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Analyse de sensibilité des différents paramètres d'entrée du modèle

3. Résultats obtenus

3.3. Scénarios basés sur la modélisation

3.3.6. Analyse de sensibilité des différents paramètres d'entrée du modèle

Le modèle INCA-Indoor a été développé pour simuler l'ensemble des processus prenant place en air intérieur. Son utilisation repose sur un certain nombre de paramètres d'entrée (niveaux de concentration en extérieur, quantité de lumière, taux d'émission, constantes de sorption des surfaces, constantes de réactions, etc). Si la réponse du modèle aux variations de certaines données d'entrée a été analysée dans les paragraphes précédents et a permis de déterminer la part des différents processus sur la présence de différentes espèces en fonction des conditions, ces variations ont été déterminées soit sur la base de mesures, soit sur une gamme de conditions définies de manière arbitraire.

Cependant, chaque paramètre d'entrée du modèle a une gamme d'incertitude possible et chaque phénomène a un effet plus ou moins important sur les concentrations des polluants.

Afin d'identifier la précision nécessaire pour chaque paramètre et l'importance relative de chaque processus par rapport aux autres et ainsi prioriser les besoins en terme de données expérimentales à acquérir afin de mieux caractériser les environnements intérieurs, une analyse de sensibilité est nécessaire.

Calcul de sensibilité « manuel »

Une première approche, simple mais fastidieuse a été utilisée pour étudier le rôle des paramètres de sorption mesurés lors de la thèse de Malak Rizk [29]. Elle a consisté à tester l'influence de la variation des valeurs des constantes de sorption ka et kd sur les profils des COV dans un cas réel et susceptible de montrer des différences (valeurs de ka et kd suffisamment importantes pour que les phénomènes de sorption soient observables).

Un exemple est présenté en Figure 72. Ces simulations ont été réalisées pour une pièce de 150 m2, un taux de renouvellement de 0.5 h-1, et deux épisodes de pollution extérieure à l'éthylbenzène entre 6 h et 8 h et entre 17 h et 20 h. Les valeurs de ka et kd utilisées sont celles obtenues pour une plaque de plâtre (ka = 1,30 m.h-1; kd =1,70 h-1). Cette analyse montre que les variations de ka et kd d'un ordre de grandeur au-dessus et en dessous de la valeur mesuré ont une influence limitée sur le profil de l'espèce dans les conditions de l'étude. Cependant, il ne s'agit que d'un cas particulier et il est nécessaire de pouvoir tester l'influence de ces paramètres et des autres sur les profils des espèces chimiques présentes à l'intérieur pour définir les gammes de valeur pour lesquels les différents paramètres peuvent être influant ainsi que la précision nécessaire pour chaque paramètre. Cela n'est pas réalisable manuellement et une méthodologie plus systématique doit être utilisée.

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Figure 72 : influence de la valeur de ka et kd sur le profil de l'éthylbenzène, issu d'une source extérieure

Une méthodologie d’analyse de sensibilité a donc été développée avec le modèle INCA-Indoor pour identifier de manière systématique les processus qui influencent le plus la pollution de l’air intérieur et les paramètre, déterminant ces processus afin d’identifier le plus rapidement possible les paramètres les plus influents pour lesquels réduire l’incertitude permettrait d'améliorer la modélisation. Une fois ces paramètres et leur domaine de précision nécessaire déterminés, il sera possible de se focaliser sur leur détermination expérimentale pour répondre aux besoins du modèle.

Modélisation de la sensibilité ou calcul systématique de la sensibilité

Plusieurs méthodologies de calcul des sensibilités ont été proposées par le passé dans différents domaines scientifiques [109]. La sensibilité d’une quantité X à un paramètre p est souvent approchée comme le rapport de la variation de X sur la variation de p (i.e. une différence finie), la valeur mathématique exacte étant la dérivée de X par rapport à p. Certaines études portent sur l’utilisation de la méthode Monte-Carlo qui consiste à faire varier aléatoirement les paramètres et à analyser les variations sur la variable étudiée pour une application qui vise à déterminer les paramètres les plus influents sur un calcul d’émissions de polluants [110].

