• Aucun résultat trouvé

Les métagabbros du Monte Maggiore recoupent un encaissant péridotitique plus ou moins serpentinisé. Aucune bordure figée n’est observable au contact de ces roches attestant que les métagabbros se sont mis en place en profondeur avant la serpentinisation des péridotites. Il apparait donc que l’évolution P-T des métagabbros est identique à celle des péridotites. L’étude pétrologique montre que les différentes lithologies du Monte Maggiore

cristallisent différentes paragenèses de BP-HT à BT et de HP-BT permettant de reconstruire le chemin P-T du massif.

L’exhumation du massif, en contexte de TOC (Jackson & Ohnenstetter, 1981 ; Piccardo & Guarnieri, 2010), est mis en évidence par l’imprégnation de la péridotite à spinelle dans le domaine de la péridotite à plagioclase (Figure III.13). Durant l’océanisation, les plagioclases sont déstabilisés, au contact avec l’olivine, en un assemblage à chlorite et trémolite (Figure III.19).

Dans les métagabbros, le refroidissement progressif et l’hydratation de la lithosphère océanique sont marqués par la cristallisation d’amphiboles brunes puis vertes aux dépens du plagioclase et du clinopyroxène magmatiques (Figure III.12b-d). Lors de cet épisode, l’olivine magmatique est, au contact avec le plagioclase, déstabilisée en un assemblage à chlorite et trémolite (Nicollet et al., 2001 ; Figure III.12a ; Figure III.19). Dans les péridotites, à plus basse température, entre 400 et 200°C (Andreani et al., 2007), l’olivine et l’orthopyroxène sont remplacés par des assemblages à lizardite et chrysotile.

Lors de la subduction, les amphiboles des métagabbros sont partiellement recristallisées en glaucophane (Figure III.12c, d). Le plagioclase est transformé en un assemblage à zoïsite et jadéite (Figure III.19). L’observation de ces deux assemblages de HP ne permet pas de contraindre très précisément les conditions du pic de métamorphisme du massif. Néanmoins, l’absence de quartz dans les roches suggère que celles-ci n’ont pas franchi la transition de HT : Ab = Jd + Qz. L’absence de lawsonite dans le site cristallographique du plagioclase permet de situer les conditions P-T d’équilibre des métagabbros. En effet, lors de l’augmentation des conditions P-T en contexte de subduction, la lawsonite est d’abord transformée au contact avec le plagioclase en un assemblage à zoisite et jadéite (Schmidt & Poli, 1995), puis à plus haute température en un assemblage à paragonite, zoisite et quartz

(Nicollet, 2010). Dans le massif du Monte Maggiore, il semble que la lawsonite ait été déstabilisée à relativement basse température lors de la réaction : Lws + Gln = Pg + Zo + Chl + Qtz + H2O (Figure III.19). En effet, dans les métapélites composant les unités adjacentes où le glaucophane n’est pas présent, la lawsonite est abondante. En admettant que l’unité du Monte Maggiore et les métapélites adjacentes aient été enfouies à des conditions P-T similaires lors de la subduction, il semble que ces massifs n’ont pas franchi la réaction Lws = Ky + Zo + Qz. Ainsi, l’observation des métagabbros permet de contraindre les conditions du pic de métamorphisme du massif dans un intervalle de 300 à 500°C et 4 à 14 kbar (Figure III.19).

Dans les serpentinites massives du massif du Monte Maggiore, les mailles et les bastites océaniques sont partiellement recristallisées en antigorite (Figure III.16). Nous avons vu précédemment que dans le prisme d’accrétion du Queyras, la transition lizardite vers antigorite est estimée entre ~300 et 400°C (Evans, 2004; Schwartz et al., 2013). Ainsi, l’association de textures à lizardite/chrysotile et d’antigorite dans les serpentinites massives suggère que le pic de métamorphisme du massif du Monte Maggiore est compris dans le champ divariant de la réaction lizardite/chrysotile-antigorite. Cette observation permet de réduire le pic en P-T du massif à un intervalle de 300-400°C et 4-12 kbar (Figure III.19).

