• Aucun résultat trouvé

L’impact de possibles ame´nagements

Si la premie`re hypothe`se implique un facteur actif a` l’origine des de´placements, il est aussi possible d’envisager d’autres parame`tres jouant un roˆle plus passif, par exemple l’impact de possibles ame´nagements dont le plus probable nous semble lie´ a` l’organisation du sol occupe´. Dans le cas pre´sent, il ne peut eˆtre que d’origine organique, avec deux sources possibles : animale et ve´ge´tale. La mise en place de peaux sur la surface de sol serait bien e´videmment de nature a` constituer un assez bon isolant, mais on ne voit pas tre`s bien comment ce type d’ame´nagement expliquerait le phe´nome`ne d’e´talement. Dans ce cas de figure, il est tre`s probable que la re´cupe´ration des peaux soit effectue´e, ce qui aurait pour effet non pas d’e´taler les vestiges, mais davantage de les regrouper de manie`re assez anarchique. Le second type de mate´riau mis en œuvre serait ve´ge´tal, avec diffe´rentes possibilite´s de composition – branchages, herbes, roseaux –, compa- tibles avec l’environnement ve´ge´tal et probablement assez fins pour offrir un certain confort d’occupation. La finalite´ que l’on pourrait associer a` un ame´na- gement de la surface du sol serait l’isolation des occupants d’un sol humide, voire le´ge`rement boueux, ou encore dans un but sanitaire, afin d’e´viter que certains e´le´ments ne soient souille´s, comme des quartiers des carcasses en cours de traitement. La possibilite´ que la nature du sol soit peu accueillante a e´te´ e´voque´e au regard de la composition du foyer qui, avec sa sole compose´e de nombreux graviers, pourrait e´voquer un environnement assez humide. Un foyer ame´nage´ de la meˆme manie`re a e´te´ identifie´ a` Pincevent avec le foyer V105 et traduit pour les fouilleurs ces meˆmes contraintes de milieu (Leroi-Gourhan, Bre´zillon 1972).

Face a` la ne´cessite´ de s’isoler du sol, il est assez logique d’imaginer un tapis relativement e´pais, assez souple du moins pendant les premiers temps de l’occu- pation, et facile a` mettre en place. La pratique du de´bitage, a` la condition qu’elle ne soit pas trop segmente´e dans le temps, pourrait tout d’abord se traduire par l’existence d’un lieu de taille assez bien marque´ (fig. 79). Dans cet environne-

temps 0 temps N

phénomène d'étalement des pièces

zone de taille restreinte et amas

ZONE RESTREINTE ZONE MAXIMALE

production d’éclats et de lamelles

déplacements pour usage

les actions de prélèvement contribuent à destructurer la zone de taille initiale et marquent le début du phénomène d'étalement

activités diverses qui passent par la transformation en armatures et en grattoirs, et par l'utilisation directe des supports

homogénéisation

brassage par piétinement ou déplacement amplifié dans le cas d'aménagement du sol

Fig. 79 : Pont-sur-Yonne Les Basses Veuves : sche´ma expliquant le phe´nome`ne d’e´talement des pie`ces a` partir d’un processus de de´bitage continu.

ment, le de´poˆt des nucle´us en marge de ce tapis de sol permettrait assure´ment de les retrouver plus facilement. L’inte´grite´ du lieu de taille s’estomperait au gre´ de l’occupation. En effet, les de´placements des occupants provoqueraient le bras- sage des e´le´ments ve´ge´taux, et par voie de conse´quence, celui des e´le´ments lithiques. Il est e´galement possible d’envisager des re´fections de cet ame´nage- ment par des rajouts d’e´le´ments ve´ge´taux, ou simplement par leur reprise, ce qui amplifierait peut-eˆtre ce phe´nome`ne. Ce dernier cas de figure, e´videmment tre`s hypothe´tique, pourrait constituer une explication satisfaisante a` l’e´talement des pie`ces lithiques et a` l’absence de lieu de de´bitage bien de´limite´. Le caracte`re plus ou moins concentre´ des vestiges, e´voque´ par les diffe´rents plans de remontage, pourrait, en rapport avec l’hypothe`se que nous venons de de´velopper, exprimer une chronologie relative des processus de taille. Ainsi, le degre´ d’e´talement des ensembles remonte´s pourrait-il eˆtre conside´re´ comme un marqueur de la chro- nologie de mise en œuvre des de´bitages. Les de´bitages les plus e´tale´s seraient donc les plus anciens.

