2. Méthodologie
2.2. Stratégie de modélisation
Afin de mettre en évidence l’importance des différents phénomènes prenant place en air intérieur, un modèle détaillé, incluant l’ensemble des processus a été développé dans le cadre du projet : le modèle INCA-Indoor.
Il a été construit sur la base d’une version 0D du modèle INCA développé par Hauglustaine et al. [50] dédié à l’étude de la chimie atmosphérique. Il a été modifié pour répondre aux besoins spécifiques de l’air intérieur.
L’originalité de ce travail, en plus du niveau de détail jamais atteint auparavant (modélisation simultanée et dynamique des transferts de composés gazeux et de particules dans une pièce, avec représentation de leur couplage par la formation d’AOS), est que ce modèle a été construit de manière à pouvoir comparer les données de sortie à des mesures de terrain. Le modèle INCA-Indoor développé dans le cadre du projet MERMAID considère l’ensemble des processus pouvant prendre place en air intérieur. Au-delà des processus physicochimiques pris en compte dans les précédents travaux de modélisation de la QAI (Tableau 5), certains paramètres ont été ajoutés afin d’affiner la représentation de la dynamique de la qualité de l’air intérieur (Figure 5). Les phénomènes d’interaction avec les surfaces ont, jusqu’à maintenant, le plus souvent été traités comme des processus irréversibles via l’émission ou le dépôt d’une espèce par les parois.
INCA-Indoor tient compte de phénomènes réversibles via l’implémentation de coefficients de sorption mesurés dans le projet MERMAID grâce à la méthode mise au point dans le cadre de la thèse de Malak Rizk [29]. De plus, puisque l’on sait que l’interaction entre les polluants de l’air intérieur et les parois dépend du type de surface, celles-ci sont traitées indépendamment. Un effort particulier est apporté au
19 développement d’un modèle d’aérosol représentant la distribution granulométrique des aérosols, leur composition chimique ainsi que les phénomènes physiques de formation, évolution granulométrique et pertes en air intérieur.
Figure 5 : représentation schématique du modèle INCA-Indoor
Air exchange
Surface emission
deposition
sorption Heterogeneous
reactions
Gas phase chemistry
photochemistry Physical module
° Air exchange with outdoor
° Emission database
° Deposition database
° Sorption : Langmuir model Chemical module
° Gaseous : SAPRC07
° Surface reactivity
° SOA formation : H2O
° Aerosol (nucleation, coagulation, …
Tableau 5 : récapitulatif des principaux modèles d’air intérieur considérant la réactivité chimique (*Indoor Chemical and Exposure Mechanism) Nazaroff,
1986 [34]
ICEM*, Sarwar, 2002
[40]
ICEM Sarwar, 2003
[51]
INDAIR [52] Carslaw, 2007 [41]
Courtey, 2007 [53]
Carslaw, 2012 [42]
INDAIR-Chem [54]
INCA-Indoor Ce projet Mécanisme
chimique
31 espèces, 56 réactions
SAPRC-99 + rendement OH
modifiés [55]
SAPRC-99 calcul probabiliste MCMv3.1 4600 espèces, 13500 réactions
SAPRC-99, RADM2, RACM, CB04
MCM v3.2 47 réactions chimiques +
chimie limonène du
MCM v3.2
SAPRC-07 640 COV, ~1500
réactions
Nombre de zones
1 - 4 1 1 3 1 1 à 1000 1 1 1
Echange extérieur
15 espèces 50 espèces [40] NO2, CO, PM2.5, PM10 (Réseau
mesure UK)
[40] non [40] + espèces
calculées par le MCM
[40] Données
expérimentales Dépôt Valeursexpér
imentales
Nazaroff.,1986 [34]
Weschler, 1992)
Sarwar, 2002[40]
Sarwar,2002 [40]
Nazaroff, 1986 [34]
ou [56]
Sarwar, 2002 [40]
[40] Données
expérimentales ou [40]
Emission Valeursexpér imentales
Valeurs expérimentales
[40] [40] Emission
d-limonène
Emission d-limonène
Données expérimentales Chimie
hétérogène
NO2 → HONO
NO2 → HONO NO2 → HONO
non [57] [30] [57] non [30]
Aérosol non non AOS de
l’a-pinène et du d-limonene
dépôt PM2.5 – PM10 non non AOS du
d-limonene
AOS du d-limonene
H²O + Coagulation
21 Ce paragraphe décrit la structure globale du modèle INCA-Indoor ainsi que les paramètres et équations utilisées pour décrire les différents processus prenant place en air intérieur. Les détails concernant le modèle peuvent être trouvés dans l'annexe 2 (article sur INCA-Indoor et description des différents processus).
