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Le phe´nome`ne d’e´talement : un constat intra-sites

L’importante dispersion des vestiges lithiques inte´gre´s a` des ensembles de remontages avait de´ja` e´te´ observe´e sur le site de Ruffey-sur-Seille (Se´ara et al. 2002), du Me´solithique ancien au Me´solithique re´cent.

En prenant en compte le crite`re de distance de liaison, trois secteurs d’occupa- tion du Me´solithique ancien de Ruffey-sur-Seille (niveau R4) ont permis d’e´ta- blir des courbes significatives a` partir de la distribution des classes de distances (fig. 82). Des diffe´rences apparaissent bien e´videmment dans le de´tail, mais on constate des tendances de courbes tre`s similaires, avec une assez faible repre´sen- tation des distances tre`s courtes, de 0 a` 0,5 m, et un pic situe´ entre 0,5 et 2 m.

0 5 cm

Fig. 81 : Pont-sur-Yonne Les Basses Veuves, secteur 2 : exemple de nucle´us a` de´bitage avance´ sans aucun e´le´ment de remontage.

Toutefois, cette similitude n’est qu’en partie surprenante, car nous avons affaire a` trois secteurs d’occupation dont la contemporane´ite´ a e´te´ de´montre´e sur la base des remontages. Nous obtenons ainsi, pour le secteur 1, une moyenne de distances de 2,04 m, pour le secteur 2 de 2,08 m et pour le secteur 3 de 1,69 m. Bien que les remontages aient e´te´ moins pousse´s qu’a` Pont-sur-Yonne, ils nous paraissent repre´sentatifs de la distribution des distances de liaison. En effet, la pratique des remontages visait avant tout a` privile´gier le rapprochement spatial des concentrations de vestiges, tout en prenant en compte dans un premier temps les pie`ces les plus proches. C’est pourquoi, dans le cas d’une pratique assez peu pousse´e comme a` Ruffey-sur-Seille, la part des liaisons courtes peut eˆtre conside´re´e comme repre´sentative, voire le´ge`rement surrepre´sente´e. Les donne´es de Pont-sur-Yonne re´ve`lent des similitudes tre`s fortes avec une courbe de tendance similaire mais au caracte`re plus lisse´, ce qui refle`te probablement une pratique de remontages plus exhaustive. En nous plac¸ant dans l’hypothe`se de la segmentation du de´bitage qui, comme nous le pensons, serait conditionne´e par de nombreux parame`tres, on imagine difficilement avoir affaire a` une tra- duction spatiale similaire sur deux sites aussi e´loigne´s ge´ographiquement. Il est assez remarquable que la moyenne des distances de liaison du secteur 2 de Pont-sur-Yonne, avec 2,01 m, soit quasi identique a` celle des secteurs 1 et 2 de Ruffey-sur-Seille.

Il semble donc que nous puissions envisager des relations de cause a` effet tre`s similaires, encore a` de´finir, venant expliquer ces donne´es tre`s proches.

La part de l’action humaine sur la re´partition des vestiges n’est probablement pas exclusive et pourrait jouer un roˆle moins important que l’on ne pourrait penser. En effet, si l’on peut imaginer le principe de segmentation comme e´tant constant, il est beaucoup plus difficile d’envisager que le phe´nome`ne d’e´talement se reproduise de manie`re similaire. En effet, comment expliquer que face a` des situations probablement tre`s diversifie´es, meˆme dans le cas d’activite´s de meˆme type, cet e´talement reste assez constant. De`s lors, c’est l’hypothe`se de facteurs passifs, impliquant une action anthropique non intentionnelle, qu’il faut privi- le´gier. Ainsi, l’explication la plus satisfaisante apporte´e au caracte`re presque identique de l’amplitude moyenne des de´placements serait-elle l’existence de conditions d’occupation, naturelles ou non, ayant fonctionne´ ou e´volue´ de sorte que les pie`ces lithiques se soient re´parties de la meˆme manie`re dans

0 5 10 15 20 25 30 35 40 0 à 0,49 0,5 à 0,99 1 à 1,49 1,5 à 1,99 2 à 2,49 2,5 à 2,99 3 à 3,49 3,5 à 3,99 4 à 4,49 4,5 à 4,99 5 à 5,99 6 à 6,99 classes de distances en mètre

pourcentage Hauterive -Champréveyres Ruffey-sur-Seille (S1) Ruffey-sur-Seille (S2) Ruffey-sur-Seille (S3) Pont-sur-Yonne (S2)

Fig. 82 : Comparaison des courbes de distribution des classes de distances de liaison des sites de Pont-sur-Yonne (secteur 2), de Ruffey-sur-Seille, niveau R4 secteurs 1, 2, 3 et de Hauterive-Champre´veyres.

l’espace. En effet, les occupations conside´re´es s’inscrivent toutes en contexte alluvial. Par ailleurs, ce cadre, assorti de conditions d’occupations globalement similaires et soumis a` des crite`res de choix d’implantation pouvant eˆtre cons- tants, aurait pu ne´cessiter la mise en œuvre d’ame´nagements tels que des tapis ve´ge´taux e´pais, si le choix d’installation s’est porte´ par exemple sur des zones assez ouvertes mais au caracte`re assez humide.

La similitude des distances moyennes de liaison pourrait s’expliquer tout sim- plement par le fait qu’elles correspondent au rayon des concentrations. Or, ce dernier est nettement infe´rieur puisqu’a` Pont-sur-Yonne il est de 5 m par 6 m, a` Ruffey-sur-Seille pour le secteur 1, de 8 m par 9 m, pour le secteur 2, de 7,5 m par 8 m et pour le secteur 3, de 7 m par 6,5 m.

L’hypothe`se d’un impact lie´ a` des ame´nagements de sol nous semble expliquer au mieux une telle constante spatiale, le facteur actif ne pouvant avoir reproduit aussi exactement ce phe´nome`ne. L’e´talement des vestiges inte´gre´s aux zones d’activite´s semble bien constituer un caracte`re tre`s fort des occupations me´so- lithiques e´tudie´es, constat renforce´ par la confrontation des donne´es me´so- lithiques avec celles du site magdale´nien de Hauterive-Champre´veyres (Cattin 2002). En effet, la courbe de distribution des classes de distances de liaison obtenue pour ce gisement est tre`s diffe´rente (fig. 82). En effet, les courtes distances sont largement dominantes et cette remarque pourrait eˆtre applique´e a` de nombreuses autres occupations magdale´niennes bien conserve´es. Ce point est en grande partie lie´ aux modalite´s de de´roulement des processus de taille, re´alise´s a` partir de points d’ope´ration limite´s, mate´rialise´s par de nombreux amas de de´bitage. Ces postes de taille ont fourni les supports indispensables a` la pratique d’activite´s spatialement diffe´rencie´es. Cette diffe´renciation spatiale n’existe quasiment pas pour le secteur 2 de Pont-sur-Yonne, et c’est plutoˆt l’imbrication qui domine.

Cette caracte´ristique semble eˆtre la conse´quence du caracte`re spatial restreint et fige´ de l’aire d’occupation du Me´solithique ancien de Pont-sur-Yonne. En effet, l’ensemble des donne´es permet d’envisager une forme de mate´rialisation au sol de l’aire d’occupation qui aurait ainsi fixe´ le de´roulement des activite´s, ce qui irait dans le sens de l’hypothe`se privile´giant l’existence d’ame´nagement de sol.