La seconde hypothe`se consisterait a` envisager que le de´bitage des blocs se de´roule de manie`re segmente´e dans le temps et dans l’espace (fig. 80). L’expli- cation apporte´e au phe´nome`ne de dispersion serait en fait le de´roulement du processus de taille lui-meˆme, qui ne serait pas continu mais discontinu. La justification a` cette segmentation serait de re´pondre a` des besoins en supports, a` mesure qu’ils se font sentir. Ainsi, un bloc pourrait eˆtre en partie de´bite´, mis en re´serve, puis a` nouveau de´bite´ jusqu’a` son rejet pe´riphe´rique, position qui traduirait son abandon. Si cette hypothe`se est envisageable, les ensembles de remontages obtenus pour le secteur 2 indiqueraient que cette segmentation n’est pas totale ni syste´matique, puisque certains ensembles de de´bitages sont associe´s a` des zones relativement bien de´limite´es, a` l’image de l’ensemble R80. Il est e´galement possible d’imaginer une segmentation plus large du processus de taille, qui interviendrait uniquement entre la phase de de´grossissage/mise en forme et celle de plein de´bitage. La premie`re phase serait conduite de manie`re continue, comme tendraient a` le prouver les ensembles de remontage R78 et R80 constitue´s principalement par des e´clats. Quant a` la phase de production lamellaire, elle serait affecte´e par une plus grande segmentation, afin de re´pondre

PRODUCTION TRANSFORMATION UTILISATION

brassage par piétinement ou déplacement amplifié dans le cas d'aménagement du sol

temps 0 temps N

phénomène d'étalement des pièces

ALTERNANCE DES OPÉRATIONS TECHNIQUES

SEGMENTATION SPATIALE Fig. 80 : Pont-sur-Yonne Les Basses

Veuves : sche´ma expliquant le phe´nome`ne d’e´talement des pie`ces a` partir d’un processus de de´bitage segmente´.

ponctuellement aux besoins et vraisemblablement a` l’utilisation directe de cer- tains supports. C’est l’ensemble de remontage R80 qui caracte´riserait le mieux la continuite´ de l’e´tape de de´grossissage/mise en forme. En effet, les deux nucle´us n’ont jamais produit de supports lamellaires et l’on remarque une assez bonne de´limitation de la zone de de´bitage pouvant confirmer ce fait. La diffe´rence de traitement par grandes phases techniques, avec le de´roulement continu de la premie`re e´tape du de´bitage (de´grossissage/mise en forme) et dis- continu de la seconde (plein de´bitage), pourrait aussi expliquer l’absence de certains nucle´us (R75, R78, R76-77, R83), qui auraient e´te´ emporte´s pour eˆtre exploite´s ailleurs. Cette absence serait la traduction extreˆme de ce type de segmentation. En effet, un nucle´us bien exploite´ n’a fait l’objet, e´tonnamment au regard du taux de remontage atteint, d’aucun remontage, ce qui pourrait caracte´riser cette pratique d’emports de nucle´us juge´s encore exploitables et dans le cas pre´sent d’apports de nucle´us (fig. 81). Si la segmentation dans le temps entre de´grossissage et plein de´bitage est tout a` fait envisageable, ce caracte`re ne semble pas avoir de traduction spatiale nette, a` l’image de l’ensemble R85 qui re´ve`le une bonne corre´lation des distributions des e´clats. La continuite´ de la premie`re e´tape de de´grossissage paraıˆt assez logique, car c’est une e´tape technique qui conditionne la poursuite du de´bitage. Dans certains cas, des zones lie´es a` ces premie`res e´tapes du de´bitage ont e´te´ identifie´es de manie`re assez large, ce qui semble aller dans le sens de la continuite´ de ces premie`res e´tapes. Or, il est assez curieux que globalement la distribution de ces e´le´ments soit identique a` celle des produits de plein de´bitage. En conse´quence, la segmen- tation du de´bitage ne semble pas constituer a` elle seule une explication satisfai- sante a` la dispersion assez forte des ensembles de de´bitage.

En l’e´tat actuel des donne´es, il est difficile de privile´gier l’une des deux hypo- the`ses. La premie`re, associe´e a` un ame´nagement du sol, pourrait eˆtre en partie ve´rifie´e par l’expe´rimentation. Quant a` la seconde, elle privile´gierait la segmen- tation du de´bitage lie´ a` certaines activite´s, dont la plus probable pourrait eˆtre ici la boucherie, et qui imposerait une dure´e d’occupation assez bre`ve. De plus, les deux hypothe`ses ne sont pas incompatibles.

Par ailleurs, la de´finition de la nature des activite´s est ici essentielle, ainsi que la manie`re dont elles ont e´te´ mises en pratique. Par combien d’individus ? Pour quel nombre de carcasses a` de´pecer ? Dans quels laps de temps ? De quelle manie`re ? Autant de parame`tres qui pourraient avoir une incidence sur le niveau de segmentation, si celle-ci a bien existe´, car il est encore difficile de trancher cette question.

La variabilite´ des donne´es susceptibles d’expliquer la segmentation et l’e´tale- ment des vestiges paraıˆt en the´orie assez importante, ce qui pose la question de la re´alite´ de ce constat et de la manie`re dont il se traduit sur d’autres gisements.