Le développement est comparable à l’approche de Nazaroff [34], ayant abouti au développement du premier modèle mathématique permettant la prédiction des concentrations des espèces chimiques en phase gazeuse en air intérieur. Ce modèle tient compte des effets de la ventilation, de la filtration au passage de l’air extérieur vers l’intérieur, du dépôt sur les surfaces, de l’émission par les matériaux et de la chimie et la photochimie. L’équation générale suivante peut être considérée pour chaque espèce présente :
. La même équation est considérée dans le modèle INCA-Indoor, mais celui-ci prend en compte l’intégralité des processus inclus dans le modèle de Nazaroff ainsi que d’autres tels que la sorption ou la phase particulaire. Hormis les différents processus prenant place dans la pièce et la taille du m écanisme chimique, le nombre de zones décrites est un paramètre important à considérer pour le développement d’un modèle.
Dans les travaux de Nazaroff [34], la pièce a été modélisée comme : (1) une zone homogène, (2) 4 zones entre lesquelles le transport gère l’échange d’espèces chimiques. On constate des différences mineures entre les deux conditions de simulation, ce qui indique qu’une pièce peut, dans des conditions similaires à Nazaroff, être considérée comme un réacteur parfaitement homogène et donc être modélisée correctement par un modèle monozone.
Figure 6 : structure du modèle INCA-Indoor
Ainsi, à chaque pas de temps, INCA-Indoor calcule la contribution à la concentration en une espèce chimique des phénomènes suivants :
- la réactivité chimique, incluant les phénomènes de photolyse,
- l’émission, le dépôt aux surfaces pour les espèces inorganiques et les particules, - la sorption aux surfaces pour les COV,
- l’échange avec l’extérieur,
- la condensation d’espèces semi-volatiles sur les particules, - la nucléation de particules,
- la coagulation des particules entre elles.
Sa structure est présentée en Figure 6. Il utilise les données d’entrées suivantes : - les paramètres de simulation (durée, pas de temps de simulation),
- les caractéristiques de la pièce modélisée (volume, surfaces des matériaux, débit de ventilation), - les constantes de sorption (ka, kd des couples COV-surface)
- les vitesses de dépôt (des couples espèce inorganique-surface) - les concentrations initiales des espèces,
- les profils temporels des concentrations extérieures (en phase gazeuse et particulaire),
- les profils temporels des constantes de photolyse, - les taux d’émission (des couples espèce chimique-surface).
En sortie, on obtient les profils de concentration des différentes espèces considérées ainsi que leurs taux de production ou de perte par chacune des voies réactionnelles et processus physiques impliqués. On obtient également le profil temporel de la distribution granulométrique des aérosols et leur composition.
Les différents processus modélisés dans INCA-Indoor sont décrits dans les paragraphes suivants et résumés dans le Tableau 6.
Tableau 6 : récapitulatif des différents phénomènes décrits dans INCA-Indoor
Phénomène Phase Travaux précurseurs
Echange extérieur
Gazeuse
[34]
Particulaire
Réactivité chimique Gazeuse [58]
Emission par les surfaces Gazeuse [40]
Dépôt aux surfaces
Gazeuse [40, 59]
Particulaire [60]
Sorption aux parois Gazeuse [61]
Réactivité aux surfaces Gazeuse [30]
Transport dans la pièce Gazeuse
Nucléation Particulaire [62-64]
Condensation Particulaire [65]
Coagulation Particulaire [66, 67]
Remise en suspension Particulaire Travaux LaSIE
Il est à noter que l’ensemble des phénomènes décrivant la phase gazeuse ne s’applique pas forcément à l’ensemble des espèces considérées. Il y a des phénomènes élémentaires de transport de l’extérieur vers l’intérieur par la ventilation ou au sein de la pièce (suite à des émissions par les sources de tous types) qui sont communs à tous les types de polluants (COV, gaz inorganiques, particules). D’autres sont spécifiques à des familles d’espèces, par exemple la réactivité homogène pour les COV et les inorganiques, l’adsorption / désorption (réversible) pour les COV, le dépôt ou réaction de surface vue comme une décomposition irréversible à la surface pour les inorganiques, le dépôt ou la remise en suspension pour les particules. La description détaillée des différents processus est présentée en annexe 2.
De par la construction du mécanisme (Figure 6), il est possible à chaque pas de temps d’obtenir la contribution de chaque phénomène à la perte ou à l’augmentation de la concentration d’une espèce.
L’analyse des contributions permettra de mettre en évidence les phénomènes majoritaires responsables de la présence d’une espèce dans la pièce et d’évaluer la part des phénomènes réactifs dans le budget des polluants prioritaires.
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