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I. 1.) Les ophiolites dans les Alpes et leur localisation

I.1. b.) Localisation et lithologies des ophiolites alpines

Les ophiolites piémontaises sont composées d’une association de métasédiments, métabasaltes, péridotites plus ou moins serpentinisées et de métagabbros. Les reconstructions lithostratigraphiques réalisées dans les années 70-90 (e.g. Lemoine et al., 1970) montrent que ces ophiolites ne correspondent pas au modèle défini lors de la conférence de Penrose (Anonymes, 1972). En effet, elles sont caractérisées par (1) une faible proportion de basaltes et de laves en coussins reposant stratigraphiquement sur des serpentinites et/ou des métagabbros ; (2) des niveaux discontinus de métagabbros mis en place dans un encaissant péridotitique ; (3) l’absence de complexe filonien (Figure I.3). Ces observations ont permis de proposer que ces ophiolites sont les vestiges d’un océan où la production magmatique était faible et discontinue dans le temps (Lombardo & Pognante, 1982 ; Lagabrielle et al., 1982, 1984 ; Lagabrielle & Cannat, 1990). Dans ce contexte, l’expansion océanique serait

accommodée par la présence d’une faille de détachement permettant l’exhumation en surface des serpentinites et métagabbros (Lombardo & Pognante, 1982 ; Lagabrielle, 1987 ; Lemoine et al., 1987 ; Manatschall et al., 2011).

Figure I.3 : Exemple de Log stratigraphique réalisé dans les ophiolites alpines (Manatschal et al., 2011).

Les ophiolites piémontaises sont affectées par un métamorphisme de HP-HT allant depuis les conditions des faciès Schistes Verts jusqu’à celles du faciès Eclogites. Dans la zone

interne des Alpes Occidentales, celles-ci présentent des lithologies proches, mais en proportions variables.

Les ophiolites des massifs du Montgenèvre, du Queyras et du Monviso affleurent localement le long d’un transect Ouest-Est s’étendant sur une vingtaine de kilomètres depuis la ville de Briançon (France) jusqu’à la plaine du Pô (Figure I.4). Le long de ce transect, les ophiolites sont associées au domaine sédimentaire des Schistes Lustrés. Ces derniers sont des métasédiments de type calcschistes et chloritoschistes fortement déformés et métamorphisés dans les conditions des faciès Schistes Verts à Schistes Bleus. L’ensemble est bordé à l’Ouest par les sédiments du domaine Briançonnais et à l’Est par le massif cristallin interne de Dora Maira (Figure I.4).

Les ophiolites du Montgenèvre, du Queyras et du Monviso ont une composante magmatique relativement importante présentant une signature géochimique de type MORB (e.g. Bertrand et al., 1987) associée à des serpentinites et/ou des métasédiments qui sont abondants dans le Queyras. Le matériel magmatique est constitué de poches de métagabbros hectométriques associées à de rares filons, des laves en coussin, des métabasaltes et des brèches volcaniques (e.g. ophiolite du Montgenèvre). Ces poches de métagabbros ne formaient pas des niveaux continus dans la croûte océanique à l’origine de ces ophiolites, mais des chambres magmatiques de refroidissement temporaires et isolées. Elles sont emballées dans un manteau totalement serpentinisé et/ou des métasédiments dans le Queyras. Ces ophiolites représentent un échantillonnage des premiers kilomètres de la lithosphère océanique (Schwartz et al., 2001 ; Chalot-Prat, 2005 ; Angiboust et al., 2012).

Les serpentinites et les métagabbros du transect Montgenèvre-Queyras-Monviso enregistrent des conditions métamorphiques variant depuis le faciès Schistes Verts à l’Ouest jusqu’au faciès Eclogites à l’Est (Figure I.4). L’ophiolite du Montgenèvre, à l’extrême Ouest, repose sur l’unité métamorphique de Lago Nero à la faveur d’un chevauchement (Caby, 1995 ; Figure I.4). Cette ophiolite enregistre des conditions métamorphiques de Basse Pression (BP) variant depuis les conditions du faciès Granulites à Schistes Verts (Mével, 1978). Elle est considérée comme un vestige de l’océan Ligure obducté et non affecté par le métamorphisme alpin (e.g. Chalot-Prat, 2005). Plus à l’Est, les ophiolites du Queyras sont emballées dans les unités des Schistes Lustrés (Figure I.4). Elles présentent une évolution progressive des conditions métamorphiques dans le faciès Schistes Bleus en allant vers l’Est (Schwartz, 2001). A l’extrême Est, l’ophiolite du Monviso est accolée au massif de Dora Maira (Figure I.4). Elle enregistre des conditions métamorphiques du faciès Eclogites (e.g. Schwartz et al., 2001 ; Angiboust et al., 2012).

Figure I.5 : Carte géologique présentant les principales unités affleurant à la pointe du Cap Corse (d’après Lahondère et al., 1992).

Les ophiolites du Monte Maggiore (Cap Corse) et du massif du Lanzo (Alpes Occidentales, au nord de Turin) se distinguent des précédentes par une très faible composante magmatique limitée à quelques poches de métagabbros métriques, filons et rarement une séquence volcanique et sédimentaire.