Les ophiolites à serpentinites du Cap Corse présentent une déformation hétérogène. A Centuri (Figure III.8), les serpentinites sont massives et préservent les structures mantelliques (litage et chenaux de dunites, Figure III.9a et c). Dans ces roches, la lizardite est totalement recristallisées en antigorite. Ceci suggère que l’ophiolite de Centuri a enregistré des conditions métamorphiques de plus haute température que l’ophiolite du Monte Maggiore (Figure III.19).

Dans la partie Est du Cap Corse, les ophiolites à serpentinites sont déformées. Bien que la déformation accélère la cinétique de la réaction lizardite vers antigorite (Ribiero Da Costa et al., 2008), les roches préservent en grande partie une paragenèse de BP à lizardite et chrysotile. Les textures observables dans les serpentinites massives des ophiolites de la partie Est du Cap Corse sont similaires à celles observées au Monte Maggiore. Ceci suggère que ces ophiolites n’ont pas dépassé le champ divariant de la transition lizardite vers antigorite et ont enregistrées des conditions métamorphiques proches de celles du Monte Maggiore.

Figure III.19 : Chemin P-T du massif du Monte Maggiore. Lors du refroidissement intra-océanique, les gabbros cristallisent du clinopyroxène, du plagioclase, de l’olivine et éventuellement de la hornblende brune par réaction péritectique (Hbl B out). A plus BT, l’amphibole métamorphique croit jusqu’à des températures de 500°C. A partir de ~ 700°C, l’olivine est recristallisée en un assemblage à trémolite et chlorite en contact avec l’orthopyroxène et le plagioclase. Sur le chemin P-T, les conditions en pression et températures de la lithosphère lors de son refroidissement intra-océanique sont fixées arbitrairement. Celles-ci varient entre 5°C / 0.2-0.3 kb au niveau du plancher océanique et ~ 2 kb / ~ 350°C au niveau du Moho. Lors des premiers stades de la subduction, l’amphibole est transformée en glaucophane et le plagioclase est recristallisé en jadéite et zoisite. L’absence de lawsonite et de quartz permet de restreindre les conditions du pic de métamorphisme à un champ s’étalant de 300 à 400°C. Le pic en P-T du massif est compris dans le champ divariant de la transition lizardite vers antigorite. A l’opposé, dans l’ophiolite de Centuri (Ce), la lizardite est totalement recristallisée en antigorite suggérant que cette ophiolite a enregistré des conditions P-T de plus haut degré métamorphique. E et S : champs divariants de la transition lizardite vers antigorite d’après E : Evans et al. (2004) et S : Schwartz et al. (2013). 2, 3 : Nicollet et al. (2001) ; 4, 5 : Schmidt et Poli (1995) ; 1 et 1’, 6 : Nicollet (2010).

Les ophiolites du Cap Corse enregistrent des conditions métamorphiques variées, ce qui suggère un échantillonnage de la plaque plongeante à différentes profondeurs lors de la subduction. Ces massifs sont assemblés lors de leur exhumation dans le prisme d’accrétion. Les ophiolites à serpentinites du Cap Corse sont de petite taille (au maximum kilométrique) et associées à l’unité des Schistes Lustrés des Alpes. Leur histoire géodynamique est rattachable au prisme d’accrétion. L’évolution pétro-géochimique de ces ophiolites seraient donc comparable à celle des serpentinites du Queyras. Au contraire, le massif ultrabasique du Monte Maggiore n’est pas directement en contact avec les métasédiments du prisme d’accrétion. L’étude géochimique de l’enveloppe de serpentinite au Sud du massif montre que ces roches n’ont pas été contaminées et enrichies en FME lors d’interactions sédiments/serpentinites (e.g. Queyras). En effet, cette ophiolite étant peu déformée, très volumineuse (plusieurs km2) et pas en contact direct avec des sédiments, il est peu probable que des interactions sédiments / serpentinites puissent modifier significativement la composition de l’ensemble des serpentinites du massif.