• Aucun résultat trouvé

II. 2.) L’ophiolite du Montgenèvre

II.2. a.) Pétrologie des formations magmatiques

L’ophiolite du Montgenèvre est composée de différentes lithologies magmatiques : des poches hectométriques de métagabbros, des amphibolites, des filons doléritiques, des basaltes et des plagiogranites. Ces roches magmatiques présentent des assemblages métamorphiques à hornblende brune et verte, ilménite, sphène, actinote et chlorite formés dans les conditions des faciès Granulites à Schistes Verts. Les températures de formation des hornblendes ont été estimées à partir du thermomètre d’Otten (1984) et Ernst & Liu (1998). Ce dernier est basé sur la teneur en titane dans le site M2 des amphiboles. L’utilisation de ce thermomètre nécessite que le titane soit en excès ; on considère que cette condition est remplie lorsque le titane est intégré aux oxydes (ilménite, rutile …) ou sphènes dans la roche.

Les résultats sur les métagabbros, présentés dans ce paragraphe sont une synthèse des travaux de Nicollet (2010) et des TER/DEA de Vergez (2008), Monnot (2010) et Colombier (2012).

Les (méta)gabbros

La déformation des gabbros est hétérogène. Certaines poches de gabbros sont massives avec une texture ophitique à grand cristaux de clinopyroxène et une matrice blanche correspondant au site du plagioclase, alors que d’autres présentent une foliation, témoin d’une déformation ductile à haute température, caractérisée par l’alternance de lits mélanocrates à porphyroclastes de clinopyroxène et de lits leucocrates à plagioclase (Figure II.11a). Lorsqu’il est préservé, le clinopyroxène a une composition de diopside ; il est traversé par des vermicules micrométriques d’hornblende brune ayant des teneurs en TiO2 variant de 1.81 à 1.40 wt% ce qui, selon le thermomètre d’Ernst et Liu (1998), correspond à des températures de formation de l’ordre de 810-750°C. Les porphyroclastes de diopside présentent des ombres de pression constituées d’agrégats granoblastiques à clinopyroxène, de même composition que le porphyroclaste, et de l’hornblende brune, le plus souvent interstitielle (Figure II.11b), dont les teneurs en TiO2 varient de 2.31-1.01 wt%. La gamme de température de cristallisation de ces amphiboles est estimée entre 870 et 680°C. Localement, des cristaux millimétriques d’hornblende brune sont présents dans les ombres de pression (Figure II.11b). Ceux-ci ont des teneurs en TiO2 variant de 2.15 à 1.21 wt% et des températures de formation de 850-715°C. Cette hornblende brune passe progressivement à de la hornblende verte (TiO2

< 1 wt% ; T° < 660°C), puis à de l’actinote et chlorite en allant vers la bordure (Figure II.11b). La recristallisation successive des porphyroclastes de diopside en granoblastes d’hornblende brune, puis en hornblende verte et enfin en actinote et chlorite en allant vers la bordure des ombres de pression (Figure II.11b) matérialise le refroidissement et l’hydratation

de la roche depuis des températures tardi-magmatiques à celles des faciès Amphibolites puis Schistes Verts.

Dans ces roches, le site du plagioclase est recristallisé en un agrégat de microcristaux d’albite, actinote, chlorite et épidote. Cette paragenèse est typique du faciès Schistes Verts.

Les amphibolites

Localement des enclaves d’amphibolite sont observables dans les poches de métagabbros (Figure II.11c). Celles-ci ont une foliation marquée par des lits mélanocrates à porphyroclastes millimétriques d’amphibole et des lits leucocrates à plagioclase. Les porphyroclastes d’hornblende brune ont des teneurs en TiO2 variant de 3.10 à 1.91 wt% et une température de formation s’étalant de 820-950°C. Ces cristaux présentent une couronne composée de cristaux de ~ 100µm d’hornblende verte, ayant des teneurs en Ti plus faible (TiO2 = 1.07-0.46 wt%; T° = 690-580°C), et de chlorite. Comme précédemment cette succession de minéraux métamorphiques en allant du cœur vers la bordure du site du pyroxène ou de l’amphibole correspond à l’hydratation de la roche au cours de son refroidissement, depuis des conditions tardi-magmatiques jusqu’à celles des faciès Amphibolites à Schistes Verts.

Le site du plagioclase est composé de cristaux d’albite ou d’oligoclase et épidote dont la taille varie de la centaine de microns à plusieurs millimètres.

Les filons doléritiques

Les poches de métagabbros sont recoupées par des filons de gabbros doléritiques et de basaltes de taille décimétrique à métrique (Figure II.11c). Les filons de gabbros doléritiques sont composés d’un assemblage de cristaux micrométriques d’albite, de hornblende brune et verte et de chlorite. Les filons de basaltes présentent une texture microlitique. Le clinopyroxène est peu présent en lame mince, le principal minéral ferromagnésien observé est

la hornblende brune. Cette dernière a des teneurs en TiO2 variant de 2.69 à 2.16 wt%, ce qui correspond à des températures de cristallisation tardi-magmatiques variant de 915 à 850°C.

Figure II.11 : (a) Métagabbro folié présentant des porphyroclastes de clinopyroxène avec une couronne noire d’amphibole et une matrice blanche (site du plagioclase). (b) Photo en LPNA montrant les différents stades de recristallisation du métagabbro. Le porphyroclaste de clinopyroxène est entouré d’une couronne de clinopyroxènes granoblastiques avec de la hornblende brune interstitielle. Le bord de la couronne est composé de cristaux de hornblende brune progressivement transformé en hornblende verte puis en un assemblage à actinote, chlorite et épidote en allant vers la bordure. Le site du plagioclase est composé d’un assemblage finement recristallisé à épidote et albite. (c) Métagabbro contenant des enclaves d’amphibolite et recoupé par un filon de dolérite.

Le refroidissement intra-océanique de la lithosphère à travers

les métagabbros.

Les métagabbros ont des compositions de type MORB attestant de leur mise en place en contexte intra-océanique (Bertrand et al., 1987), il y a ~ 160 Ma (Li et al., 2013). L’absence de bordure figée dans les métagabbros et d’auréole de contact dans les serpentinites encaissantes suggère que les gabbros se sont mis en place avant la serpentinisation de la péridotite.

La succession des évènements magmatiques est complexe au Montgenèvre. Sur la Figure II.11c, il est possible d’identifier au moins trois épisodes magmatiques distincts. (1) Des enclaves d’amphibolite correspondent à un premier épisode magmatique. Celles-ci sont affectées par une déformation précoce à HT marquée par l’apparition d’une foliation et la recristallisation de porphyroclastes de hornblende brune en granoblastes. (2) Ces amphibolites sont ensuite incorporées dans une poche de métagabbro. (3) L’ensemble de ces formations est ensuite recoupé par des filons doléritiques tardifs. Ceci atteste de l’origine océanique de la déformation affectant les métagabbros.

Après leur mise en place, les roches magmatiques enregistrent de manière continue un métamorphisme de HT-BP à BT-BP matérialisé par la recristallisation successive des clinopyroxènes magmatiques en hornblende brune, puis verte et enfin en un assemblage à actinote et chlorite (Figure II.11b). Ce métamorphisme correspond au refroidissement progressif et à l’hydratation de la lithosphère en contexte intra-océanique.