• Aucun résultat trouvé

D ES STRATÉGIES COMMERCIALES DIFFÉRENCIÉES

Pressions concurrentielles, tensions et stratégies commerciales

D ES STRATÉGIES COMMERCIALES DIFFÉRENCIÉES

Les grandes tendances à l’œuvre

Les stratégies commerciales développées pour faire face aux pressions concurrentielles varient entre les deux branches étudiées et selon les segments du marché. Cependant, dans la mesure où le segment de la production de faible qualité et de gros volume est sujet à une très forte concurrence par les prix, la possession par une entreprise de sa propre

marque est un élément clé dans la résistance à la pression des grands distri- buteurs. Malgré cela, il faut souligner le fait qu’aujourd’hui, pratiquement aucun producteur ne peut se permettre de ne pas travailler avec les grands distributeurs. La plupart des entreprises, et même les multinationales les plus importantes, doivent vendre au moins quelques produits sous MDD et, à l’occasion, se trouver en concurrence directe avec leurs propres marques.

Les entreprises peuvent cependant tenter de desserrer en partie la contrainte en augmentant la qualité des produits fabriqués. Cette orientation est au cœur des stratégies commerciales de tous les producteurs indépen- dants. Elle se réalise à travers une intégration verticale des processus de production, qui permet un meilleur contrôle de la qualité des intrants, et/ ou via l’établissement de relations de long terme avec les fournisseurs de matières premières (les éleveurs de porc par exemple). Les contrôles de la qualité sont aussi un élément clé de cette stratégie. Toutes les entreprises qui ont fait l’objet de notre enquête les ont introduits ; elles ont créé une fonction qualité et recruté du personnel qualifié dans le domaine.

Les entreprises cherchent aussi à accroître la valeur ajoutée de leurs produits. C’est le cas pour toutes celles de notre enquête, sauf une. Afin d’assurer la reconnaissance de la qualité, certains fabricants de produits à haute valeur ajoutée s’appuient sur des labels géographiques, notamment européens (comme les inscriptions géographiques de provenance ou IGP), qui les protègent de la concurrence des produits fabriqués hors de la zone d’appellation. Ces appellations imposent cependant le respect de critères très stricts et peuvent accroître la dépendance des fabricants vis-à-vis des producteurs locaux de matières premières.

La diversification des produits et des canaux de distribution constitue enfin une autre source importante d’accroissement de l’autonomie. Le rachat d’entreprises concurrentes est une façon de diversifier les marques, les produits, les créneaux de marché et d’augmenter les volumes. Cette

stratégie de croissance externe a été privilégiée par les petites entreprises indépendantes de notre échantillon qui fabriquent des produits régionaux. Une stratégie plus commune est de remonter l’échelle dans la chaîne de valeur : dans l’industrie charcutière, par exemple, les abattoirs (le premier stade de la chaîne) développent de façon croissante des activités de trans- formation (deuxième stade), tandis que les transformateurs fabriquent des produits plus élaborés et des plats préparés (troisième stade).

Position dans la chaîne de valeur et stratégies commerciales

Globalement, il est possible de distinguer quatre catégories de producteurs sur le marché. Cette classification peut être reliée aux cas étudiés dans notre échantillon (tableau 14).

Le premier groupe est composé des entreprises produisant sous leurs propres marques. Elles sont en général plutôt de grande taille. Comme souligné plus haut, leur stratégie commerciale implique un repositionnement, une relocalisation de la production au niveau international et/ou l’externali- sation de certaines fonctions. C’est particulièrement vrai dans la chocolaterie- confiserie où plusieurs multinationales ont quasiment arrêté leur production directe pour se concentrer sur le management de leur marque, leurs unités de production étant transformées en entités sous-traitantes. Malheureuse- ment, aucune des entreprises de ce type que nous avons contactées n’a accepté de participer à notre recherche, ce qui explique l’absence de ce premier groupe dans notre échantillon1.

