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Des structures de de´bitage, ou la question des amas

L’une des principales originalite´s de ces deux secteurs re´side dans la mise au jour d’amas de de´bitage, pre´sents aussi bien dans le niveau supe´rieur du secteur 1 que dans le secteur 3. Ces amas constituent la traduction spatiale la plus directe

et la plus e´vidente de l’activite´ de de´bitage et leur pre´servation est ici l’une des meilleures preuves des bonnes conditions de conservation des occupations. Dans un premier temps, seules les informations techniques lie´es aux e´tapes de de´bitage seront prises en compte, car elles contribuent a` de´finir leur roˆle et place dans l’e´conomie de transformation de la matie`re premie`re siliceuse.

Au nombre de quatre pour le secteur 1 et appartenant exclusivement au niveau supe´rieur, ils sont atteste´s sur l’ensemble de cette premie`re grande zone d’occu- pation (fig. 102). Leur re´pe´tition traduit ici leur roˆle relativement pre´ponde´rant dans l’e´conomie de la matie`re premie`re. Le secteur 3 n’en a livre´ qu’un exem- plaire, mais la surface e´tudie´e est beaucoup plus restreinte. Les donne´es quanti- tatives sont assez variables (fig. 103), puisqu’elles vont de 94 pie`ces pour l’amas 3, a` 626 pour l’amas 2, tandis que l’amas 1 compte 299 pie`ces, l’amas 4, 244 et l’amas 5 (secteur 3), 304.

Cette variabilite´ quantitative s’accompagne d’une distribution diffe´rencie´e des grandes cate´gories de vestiges lithiques, exprimant ainsi la vocation particu- lie`re de ces ensembles. Il est ainsi possible de rapprocher l’amas 1 du secteur 1 de celui du secteur 3, car ils pre´sentent une composition et un effectif total tre`s similaires. Ils ont pour point commun d’avoir livre´ les taux de lamelles les plus forts qui, associe´es aux autres cate´gories de vestiges lithiques, montrent que les grandes e´tapes du processus de de´bitage lamellaire se sont de´roule´es en grande

ZA 73 ZA 68 ZA 67 ZA 64 paléochenal 1 paléochenal 2 664200 67400 67300 664500 664400 664300 SECTEUR 3 SECTEUR 1 58,50 58,30 amas 2 (626 pièces) amas 3 (94 pièces) amas 4 (244 pièces) amas 5 (304 pièces) pas de cliché amas 1 (299 pièces) 58,85 58,30 58,55 58,85 58 58,15 58,40

Fig. 102 : Pont-sur-Yonne Les Basses Veuves, localisation des amas de de´bitage.

0 50 100 150 200 250 300 350

esquille éclat éclat

d’avivage

casson lamelle nucléusmicroburinoutil

ef fectif 0 20 40 60 80 100 120 140

esquille éclat éclat

d’avivage

casson lamelle nucléusmicroburinoutil

ef fectif 0 20 40 60 80 100 120 140 160 ef fectif

esquille éclat éclat

d’avivage

casson lamelle nucléusmicroburin outil

Amas 2 Amas 4 Amas 5 0 20 40 60 80 100 120 140 160 ef fectif

esquille éclat éclat

d’avivage

casson lamelle nucléusmicroburin outil

Amas 1 0 10 20 30 40 50 60

esquille éclat éclat

d’avivage

casson lamelle nucléusmicroburin outil

ef

fectif

Amas 3

Fig. 103 : Pont-sur-Yonne Les Basses Veuves : composition des vestiges des amas 1 a` 4 du secteur 1, et de l’amas 5 du secteur 3.

partie sur ce meˆme lieu. Ce point est par ailleurs largement atteste´ par les remontages. L’autre particularite´ de ce type d’amas est la pre´sence de micro- burins, certes en nombre limite´, mais indiquant que le processus de de´bitage a e´te´ prolonge´ par la fracturation des supports, pre´alable probable a` leur trans- formation en armature. Ces deux amas concentrent l’ensemble des e´tapes techniques qui conduisent un bloc de matie`re brut au stade de produit fini. Nous aurions donc affaire a` des amas associe´s a` la production de supports lamellaires destine´s au renouvellement des armatures. Conside´rant les crite`res distinctifs apparents des blocs et les donne´es de remontages, l’amas 1 peut eˆtre associe´ au de´bitage d’un minimum de quatre blocs et l’amas 5 du secteur 3, a` un minimum de cinq. Les trois autres amas posse`dent des caracte`res qui les diffe´rencient.