La pointe du Cap Corse est composée de différentes unités ophiolitiques de taille hectométrique à kilométrique associées à des métabasaltes océaniques fortement déformés (Prasinites). Ces unités océaniques reposent sur un socle continental gneissique et sont bordées au Sud et à l’Est par l’unité des Schistes lustrés (Figure I.5). La plupart des massifs ophiolitiques affleurant à la pointe du Cap Corse sont composés de serpentinites plus ou moins déformées. Le massif du Monte Maggiore est une unité ultramafique de ~4 km2 se situant à la pointe Ouest du Cap Corse (Figure I.5). Il se distingue des autres unités ophiolitiques du Cap Corse par une forte composante de péridotites à spinelle et plagioclase relativement fraîches au Nord. Celle-ci est au contact avec une lamelle de serpentinites au Sud du massif. Quelques filons et poches de métagabbros recoupent les péridotites. Ces derniers ont des compositions de type MORB (Piccardo & Guarnieri, 2010). L’ensemble des lithologies composant le massif est affecté par un métamorphisme du faciès Schistes Bleus acquis durant la subduction alpine (Ohnenstetter, 1982).

Figure I.6 : Carte géologique du massif du Lanzo et de son environnement (d’après Boudier, 1978)

Le massif du Lanzo est un corps ultramafique de 150 km2 situé à 30 km au Nord-Ouest de Turin (Figure I.6). Il est bordé par les sédiments de la plaine du Pô à l’Est et au Sud, par l’unité des Schistes Lustrés à l’Ouest et le massif interne de Sesia au Nord (Figure I.6). Le massif est composé de péridotites à spinelle et plagioclase peu serpentinisées et est entouré d’une enveloppe de serpentinites foliées d’environ 3 à 5 km d’épaisseur. Quelques filons et poches de métagabbros ayant des compositions de type MORB (Bodinier, 1988) affleurent localement. Ces formations magmatiques sont métamorphisées dans les conditions du faciès Eclogite (Pelletier & Müntener, 2006).

Les péridotites mantelliques composant les ophiolites du Monte Maggiore et du Lanzo sont constituées de clinopyroxène, orthopyroxène, olivine et spinelle et/ou plagioclase. Dans ces roches, le plagioclase et le clinopyroxène sont interprétés localement comme issu de l’imprégnation d’une harzburgite à spinelle par un magma de type MORB dans le domaine de la péridotite à plagioclase (Müntener et al., 2004 ; Piccardo et al., 2007a ; Piccardo & Guarnieri, 2010). Ce processus a pour effet d’enrichir de manière significative la péridotite en éléments en trace (Müntener et al., 2010).

L’imprégnation de la péridotite s’effectuerait majoritairement lors de l’amincissement crustal de la croûte continentale et de la naissance de l’océan Ligure avant la mise en place d’un système efficace d’extraction des magmas. En effet, la découverte de manteau d’origine sous continentale (e.g. Hermann & Müntener, 1996) et de séquences sédimentaires continentales reposant sur ce manteau (Manatschal et al., 2001, 2006) ont permis de proposer que certaines ophiolites alpines enregistreraient un stade précoce de la naissance de l’océan Ligure qualifié de transition océan-continent (TOC ou OCT : ocean-continent transition). A l’heure actuelle la proportion d’ophiolites alpines dérivant de TOC ou d’ancienne ride océanique est encore assujettie à débat (Bernoulli et al., 2003 ; Manatschal & Müntener, 2009 ; Lagabrielle, 2009 ; Müntener et al., 2010). Ainsi, il est proposer que les ophiolites du Monte Maggiore et du massif du Lanzo soient de type TOC (Piccardo et al., 2007a, b ; Piccardo & Guarnieri, 2010). En effet, dans ces deux ophiolites, les péridotites ont un taux d’imprégnation important alors que la production magmatique est limitée. A l’opposé, les ophiolites du Montgenèvre, du Queyras et du Monviso pourraient correspondre à un océan plus mature où la production magmatique est conséquente (Lagabrielle, 2009 ; Müntener et al., 2010 ; Manatschal et al., 2011). Dans ces massifs, il n’existe pas d’évidences pétrologiques témoignant de la cristallisation du plagioclase par imprégnation.

Ainsi, les ophiolites piémontaises représentent un échantillonnage d’un océan au sein duquel la production magmatique est discontinue dans l’espace et dans le temps (Figure I.7). Celle-ci n’est pas systématiquement associée à une séquence volcanique superficielle (métabasaltes, pillow-lavas et brèches volcaniques). A l’inverse, la composante mantellique est toujours représentée dans ces ophiolites sous forme de péridotites peu serpentinisées et/ou de serpentinites (Figure I.7). Cet aspect particulier de la lithosphère océanique a permis de proposer que les ophiolites piémontaises correspondraient à des lambeaux d’un océan à expansion lente (ou ultra-lente) similaire à l’Océan Atlantique ou Sud-Ouest Indien où les

serpentinites sont un des constituants majeurs des premiers kilomètres de la lithosphère (e.g. Cannales et al., 2000 ; Minshull, 2009).

Figure I.7 : Reconstruction schématique des années 90 des parties superficielles de l’océan Ligure. Les formations magmatiques sont isolées et séparées par un manteau serpentinisé (Lagabrielle & Cannat, 1990).

I.1.c.) Contextes géodynamiques d’exhumation des ophiolites alpines