Une autre option consiste à calculer ces dérivées de manière exacte soit en différenciant les équations du modèle, soit en différenciant les instructions du modèle informatique correspondant. Le mode de différenciation linéaire tangent consiste à appliquer les règles de différenciation usuelles aux expressions mathématiques très complexes contenues dans le modèle. Depuis quelques années, des outils de différenciation automatique ont été développés pour calculer automatiquement des dérivées d'expressions mathématiques complexes écrites sous forme de modèle informatique (Tapenade, Adifor, Adol-C, ...). Les dérivées ainsi calculées sont pertinentes sur une période de plus ou moins longue durée lorsque les processus sont fortement non linéaires. Une variation de cette méthode consiste à écrire un modèle adjoint, également à l'aide des logiciels de différenciation automatique.

Les outils développés doivent permettre de :

- calculer les sensibilités de la concentration d’une espèce à un instant ou une période donnée (concentration horaire, maximale, journalière, etc) à l’ensemble des paramètres et de les trier ;

- calculer automatiquement des contributions de réactions ; - calculer l’incertitude globale sur les résultats du modèle ;

- identifier les paramètres les plus influents dont il faut améliorer la mesure ou l’estimation pour réduire les incertitudes.

Pour atteindre cet objectif, deux méthodologies ont été testées. La première a consisté à coupler le modèle INCA-Indoor à un module Monte-Carlo : la variation d’un paramètre en particulier était comparée à la variation d’autres paramètres. Les premiers tests ont montré que la méthodologie développée dans INCA-Indoor était très limitée pour évaluer l’impact dans le temps des variations sans modifier radicalement la structure du modèle. C’est pourquoi, très rapidement, une deuxième stratégie a été mise en place en collaboration avec Isabelle Charpentier (Mathématicienne du laboratoire ICUBE, Strasbourg). Celle-ci

consiste à calculer des dérivées de variables par rapport à des paramètres. Ce calcul a été possible via la différenciation automatique du modèle INCA-Indoor par le logiciel Tapenade [111]. Cet outil permet de réécrire un modèle numérique en y associant un calcul de dérivées mathématiques de certaines variables par rapport à d’autres paramètres du modèle. Nous avons choisi de calculer des dérivées de concentrations par rapport à des paramètres tels que les concentrations initiales, les constantes de réactions, les coefficients adsorption/désorption, etc. Ces dérivées sont ce qu’on appelle des sensibilités. Les sensibilités sont actuellement calculées au premier ordre selon la méthodologie linéaire tangente. Le modèle différen cié obtenu est appelé le modèle linéaire tangent du modèle original INCA-Indoor ou INCA-Indoor-D. Il permet le calcul de sensibilités, i.e. des dérivées de variables simulées par rapport à des paramètres. Au-delà de l’utilité pour le projet MERMAID et pour un futur utilisateur, la méthode proposée est originale car elle pourra à terme être applicable à l’ensemble des variables du modèle (incluant les constantes de réactions ou les termes de production et pertes chimiques).

Le modèle INCA-Indoor-D a été validé pour vérifier : - qu'il donne les mêmes résultats que le modèle original,

- qu'il calcule correctement les dérivées souhaitées (méthode de Taylor) et respecte l’hypothèse de linéarité sur la période de calcul (à adapter au besoin).

INCA-Indoor-D a été ensuite utilisé pour calculer la sensibilité des concentrations de polluants au cours du temps. Les tests ont porté sur un cas simple de chimie (un cycle basé sur trois réactions impliquant NO, NO2 et O3) et sont en cours sur des schémas chimiques plus complexes (cycle du méthane : une dizaine de réactions et d’espèces, schéma SAPRC : plusieurs centaines d’espèces et de réactions) dans le cadre de la thèse de F. Guo (CSC, LIVE), financé par le Chinese Scientific Council (CSC).