L’amas 2, le plus conse´quent, est surtout caracte´rise´ par un fort taux d’esquilles et d’e´clats d’assez petit module, par un faible taux de lamelles, par un unique

nucle´us et par l’absence de microburins et d’outils. A` la lecture du graphique de

sa composition (fig. 103), nous serions tente´s de voir ici le re´sultat des phases de de´grossissage et de de´bitage initial des blocs, ce que sugge`rent le faible taux de lamelles et surtout la pre´sence d’e´clats. Le nombre e´leve´ d’esquilles pourrait indiquer que toutes les e´tapes du processus de de´bitage s’y sont de´roule´es. Le taux de remontage est, quant a` lui, particulie`rement faible avec 29 pie`ces remon- te´es, soit 4,63 % du total.

En l’e´tat actuel des donne´es, deux hypothe`ses peuvent expliquer ces caracte`res particuliers :

– il s’agit d’un poste de travail uniquement lie´ aux e´tapes de de´grossissage des blocs et a` la mise en place du de´bitage par l’enle`vement de quelques produits lamellaires. Les blocs, ainsi pre´pare´s, ont e´te´ pre´leve´s pour eˆtre de´bite´s ailleurs ; – le processus de de´bitage s’est inte´gralement de´roule´ sur ce lieu. Le pre´le`ve- ment de la majorite´ des lamelles et des e´clats les plus re´guliers explique cette composition particulie`re, et plus spe´cifiquement le taux assez e´leve´ d’esquilles. Le faible niveau de re´ussite des remontages serait l’une des conse´quences de ce pre´le`vement.

La seconde hypothe`se nous semble re´pondre de la manie`re la plus satisfaisante aux diffe´rents constats e´tablis.

Il ressort de l’analyse technologique globale que les e´tapes initiales du de´bitage sont assez opportunistes, sans mode pre´paratoire spe´cifique. Les premie`res phases, a` l’origine d’e´clats a` surface corticale assez fre´quente, sont peu ge´ne´ra- trices d’esquilles. C’est pourquoi cet amas de de´bitage pourrait eˆtre associe´ a` une production lamellaire, ici pre´leve´e, a` des fins d’usage direct ou de transfor- mation en outil, voire des deux.

Un autre point remarquable consiste dans la quasi-absence de nucle´us qui pour- rait re´sulter de leur rejet a` l’e´cart de l’amas, voire du pre´le`vement des nucle´us afin de poursuivre ailleurs le de´bitage.

L’amas 3, le moins important en nombre de pie`ces, est consacre´ au de´bitage d’un minimum de trois blocs. Le taux de remontage, ici assez important avec 24,4 %, montre un processus de de´bitage techniquement mal maıˆtrise´, que l’on pourrait mettre sur le compte de la tre`s mauvaise qualite´ de la matie`re premie`re et donc de l’absence de test qualitatif. La production de plein de´bitage est faible en quantite´ et en qualite´, malgre´ des caracte`res techniques te´moignant d’inten- tions lamellaires. Une des rares pre´formes de la se´rie, avec creˆte ante´rieure assez grossie`re, provient de cet amas. Si sa mise en forme ne semble pas avoir e´te´ re´alise´e a` cet endroit (absence d’e´clats re´sultant de cette e´tape), les tentatives

d’initialisation du de´bitage sont atteste´es par le remontage de deux enle`vements lie´s a` des essais de de´bitage le long de la creˆte.

La particularite´ de cet amas tient tant dans les crite`res peu exigeants de choix des blocs, expliquant leur morphologie ingrate et leur qualite´ clastique me´diocre, que dans le niveau technique tre`s moyen du de´bitage. Ces e´le´ments confirment e´gale- ment le de´roulement segmente´ des chaıˆnes ope´ratoires (mise en forme et pre´le`ve- ment de quelques e´le´ments lamellaires).

