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I. 1.) Les ophiolites dans les Alpes et leur localisation

I.1. d.) Structure des océans à expansion lente et ultra-lente analogues à l’océan

Dans les premiers kilomètres de la lithosphère des océans Atlantique, Arctique et Indien, l’observation systématique des serpentinites par dragage, par forage ou par voies indirectes grâce à la géophysique, montre que ces roches sont un constituant majeur de la lithosphère océanique formée aux dorsales à expansion lente et ultra-lente mais aussi au niveau des marges continentales passives appauvries en magma (Cannat et al., 1995 ; Canales et al., 2000 ; Dick et al., 2003 ; Mével, 2003 ; Andreani et al., 2007 ; Minshull, 2009 ; Cannat et al., 2010 ; Sauter et al., 2013).

En contexte d’accrétion lente (ride médio-atlantique), les péridotites serpentinisées du manteau supérieur s’alternent avec des gabbros et des basaltes sur le plancher océanique. Cette observation reflète une alternance de stades « amagmatiques » d’expansion tectonique de longue durée avec des stades de production magmatique relativement brefs (Cannat et al., 1995).

Lorsque les processus tectoniques sont dominants sur les processus magmatiques, l’exhumation du manteau sur le plancher océanique se fait grâce à la mise en place de grandes

failles de détachement créant des structures asymétriques en dôme appelées « Oceanic Core Complex » (OCC ; Figure I.9a,b ; Tucholke et al., 1998, 2001 ; Ildefonse et al., 2007 ; MacLeod et al., 2009). Ces failles permettent la circulation d’eau et la serpentinisation de la péridotite en profondeur (Figure I.9b). Les OCC peuvent être longs de 50 km, larges de 15 km et atteindre une hauteur de 1500 m au-dessus du plancher océanique. La surface du dôme est imprimée de stries orientées parallèlement à la direction de glissement de la faille de détachement (Figure I.9a). L’arrêt de l’OCC se ferait via la délocalisation de la déformation vers la surface et la mise en place d’un réseau de failles sub-verticales permettant l’épanchement de roches volcaniques sur le plancher océanique (Figure I.9b ; Manatschal et al., 2011).

Des études récentes, menées au niveau de la ride à expansion ultra-lente Sud-Ouest Indienne, montrent l’existence de structures symétriques au niveau de plancher océanique. Ces dernières sont associées à différentes générations de grandes failles normales permettant l’exhumation continue des péridotites et serpentinites sur le plancher océanique (Figure I.9c ; Sauter et al., 2013). Dans ce contexte, les serpentinites sont le constituant majeur de la lithosphère océanique alors que les basaltes recouvrent moins de 25% du plancher océanique. Ces auteurs proposent que ce mécanisme soit aussi à l’origine des TOC observables dans les Alpes.

Figure I.9 : (a) Image acoustique d’un OCC de la zone axiale de la dorsale médio-atlantique (MacLeod et al., 2009). Les striations du dôme sont bien visibles. La diagonale de l’image couvre environ 10 km. (b) Modèle conceptuel montrant le cycle de vie de l’ « Oceanic Core Complex » (Manatschal et al., 2011). Stade 1- Exhumation du manteau serpentinisé et de gabbros mise en place en profondeur le long d’une faille de détachement et mise en place de gabbros en profondeur, à l’interface ductile / fragile. Stade 2- Arrêt de la faille de détachement et fin de l’ « Océanic Core Complex ». La déformation se localise dans les parties superficielles permettant la formation de nombreuse faille verticale et l’extraction des magmas en surface. Le refroidissement du système et délocalisation de la faille de détachement pourront conduire à la formation d’un nouveau cycle d’ « Oceanic Core Complex ». (c) Modèle conceptuel d’exhumation continue des péridotites sur le plancher océanique (Sauter et al., 2013). La succession de failles de détachement conjuguées conduit dans un premier temps à la formation de structures symétriques similaires à celles observées au niveau de la ride sud-ouest indienne, puis dans un second temps à la création de structures asymétriques similaires à celles des OCC. Dans ce modèle, la délocalisation et la relocalisation de la déformation sont accompagnés d’épisodes magmatiques de très courte durée expliquant la faible proportion de basaltes observable sur le plancher océanique de l’océan Indien.

Les profils géophysiques réalisés dans la lithosphère océanique issue des rides à expansion lente (e.g. Canales et al., 2000) et au niveau des marges continentales passives appauvries en magma (e.g. Minshull, 2009) montrent une augmentation progressive de la vitesse de propagation des ondes P avec la profondeur jusqu’à 8 km/s ; vitesse des ondes P dans le manteau (Figure I.10). Par ailleurs, on sait que la vitesse de propagation des ondes est plus faible dans les serpentinites (et les gabbros) que dans les péridotites fraîches. En conséquence, l’augmentation des vitesses des ondes P avec la profondeur est interprétée comme la signature sismique d’un gradient de serpentinisation affectant le manteau dans les 3 à 6 premiers kilomètres en dessous de la surface (Canales et al., 2000). Ainsi le MOHO, tel qu’il est définit par les géophysiciens avec le passage de la vitesse des ondes P à 8 km/s, pourrait correspondre à un front de serpentinisation (Minshull et al., 1998 ; Canales et al., 2000 ; Cannat et al., 2010). Dans ces modèles, la proportion de serpentinite dans les premiers kilomètres de la lithosphère océanique varie entre 30 et 60%.

Au contraire, dans les rides à expansion rapide, les serpentinites ne sont pas un composant majeur de la croûte océanique (e.g. Océan Pacifique). Néanmoins, localement comme au niveau du site de forage Hess Deep, la partie basale de la croute océanique peut être exhumée au niveau du plancher océanique via un jeu de failles. Dans ce contexte particulier, des péridotites foliées et partiellement serpentinisées ont été observées et

échantillonnées. Leur formation résulterait de la circulation de fluides en base de la croute océanique.

Figure I.10 : Profils de vitesses sismiques et interprétation géologique d’une croûte générée en contexte de ride à expansion rapide et en contexte de ride à expansion lente (Mével, 2003). La croûte générée au niveau d’une ride expansion rapide est composée du haut vers le bas : de laves en coussins alimentées par un complexe filonien (layer 2), de gabbros (layer 3) et enfin d’un manteau péridotitique peu serpentinisé. La croûte générée au niveau d’une ride lente est composée de haut en bas : d’un niveau discontinu de basalte qui peut être au contact avec des serpentinites, contenant des lentilles hectométriques de gabbros. Le taux de serpentinisation des péridotites diminue vers le bas jusqu’à des péridotites peu serpentinisées. Dans le cas d’une ride à expansion rapide, le MOHO correspond à l’interface entre les gabbros et les péridotites alors qu’au niveau des rides à expansion lente il correspond à un front de serpentinisation.