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II. 2.) L’ophiolite du Montgenèvre

II.2. b.) Pétrologie des serpentinites

Les serpentinites étudiées ont été prélevées à la Punta Rascia, partie Nord-Est du massif (12 échantillons), et dans le massif du Chenaillet (5 échantillons, Figure II.9). Au niveau de ces deux sites, la majorité des serpentinites sont massives.

A l’affleurement, les serpentinites présentent une patine orangée, bleue foncée ou blanche recoupée par des veinules millimétriques bleutées correspondant au réseau maillé de la serpentine formée aux dépens de l’olivine (Figure II.12). Le site de l’orthopyroxène est remplacé par des cristaux blanchâtres pluri-millimétriques à centimétriques de bastite. Des cristaux verts foncés de clinopyroxène et noirs de spinelle sont aussi observables à l’affleurement. Un réseau de veines tardives blanches pluri-millimétriques de chrysotile peut localement recouper l’ensemble de ces formations (Figure II.12).

L’observation microscopique en lame mince permet de distinguer deux types d’échantillons de serpentinite :

Liz-serpentinite

Le premier type d’échantillon correspond à des serpentinites majoritairement composées de serpentine à texture maillée et de bastite (Liz-serpentinites, échantillons de la Punta Rascia : BCh3, BCh10, BCh11, BCh13, BCh15 et ICH02 ; échantillons du Chenaillet : BCh20, BCh21, BCh22, BCh23). Ces textures sont similaires à celles observées en contexte intra-océanique (e.g. Andreani et al., 2007).

Figure II.13 : Microphotographies de Liz-serpentinite et d’Atg/Liz-serpentinite provenant de l’ophiolite du Montgenèvre (a-b) Microphotographies en LPNA et LPA présentant des textures maillées bordées par de fins agrégats de magnétite. A gauche de la photographie une bastite est observable. Ces textures sont recoupées par des veines de chrysotile. (c) Microphotographie en LPA montrant un clinopyroxène préservé lors de la serpentinisation océanique. Les anciennes lamelles d’exsolutions d’orthopyroxène sont remplacées par de la lizardite. (d) Microphotographie en LPA présentant un porphyroclaste de clinopyroxène (visible, en bas, à droite de la photo) recristallisé en granoblastes de clinopyroxène. Ces clinopyroxènes ne sont pas affectés par la serpentinisation de la roche. Au contraire, à gauche de la photo,

un ancien porphyroclaste d’orthopyroxène est transformé en bastite. Celle-ci est entourée de granules de lizardite associés à du talc (forte biréfringence). (e) Microphotographie en LPA d’une veine d’antigorite recoupant des textures maillées. (f) Photo en électrons rétrodiffusés de grains de magnétite composant la bordure des mailles présentant un spectre RAMAN intermédiaire entre la lizardite et l’antigorite.

Les textures maillées sont composées d’un cœur homogène finement cristallisé avec parfois une extinction ondulante et délimité par une bordure de serpentine à aspect fibreux (Figure II.13a, b). De la magnétite est présente au cœur et/ou en bordure de la maille sous forme d’amas de taille inférieure à 10µm (Figure II.13a, b). L’analyse par spectroscopie RAMAN des serpentines à texture maillée montrent que celles-ci sont composées en grande partie de lizardite (Figure II.14a). Localement, les spectres RAMAN des mailles peuvent présenter un léger bombement ou un pic marqué vers 1040-1045 cm-1 (Figure II.14a) suggérant la possible présence d’antigorite associée à la lizardite à échelle nanométrique. La composition en Al2O3, Cr2O3 et NiO de la maille est respectivement de 0.5 – 0.7 wt%, <0.1 wt% et 0.1-0.3 wt%. Sur l’ensemble des données collectées sur le Montgenèvre, il n’existe pas de systématique entre la composition de la bordure de la maille et son cœur.

Les bastites sont généralement constituées de cristaux de serpentine à aspect fibreux allongés parallèlement aux anciens clivages du pyroxène (Figure II.13a, b). Les anciennes exsolutions de clinopyroxène peuvent être recristallisées en granules de trémolite. Les spectres RAMAN de la bastite sont intermédiaires entre le chrysotile et la lizardite. Les bastites sont enrichies en Al2O3 (2.1-4.3 wt%), Cr2O3 (1.1-1.3 wt%) et appauvries en NiO (<0.1 wt%) par rapport aux textures maillées. Ces différences de composition sont héritées du minéral précurseur à la serpentine (Dungan, 1979).