Au regard des caracte`res techniques ge´ne´raux du de´bitage reconnus dans les se´ries lithiques des secteurs 1 et 3, ceux de l’amas 3 traduisent un niveau technique nettement infe´rieur, une impression renforce´e par le choix de blocs assez peu adapte´s. La production de plein de´bitage, tre`s faible, pose la question du roˆle joue´ par ce poste de taille. Est-il le reflet du travail d’un apprenti tailleur ou d’un tailleur nettement moins expe´rimente´ ? Est-il la trace d’un lieu d’acti- vite´s de taille a` exigence qualitative limite´e ? Autant de possibilite´s difficiles a` trancher.

L’amas 4, compose´ de 244 pie`ces, te´moigne de la plus forte intensite´ de de´bi- tage, ce qu’atteste en particulier le fort taux d’esquilles (fig. 103). Il s’accom- pagne d’une distribution cate´gorielle tre`s proche de celle de l’amas 2, a` la diffe´rence pre`s qu’il posse`de encore moins de lamelles et qu’il est caracte´rise´ par un nombre de cassons tre`s faible. Les pie`ces remonte´es, dont le taux est de 23 %, appartiennent a` deux ensembles de remontages. Cet amas a permis d’obtenir le remontage le plus complet de la se´rie, compose´ de 43 e´le´ments. Les pie`ces manquantes sont des e´clats d’avivage des plans de frappe, des e´clats assez re´guliers a` tendance lamellaire et des lamelles. Les caracte`res techniques et la bonne qualite´ de la matie`re premie`re des deux blocs remonte´s s’opposent tre`s clairement aux donne´es de l’amas 3. En effet, la pratique d’un de´bitage bipolaire montre une bonne gestion technique des re´fle´chissements, a` partir de deux plans de frappe oppose´s. De plus, ce poste de taille a fourni des e´clats re´guliers issus de la phase de de´grossissage/mise en forme, ainsi que des lamelles. Le principe d’une segmentation du processus de de´bitage, dans le temps et dans l’espace, est fortement sugge´re´ par l’absence d’e´clats lie´s a` la mise en place des plans de frappe, de certains e´clats de de´grossissage/mise en forme et de certaines lamelles.

L’analyse technique et fonctionnelle de ces cinq amas de de´bitage permet de les regrouper en trois cate´gories. La premie`re regroupe les amas 1 et 5, a` l’origine d’une production lamellaire bien repre´sente´e et d’un nombre d’e´clats bien supe´- rieur a` celui des esquilles. L’effectif assez important des e´clats pourrait eˆtre mis en relation avec leur pre´le`vement tre`s limite´, voire inexistant. Cet aspect sou- ligne l’intention lamellaire de la production, en grande partie non pre´leve´e et qui, par conse´quent, pouvait eˆtre transforme´e sur place en armatures.

La deuxie`me cate´gorie regroupe les amas 2 et 4 partageant une assez forte intensite´ de la taille, un nombre d’esquilles presque e´quivalent a` celui des e´clats et un fort de´ficit en lamelles. Le nombre assez faible d’e´clats compare´ a` celui des esquilles re´sulterait de leur collecte pour les transformer en outils, comme les grattoirs. Quant au pre´le`vement des lamelles, il vise leur transformation en armatures ou un usage direct. Cette cate´gorie d’amas semble s’accompagner d’une plus forte segmentation spatiale, intervenant au stade des e´tapes de trans- formation des supports en outils.

La troisie`me cate´gorie est repre´sente´e par le seul amas 3, qui se diffe´rencie nettement par la difficulte´ a` pre´ciser les intentions de de´bitage, meˆme si quelques lamelles y ont e´te´ produites. Il pourrait s’agir d’une cate´gorie a` vise´e fonction- nelle moins e´vidente ou exprimant un comportement social particulier, l’appren-

tissage passant ici par celui de la maıˆtrise des gestes et des principes techniques de de´bitage. Cependant, des pre´le`vements de pie`ces ont bien eu lieu, ce qui pourrait signifier que des produits e´taient utilisables ou que le processus d’ap- prentissage s’inscrit dans une chaıˆne comple`te qui, outre le de´bitage, implique- rait le pre´le`vement de pie`ces, leur transformation et leur utilisation.