L’avantage de travailler sur des schémas chimiques très simples avant de tester des schémas plus complexes est d’identifier très rapidement les comportements anormaux des modèles.

Résultats

La Figure 73 illustre un résultat de la méthode Monte-Carlo : un calcul de sensibilité des concentrations de NO2 aux constantes de réactions (k1 constante de la réaction NO2 + hv→NO + O2 ; k2 : O + O2 + M→ O3 + M ; k3 : NO + O3 → NO2 + O2), à une émission de NO (Femi pour facteur d'émission), à la vitesse d’adsorption ka et de désorption kd de NO2, ainsi qu’à la vitesse de dépôt de l’ozone vd. La sensibilité est alors calculée comme la variabilité de la concentration due à un paramètre sur la variabilité totale obtenue si tous les paramètres sont variés à l’instant du calcul (pas de propagation comme dans la méthode précédente). Dans ce cas, il est montré que certaines réactions peuvent avoir autant de poids à un instant donné et avoir des effets antagonistes, si bien que la somme de la sensibilité ne peut pas être égale à 100%. Il est également montré que si certains paramètres sont plus sensibles le jour, d’autres le sont plus la nuit.

Figure 73 : Sensibilités des concentrations de NO2 à plusieurs paramètres d’entrées du modèle (Méthode Monte-Carlo)

97 Le même type d'analyse a été réalisé avec la méthodologie basée sur la différenciation du modèle INCA-Indoor avec le logiciel Tapenade. Même si cette méthodologie est a priori plus flexible et fournit plus d'information que la méthode Monte-Carlo, elle est aussi plus complexe à mettre en place dans le cas d’un modèle tel que INCA-Indoor (difficultés à différencier le code lorsque le schéma chimique inclut beaucoup de réactions et d’espèces ; difficultés pour synthétiser les analyses de sensibilité de manière compréhensible à travers des indicateurs simples).

La Figure 74 montre les résultats obtenus dans le cas très simple d’une simulation où seuls O3, NO, NO2

sont initialement présents dans une pièce avec une concentration de 50 ppb. NO2 peut être adsorbé à la surface (pas de réaction de surface), NO est émis entre 12h-14h. La ventilation est activée entre 14h-15h.

Pendant cette période la pièce interagit avec l’extérieur pour lequel des concentrations plus faibles de polluants ont été fixées. La Figure 74a. montre l’évolution des concentrations des trois polluants en fonction du temps. La Figure 74.b montre les sensibilités des concentrations à une augmentation de la concentration de NO initiale. Les résultats sont compatibles avec ce que nous pouvons attendre de ce cas très simple : la concentration initiale de NO impacte les concentrations de polluants intérieur tant que l’environnement est clos. Elle impacte la concentration de l’ozone la nuit, avec lequel il réagit jusqu’à ce que NO soit totalement détruit et la sensibilité des concentrations est variable jusqu’à ce que l’équilibre soit atteint pour le NO et O3

mais la sensibilité de la concentration en NO2 décroit car NO2 se dépose sur les surfaces. Le jour, une augmentation de l’ozone et de NO par production par photolyse de NO2 est observée, et les concentrations résultantes dépendent toujours des concentrations initiales. En revanche, au moment où la ventilation est activée (très forte ventilation), la pièce se met en équilibre avec l’extérieur et la pollution de l’air intérieur n’est plus sensible aux conditions initiales utilisées pour démarrer les simulations.

a)

b)

Figure 74 : (a) Concentrations simulées par INCA-Indoor et (b) sensibilités des concentrations à une augmentation des concentrations initiales de NO calculées par INCA-Indoor-D.

Les premières applications de la méthode de sensibilité construite ont montré son intérêt et son potentiel.

Un cas très simple de chimie a donc rappelé qu’il est nécessaire de faire attention aux conditions initiales des simulations effectuées dans un environnement telle qu’une pièce si cette pièce n’est pas trop ventilée.

Des travaux sont en cours pour appliquer la méthodologie à des cas plus complexes et comparer l’influence de plusieurs paramètres.