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D ES STRATÉGIES SIMILAIRES , MAIS DES POLITIQUES DIFFÉRENCIÉES DU FAIT DE CONTEXTES NATIONAUX DIFFÉRENTS

Choix organisationnels et gestion de l’emploi : politiques des entreprises face aux pressions

D ES STRATÉGIES SIMILAIRES , MAIS DES POLITIQUES DIFFÉRENCIÉES DU FAIT DE CONTEXTES NATIONAUX DIFFÉRENTS

Partout, les entreprises du secteur des IAA ont essayé de répondre aux pressions accrues en jouant sur trois leviers : la réduction du coût salarial, l’accroissement de la flexibilité et l’accroissement de la productivité via princi- palement l’automatisation. Cependant, les politiques mises en œuvre peuvent différer de façon importante d’un pays à l’autre, notamment du fait des diffé- rences d’opportunités et de contraintes découlant des contextes nationaux – en particulier de la régulation du marché du travail (voir chapitre 1).

Les stratégies de réduction du coût du travail sont diverses. Dans certains cas, les entreprises ont délocalisé une partie de leur production en profitant de la proximité de pays où la main-d’œuvre est moins coûteuse. C’est particulièrement le cas des entreprises danoises qui ont délocalisé une partie de leur activité en Allemagne, où elles peuvent employer des salariés temporaires d’Europe de l’Est moins chers, mais aussi des entreprises allemandes, qui, elles, ont délocalisé dans les pays de l’Europe de l’Est nouvellement entrés dans l’Union européenne. Dans d’autres cas, la possi- bilité d’embaucher une main-d’œuvre moins coûteuse temporaire ou sous statut spécial – notamment d’origine étrangère – a favorisé le remplacement partiel des permanents. C’est notamment le cas au Royaume-Uni où, du

fait du statut très peu protecteur du travail intérimaire (absence de contrat de travail, de congés payés, de couverture maladie, de retraite et de primes…), les entreprises ont recouru de façon croissante à ce type de travailleurs, que les agences d’intérim recrutent massivement dans les pays de l’Europe de l’Est, profitant d’une législation très souple en matière d’immigration. De façon similaire, aux Pays-Bas et en Allemagne, on assiste aussi à une tendance au remplacement des salariés permanents peu qualifiés des industries charcutières par des travailleurs temporaires étrangers, pour lesquels le coût du travail est plus faible. En Allemagne, l’absence de salaire minimum légal et d’extension légale des accords collectifs permet aussi aux entreprises de recourir aux salariés étrangers en contrats de détachement (c’est-à-dire à des travailleurs qui sont officiellement salariés d’entreprises prestataires de service étrangères) en les rémunérant à un taux très inférieur à celui fixé par les conventions collectives – pouvant atteindre 5 euros de l’heure, voire moins.

Au-delà du recours à la main-d’œuvre étrangère, on observe partout les mêmes pressions sur les avantages et sur les salaires des permanents. Dans les négociations collectives, les organisations patronales des Pays-Bas ont exercé des pressions visant à réduire la portée des primes et avantages (vacances supplémentaires, compensation pour le travail en 3 x 8, treizième mois) voire à les supprimer (les nouveaux entrants n’y ont pas droit). En Allemagne, les pressions se sont traduites en termes de gel des salaires (l’absence de salaire minimum légal conduisant d’ailleurs à une très grande variation des salaires d’une entreprise à l’autre), d’allongement de la durée du travail sans compensation, de disparition des primes et des compensa- tions pour heures supplémentaires… Dans la plupart des pays, on observe aussi une dégradation générale des conditions d’emploi qui est la consé- quence de cette recherche générale de réduction du coût du travail et qui se fait souvent au profit d’une individualisation plus grande de la relation salariale (augmentation des salaires sur des critères de performance indivi- duelle, par exemple).

