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III. 3.) L’ophiolite du Monte Maggiore

III.3. b.) Pétrologie des péridotites serpentinisées

Les péridotites serpentinisées sont principalement des lherzolites initialement équilibrées dans le domaine de la péridotite à spinelle, puis imprégnées par des magmas asthénosphériques dans le domaine de la péridotite à plagioclase (Müntener & Piccardo, 2003 ; Piccardo & Guarnieri, 2010). Dans ces roches, le plagioclase représenterait des gouttelettes de magmas fossilisées (Figure III.13a). Cependant, il n’est pas exclu qu’une partie du plagioclase se forme in situ dans la péridotite par fusion partielle (Nicollet et al., 2001). Lorsque le taux d’imprégnation ou de fusion augmente, les goulettes de magmas se connectent aux joints de grain et forment des « dykelets » (Figure III.13b) qui permettent l’extraction des magmas et la formation de filons de dolérite ou métagabbros recoupant la péridotite. Au contact avec la péridotite encaissante, le plagioclase est déstabilisé en un assemblage à chlorite et trémolite lors du refroidissement intra-océanique de la lithosphère ou en un assemblage de HP à jadéite et zoisite pendant la subduction.

Figure III.13 : Photographies de péridotites imprégnées. (a) Le plagioclase forme des petites poches centimétriques isolées aux joints de grains. (b) « Dykelet » de plagioclase traversant une péridotite imprégnée.

Les péridotites présentent un taux de serpentinisation très variable entre 20 et 80% à l’échelle du mètre. En effet, le taux de serpentinisation de la péridotite est bimodal (Figure III.14a). Localement, les péridotites sont traversées par des veines épaisses de plusieurs

millimètres à décimètres où le taux de serpentinisation est proche de 100%. Au-delà de ces veines, les péridotites sont plus faiblement serpentinisées : leur taux de serpentinisation varie entre 10% et 40%.

Dans les péridotites faiblement serpentinisées, l’olivine et le pyroxène mantellique sont traversés par des veines de serpentine de couleur gris clair à bleu (V2), de plusieurs centaines de microns à quelques millimètres d’épaisseur. En lame mince, ces veines présentent un contact plan avec les minéraux primaires et sont composées de serpentine à aspect fibreux orientée perpendiculairement à l’éponte. Le centre de ces veines est associé à des amas de magnétites. Localement, les veines V2 sont recoupées par des veines d’antigorite de plusieurs centaines de microns d’épaisseur présentant une bordure dentelée. Dans ces veines, l’antigorite cristallise sous forme de lamelles orientées perpendiculairement à la bordure.

Au Nord-Ouest du massif, les péridotites sont recoupées par des veines pluri-centimétriques zonées et localisées dans des fractures conjuguées orientées N160 et N55 (Figure III.14b, c). La zonation observée dans ces veines correspond à la cristallisation de 3 générations de serpentines :

La première génération (V1) correspond à la zonation de couleur bleu foncée (Figure III.14c). En lame mince, cette serpentine est isotrope et est associée à de fins agrégats de magnétite (Figure III.14d). Les spectres RAMAN de ces serpentines peut être similaire à celui de la lizardite ou intermédiaire entre la lizardite et le chrysotile. Les spectres RAMAN des serpentines V1 sont caractérisés par un pic à intensité variable à 1100 cm-1 à basse fréquence et par un spectre de haute fréquence composé de 3 pics à 3683 cm-1, 3704 cm-1 et 3695 cm-1 (Figure III.15). Les veines V1 ont des compositions en Al2O3 et FeO variant de 0.5 à 1.9 wt% et 3.9 à 6.2 wt% respectivement.

Figure III.14 : (a) Péridotite relativement peu serpentinisée (10-40% de serpentine) recoupée par des veines foncées dans lesquelles le taux de serpentinisation est proche de 100%. (b) Réseau de fractures, dans lesquelles cristallise préférentiellement la serpentine, traversant les péridotites serpentinisées au Nord-Ouest du massif (échantillons Mag 32, Figure III.11). (c) Détail des veines montrant leur zonation. Au centre, la veine à une couleur verte (V3). En allant vers l’encaissant, la veine est de couleur bleu foncée (V1) puis gris bleuté (V2). Le contact entre la zonation V2 et l’encaissant est diffus. Le carré noir localise la figure (d). (d) Microphotographie en LPA montrant la chronologie relative entre les différentes générations de serpentine V1, V2 et V3. (e) Microphotographie en LPA d’une veine V2 recoupant la serpentine V1. Le contact entre les deux générations de serpentines est marqué par des lamelles d’antigorite. (f) Veines de serpentine V2 partiellement à totalement remplacée par l’antigorite.

La seconde génération de serpentine correspond à la zonation gris bleuté située au bord des veines zonées (Figure III.14c,d). Cette serpentine présente un contact diffus avec l’encaissant et franc avec la zonation V1. En lame mince, les serpentines V2 présentent des textures de type maillée ou bastite analogues à celles observées en contexte intra-océanique (Figure III.14d ; Mével, 2003 ; Andreani et al., 2007). Le bord des mailles est constitué de serpentine à aspect fibreux. Il est associé avec des amas de magnétites. Le cœur de la maille présente un aspect isotrope et parfois une extinction ondulante. Les bastites sont composées de serpentines lamellaires orientées parallèlement aux anciens clivages du pyroxène. Les serpentines V2 se développent à travers l’encaissant formant un réseau de veines découpant les minéraux primaires de la péridotite. Il s’agit de la génération de serpentine la plus souvent observée dans les péridotites serpentinisées. Les spectres RAMAN des serpentines V2 sont similaires à ceux de la lizardite (Figure III.15). Ils présentent quelques fois des pics additionnels correspondant au chrysotile attestant de la présence des deux générations de serpentines à l’échelle nanométrique. Les serpentines V2 ont des teneurs en Al2O3 et FeO variant de 0.2 à 2.2 wt% et 2.8 à 7.8 wt% respectivement.

La troisième génération de veine compose le cœur des veines zonées (Figure III.14c,d). Elle est de couleur verte. En lame mince, les serpentines V3 sont composés de segments de ~10 µm d’épaisseur orientés parallèlement à l’éponte de la veine. Ces segments sont composés de fibres orientées perpendiculairement à l’éponte et présentent une bordure irrégulière associée à des lamelles micrométriques de serpentine. Ces veines correspondent à des « crack-seal » (Andreani et al., 2004 ; Renard et al., 2005). Leur spectre RAMAN est intermédiaire entre la lizardite et le chrysotile (Figure III.15). Les serpentines V3 ont des teneurs en Al2O3 et FeO variant de 1.6 à 2.1 wt% et 4.5 à 5.5 wt% respectivement.

Figure III.15 : spectres RAMAN des différents types de veines traversant les péridotites serpentinisées du Monte Maggiore. Les spectres sont pour la plupart intermédiaires entre la lizardite et les chrysotile.

Localement le contact entre les serpentines V1, V2 et V3 peut être associé à la cristallisation de lamelles non-orientées de 10-20 µm (Figure III.14e). Les spectres RAMAN de ces lamelles présentent des pics à 1044, 3670 et 3699 cm-1 typiques de l’antigorite. Ceci atteste de la formation précoce des serpentines V1, V2 et V3 en domaine intra-océanique puis de leur recristallisation tardive en antigorite lors de la subduction du massif. Localement, l’antigorite peut remplacer complètement les veines de serpentine V2 (Figure III.14f) conduisant à l’apparente cristallisation de veines d’antigorite.