Le clinopyroxène n’est pas ou peu affecté par la serpentinisation. Les anciennes exsolutions d’orthopyroxène sont transformées en serpentine (Figure II.13c). La bordure du clinopyroxène peut être partiellement recristallisée en baguettes de trémolite ou en serpentine. Le spinelle peut posséder une fine couronne (< 100 µm) zonée à chromite, magnétite et

chlorite en allant vers l’extérieur. Rarement, l’observation d’agrégats de ~500 µm à chlorite et épidote peut être interprétée comme correspondant aux anciens plagioclases (Messiga & Tribuzio, 1991).

Figure II.14 : Spectres RAMAN des serpentines composant les liz-serpentinites (a) et les Atg/liz-serpentinites (b). (a) Les spectres RAMAN du cœur de la maille peuvent présenter un pic à 1040-1045 cm-1

pouvant indiquer la présence de l’antigorite à l’échelle nanométrique. (b) Les spectres RAMAN des veines tardives correspondent à de l’antigorite. Le cœur des mailles en contact avec les veines d’antigorite a un spectre RAMAN mixte entre l’antigorite et la lizardite.

L’ensemble des structures décrites est traversé par des veines de chrysotile de type crack-seal (e.g. Andreani et al., 2004). Ces dernières ont des compositions en Al2O3 (1.2 - 2.7 wt%), Cr2O3 (< 0.1 wt%) et NiO (0.2 - <0.1 wt%) intermédiaires entre la maille et la bastite.

Localement, les serpentinites (BCh21 et BCh22 du Chenaillet) sont affectées par une déformation intra-mantellique matérialisée par l’étirement de porphyroclastes noirs de clinopyroxène et spinelle, et blancs de bastite. En lame mince, l’olivine est très exceptionnellement préservée. Les porphyroclastes de clinopyroxène présentent des « Kink bands » et sont partiellement recristallisés en bordure en granoblastes de ~ 50 µm (Figure II.13d). Les porphyroclastes d’orthopyroxène sont totalement recristallisés en lizardite de type bastite. Ils sont entourés de talc et de granules de lizardite (Figure II.13d). Cette texture atteste de la recristallisation statique des porphyroclastes et des granules d’orthopyroxène. Ainsi, la déformation observable dans ces roches correspond à un évènement ductile de HT anté-serpentinisation affectant les péridotites.

Atg/liz-serpentinites

Le deuxième type d’échantillons a été prélevé à la Punta Rascia (BCh4, BCh7 et BCh9) et au Chenaillet (BCh24). Ces serpentinites sont composées de serpentine à texture maillée et bastite similaires à celles décrites précédemment. La maille a des teneurs en Al2O3

(0.6 - < 0.1 wt%), Cr2O3 (0.1 - << 0.1 wt%) plus faibles et en NiO (0.3 – 0.1 wt%) plus fortes que la bastite (Al2O3 = 5.4 - 1 wt%, Cr2O3 = 0.9 - 0.1 wt% et NiO = 0.2 - <0.1 wt%). Ces échantillons se distinguent des précédents par la présence de veines tardives allant de quelques microns au millimètre et recoupant l’ensemble des textures océaniques. Ces veines sont composées de lamelles de ~ 10 µm (Figure II.13e) ayant un spectre RAMAN de

serpentine caractérisé par des pics à 1044, 3670 et 3699 cm-1 typiques de l’antigorite (Figure II.14b). Les veines d’antigorite ont des teneurs en Al2O3 (0.5 - 0.2 wt%), Cr2O3 (0.1 - << 0.1 wt%) faibles et en NiO (0.2 – <0.1 wt%) similaires aux lizardites de type maille ou bastite. Au contact de ces veines, la maille océanique est partiellement déstructurée :

- L’analyse RAMAN du cœur de la maille présente un bombement à 1045 cm-1

suggérant la présence de l’antigorite à l’échelle nanométrique (Figure II.14b).

- Le contact entre les veines d’antigorite et la maille est diffus : des cristaux d’antigorite pénètrent localement les bords de la maille.

- La cristallisation de l’antigorite est accompagnée de la disparition des grains de magnétite. L’observation au Microscope Electronique à Balayage (MEB) des résidus de magnétite montre que ceux-ci sont indentés suggérant, qu’ils sont dissous lors de la cristallisation de l’antigorite (Figure II.13f). Les grains de magnétites associés aux textures maillées à spectre RAMAN mixte, situés au contact des veines d’antigorite, présentent aussi une bordure de dissolution.