La recherche d’une plus grande flexibilité – second levier d’action – est un domaine dans lequel les institutions nationales du marché du travail induisent aussi de nettes différences dans les politiques déployées par les entreprises. Ici, se combinent plusieurs facteurs, dont certains ont déjà été évoqués : l’existence, ou non, d’un salaire minimum légal ; la possibilité de recours à des salariés étrangers ; la législation en matière de durée du travail ; la régulation, ou l’absence de régulation, du travail temporaire… Ces éléments créent des équilibres différents entre plusieurs types de flexibilité (flexibilité quantitative – externe ou interne – et flexibilité fonctionnelle)1.

Dans les pays où le travail temporaire est moins coûteux, peu régulé et offre un accès facile à une abondante main-d’œuvre étrangère, la flexibilité externe joue un rôle important. On observe cette situation dans les deux branches au Royaume-Uni et, dans une moindre mesure, dans les indus- tries charcutières en Allemagne (recours à des salariés polonais détachés, employés aux conditions du pays d’origine) et aux Pays-Bas. La flexibilité interne a été recherchée partout. Les leviers principaux en sont la durée et l’organisation du travail, avec le passage au travail posté en 2 et 3 x 8 un peu partout, les heures supplémentaires, le travail du week-end, la rotation sur les postes et la polyvalence. Mais de grandes différences peuvent aussi exister sur ce plan entre pays. Ainsi, dans la mesure où les salariés peuvent faire un nombre élevé d’heures de travail, c’est la flexibilité interne numérique

1. Rappelons que la flexibilité quantitative externe renvoie à l’ajustement de la quantité de travail à l’activité de l’entreprise par la modulation des effectifs (embauches et licenciements, recours au travail temporaire), tandis que la flexibilité quantitative interne désigne la modulation des horaires en fonction de l’activité (notamment par le recours aux heures supplémentaires). La flexibilité fonctionnelle (ou « qualitative interne ») renvoie pour sa part à l’ajustement à l’activité via une organisation du travail plus souple et plus réactive, grâce à la polyvalence et à la rotation des postes.

(et essentiellement le recours aux heures supplémentaires) qui caractérise massivement les entreprises britanniques. Le temps de travail y est princi- palement régi par la directive européenne de 1993 qui prévoit un maximum de 48 heures hebdomadaires en moyenne sur quatre mois mais donne aussi aux salariés la possibilité d’utiliser la procédure de l’« opt-out » par laquelle ils peuvent donner leur accord pour dépasser cette limite. La flexi- bilité interne repose ici en grande partie sur le nombre élevé d’heures de travail que peuvent faire les salariés (jusqu’à 80 heures par semaine dans cer taines entreprises de notre enquête) [8] qui voient par là un moyen d’augmenter leur revenu. À l’inverse, certaines entreprises allemandes qui développent des stratégies de qualité et un haut niveau d’investissement mettent l’accent sur la flexibilité interne plutôt qu’externe, fonctionnelle plutôt que numérique, fondée sur le lissage de l’activité sur l’année et la polycompétence des salariés encouragée par des formations et des primes. Au Danemark, où les entreprises peuvent pourtant embaucher et débaucher facilement, elles préfèrent souvent jouer cette même carte de la flexibilité interne fonctionnelle.

Cette dernière stratégie est souvent corrélée à une intensité capitalistique plus forte et à un degré d’automatisation plus élevé que la moyenne. De fait, l’automatisation a aussi contribué partout à la réduction des coûts, en minorant le besoin en main-d’œuvre temporaire (notamment dans la chocolaterie-confiserie dans laquelle de nombreuses entreprises ont une activité saisonnière) et/ou en permettant d’augmenter la productivité. Des limites existent cependant en fonction des processus de production ou des tâches, comme le désossage dans les industries charcutières. En comparaison internationale, il est difficile d’avoir des indicateurs globaux du degré d’automatisation, mais il semble ressortir de nos observations que celui-ci est particulièrement élevé au Danemark.

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ÉPONSES DES ENTREPRISES FRANÇAISES

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