il y a un écart entre la posture définie à petite échelle (à l’international) et ce qui est mis en œuvre à grande échelle (au niveau régional). Le tableau des acteurs de l’ERE place les décideurs politiques locaux et régionaux en position de décision. Ils semblent constituer par leurs capacités de financement, des acteurs décisionnels forts. On peut se demander si ce ne sont pas eux les acteurs clés du champ.

1 Cette remarque n’est pas valable quand les acteurs se sont positionnés clairement pour une éducation à l’environnement orienté vers le développement durable ou une éducation au développement durable.

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CHAPITRE 3 LE ROLE

CENTRAL DES DECIDEURS