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DES PRESSIONS CONCURRENTIELLES

Pressions concurrentielles, tensions et stratégies commerciales

DES PRESSIONS CONCURRENTIELLES

La rentabilité des industries charcutières et de la chocolaterie-confiserie est très sensible aux mutations et aux fluctuations de la consommation. La consommation de produits à base de viande (de porc) au domicile a décliné durant la dernière décennie, bien qu’il y ait eu un léger redressement dans les années récentes, principalement dû à l’augmentation rapide des ventes de produits de self-service dans les supermarchés. Ces produits ont connu un fort développement et représentent maintenant près de 60 % des ventes. De telles évolutions sont liées aux changements des habitudes des consommateurs en faveur des aliments tout préparés et des produits prêts à consommer. En ce qui concerne la chocolaterie-confiserie, et en dépit des récentes augmentations de la consommation, les producteurs sont assez pessimistes sur l’évolution de la demande dans les prochaines années, en raison, entre autres, des préoccupations touchant à l’obésité.

Les exigences en termes d’hygiène et de contrôle de la qualité ont considérablement augmenté. Cela est lié d’une part au fait que les consom- mateurs sont de plus en plus soucieux de leur santé, et d’autre part à des régulations introduites au niveau européen (comme, par exemple, celle qui a instauré la traçabilité obligatoire des produits en 2005). Les producteurs agroalimentaires ont donc été obligés d’introduire de nombreuses procé- dures de contrôle de la qualité et, quelquefois, de réorganiser leur production

pour se conformer aux nouvelles exigences d’hygiène (comme, par exemple, la séparation du cru et du cuit dans les établissements qui travaillent la viande). Jusqu’à présent, l’ouverture du secteur des industries charcutières à l’international a été assez limitée en France. De fortes inquiétudes appa- raissent cependant à propos de la concurrence potentielle que pourraient exercer les pays de l’Europe de l’Est dans les années à venir. Dans la choco- laterie-confiserie, les entreprises qui fabriquent des produits de niche ou des spécialités régionales sont, pour le moment, relativement protégées de la concurrence étrangère. En revanche, les multinationales, qui jouent un rôle majeur dans ce secteur, ont tendance à réorganiser leur production depuis le début des années 2000, au moins au niveau européen. Ces restructurations ont un impact direct sur la fermeture d’établissements en France. Plus généralement, elles font peser des pressions considérables sur les coûts et la productivité du travail.

La plus importante source de pression est cependant venue des gran- des chaînes de distribution. Elles sont maintenant les principaux clients de la plupart des producteurs industriels : en 2005, près de 70 % des ventes réalisées par l’ensemble des IAA l’ont été dans les grandes surfaces. Le très haut niveau de concentration de la grande distribution permet à cet opéra- teur d’exercer de fortes pressions à la baisse sur les prix de ses fournisseurs, beaucoup moins puissants que lui [4]. Cette pression a pu, notamment, prendre la forme de contrats de « coopération commerciale » où, en échange de présumés services de merchandising offerts par les distributeurs, les fournisseurs leur reversent en retour une partie de leurs marges (les fameuses « marges arrières »). Les pressions exercées par les grands distri- buteurs ont aussi conduit à des changements organisationnels, liés aux exigences de « juste à temps » (ou encore, des flux tendus) et au report des fluctuations de la demande sur les fournisseurs (les distributeurs cherchant à réduire leurs stocks au minimum). De telles fluctuations, qui peuvent aussi résulter des campagnes de promotion commerciale, viennent

se surajouter au caractère saisonnier de certaines activités et de certains produits (du fait de la saisonnalité des approvisionnements et de la consom- mation). Les pressions des distributeurs sont maximales pour les produits dits de « premier prix » et pour ceux qui sont vendus sous la propre marque des distributeurs (MDD, marques de distributeurs)1. Au début des années 2000, certaines chaînes ont introduit des enchères sur Internet pour des produits de premier prix. En ce qui concerne les produits vendus sous leur marque, les distributeurs contrôlent de très près le processus de fabrication et imposent des normes spécifiques à leurs fournisseurs. En général, les grands distributeurs cherchent à faire monter la part des MDD dans leurs ventes, et les fabricants se plaignent que les distributeurs accaparent ainsi les gains de productivité qu’ils réalisent.

Au total, la montée des grands distributeurs a des répercussions directes sur l’ensemble des contraintes qui affectent les entreprises, en les renforçant : réduction des coûts, accroissement de la qualité, plus grandes réactivité et adaptabilité à la demande (en termes de quantité et de qualité). La grande distribution amplifie les changements dans les habitudes des consommateurs et durcit les exigences en matière d’hygiène et de sécurité alimentaires.

Dans les autres pays étudiés, les mêmes grandes sources de pression ont pu être ressenties de façons distinctes selon les branches et les entre- prises étudiées. Ces variations tiennent en partie à des différences de structuration des secteurs (structure économique et organisationnelle) et de localisation. Au Danemark, par exemple, les IAA sont très concentrées et il existe de très grosses coopératives. Une très grande entreprise domine

1. Les produits de premier prix sont les produits présentant la plus faible qualité et sont en général vendus sans marque ; les produits vendus sous MDD sont plutôt de qualité moyenne bien qu’une stratégie croissante des grands distributeurs consiste à élargir la gamme des produits vendus sous leur marque (des premiers prix jusqu’aux produits de qualité) [2].

les industries charcutières. Les principales firmes ont pour la plupart une grosse activité d’exportation et, de ce fait, elles sont directement confron- tées à une très forte concurrence sur les marchés extérieurs. En raison de la proximité géographique, il y a eu des délocalisations vers l’Allemagne. Les entreprises peuvent y employer des travailleurs de l’Europe de l’Est moins coûteux, alors que le recours aux travailleurs étrangers est restreint dans leur propre pays. Les Pays-Bas se caractérisent aussi par une forte ouver ture (55 % de la production du secteur est exportée). La pression de la grande distribution y est très importante (elle écoule 90 % des produits carnés). Cette pression se retrouve également en Allemagne, accrue par la forte implantation des hard discount (ainsi, près de 40 % des saucisses et des produits carnés préemballés sont vendus par ce type de distributeur). La proximité géographique des pays de l’Europe de l’Est a aussi favorisé les délocalisations de certaines parties de la production vers ces pays. Beaucoup d’entreprises ont été rachetées par des groupes étrangers, notamment danois, qui cherchent à prendre des parts sur le marché national. Au Royaume-Uni, on observe des situations différenciées dans les deux branches étudiées : les industries charcutières sont très fortement soumises au pouvoir de la grande distribution, ce qui a conduit à de nombreuses fusions et à une concentration dans cette branche, alors que les entreprises de la chocolaterie-confiserie le sont relativement moins, du fait de l’existence d’une plus grande multiplicité des lieux de vente.

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