Le deuxième groupe d’entreprises est spécialisé dans les gros volumes et la production de masse de qualité standard. De telles entreprises cherchent

1. Des restructurations permanentes peuvent expliquer pourquoi nous n’avons eu accès à aucune entreprise multinationale de la chocolaterie-confiserie (cet argument a d’ailleurs été explicitement mentionné par nos interlocuteurs de chez Nestlé pour justifier leur refus de nous recevoir).

souvent à travailler en sous-traitance pour de grands groupes afin d’échapper à la dépendance totale vis-à-vis des grands distributeurs. Leur stratégie implique aussi des restructurations industrielles et une concentration croissante (par exemple Chocind dans notre échantillon), qui peut quelque- fois leur permettre d’acheter des marques existantes (cas de Hambac).

Un troisième groupe est composé de PME qui possèdent leur propre marque, mais qui suivent une stratégie mixte, fondée sur la diversification

Tableau 14 – Les entreprises de notre enquête.

Canpat Hambac Miltiprod Regsaus

INDUSTRIES CHARCUTIÈRES Indépendante, capitaux à majorité familiale, 190 salariés permanents Produits de moyenne et haute qualité (principalement pâté en conserve et saucisses) ; vendus sous sa propre marque et sous MDD Marché du travail rural

Entreprise rachetée par un groupe nord- américain, 560 salariés permanents

Production de masse de produits vendus sous MDD et de premier prix (principalement jambon et lardons)

Marché du travail rural mais dans une zone dans laquelle sont situées d’autres entreprises IAA

Indépendante, capitaux à majorité familiale, deux établissements (80 et 520 salariés permanents) Produits de qualité moyenne et haute (jambon, pâté, plats cuisinés) vendus sous marque propre et MDD

Marché du travail urbain dans une région rurale

Indépendante, 90 salariés permanents

Produits de haute qualité (saucisses régionales avec label) vendus sous marques propres et sous MDD Marché du travail rural

Chochris Chocind Regsweet

CHOCLA

TERIE-CONFISERIE

Entreprise appartenant à un groupe français, 250 salariés permanents Produits de moyenne et haute qualité (chocolats de Noël et de Pâques) vendus sous marque propre et sous MDD

Marché du travail urbain dans une zone en crise

Entreprise appartenant à un groupe français, 120 salariés permanents

Production de masse de chocolat industriel, sans marque

Marché du travail urbain

Entreprise indépendante, capitaux à majorité familiale, 62 salariés permanents

Confiseries régionales de haute qualité vendues sous marques propres et sous MDD

Marché du travail urbain

Les noms des entreprises ont été modifiés ; MDD = produits de qualité moyenne vendus sous marque de distributeur ; premier prix = produits de faible qualité vendus sans marque chez les grands distributeurs.

des produits et des canaux de distribution (cas de Chochris et Multiprod et, dans une certaine mesure, de Canpat). Cette stratégie repose à la fois sur la réalisation d’économies d’échelle, en produisant pour la grande distri- bution (des produits vendus sous MDD et des produits vendus sous leurs propres marques) et d’économies de gamme, en produisant des produits de plus haute valeur ajoutée en plus petites séries, sous leur propre nom et quelquefois distribués à travers d’autres canaux (cas de Multiprod qui distribue aussi ses produits chez des bouchers artisanaux et des traiteurs et qui essaie de mettre en place son propre réseau de magasins).

Enfin, le dernier groupe est composé de petites entreprises qui fabriquent des produits de niche. Deux entreprises de notre échantillon fabriquent des produits géographiquement protégés (Regsweet pour les confiseries à base d’amande et Regsaus pour des saucisses régionales). En général, ces produc- teurs n’intéressent pas les grands groupes. Les situations des entreprises de cette catégorie sont très hétérogènes : certaines connaissent un grand succès ; d’autres ont très peu investi et, de ce fait, leurs techniques de production sont désuètes. Quand c’est le cas, le risque est grand que l’entre- prise ferme au moment où le propriétaire prend sa retraite s’il n’a pas organisé convenablement sa propre succession.

Choix organisationnels et gestion de l’emploi :

Documents relatifs