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Le projet MERMAID comporte 3 approches complémentaires pour étudier la QAI dans les BPE mais les méthodologies développées peuvent être élargies à de nombreux types de bâtiments.

Les différents volets de cette étude ont pu mener à des conclusions sur le comportement des polluants dans les BPE et les principales recommandations au regard de ces différents volets sont présentées ici.

4.1. au regard des mesures moyennées - précampagnes

Les mesures réalisées au moyen de préleveurs (ou échantillonneurs) passifs n'ont pas mis en évidence de pollution particulière liée aux bâtiments BPE. Les espèces mesurées sont similaires à celles mentionnées dans les travaux de la littérature sur des bâtiments classiques. Leurs niveaux de concentration sont également du même ordre de grandeur voire un peu inférieur.

Les bâtiments étudiés utilisent tous une ventilation double-flux avec un programme de ventilation alternée basé le plus souvent sur l'occupation des locaux. Cela implique donc que ces mesures sur 4.5 jours comprennent des périodes de ventilation active mais également inactive. Elles ne sont donc pas représentatives de l'exposition réelle des occupants dans les écoles de type BPE à ventilation alternée (voir mesures réalisées lors des campagnes intensives).

Si le choix des capteurs passifs amène certains avantages tels que la facilité de déploiement, le faible encombrement et coût, il est important de réaliser ces mesures dans des conditions qui permettent de rendre compte de l'exposition réelle des occupants.

Il faudrait pouvoir séparer les mesures en condition d'occupation des conditions hors occupation car selon ces périodes et leur synchronisation avec la ventilation active, les niveaux en polluants sont très différents.

Les périodes d'ouverture des portes et fenêtres devraient également être contrôlés pendant la période de mesure car elles peuvent fortement influencer les résultats (voir mesures réalisées lors des campagnes intensives).

Il est donc conseillé de revoir le protocole réglementaire pour ce type de bâtiment (échantillonnage fragmenté ou capteurs résolus dans le temps).

Les mesures de concentration de CO2 ont montré qu'elles permettaient d'identifier facilement des problèmes de sous-ventilation ou d'inadéquation du programme de ventilation par rapport à l'occupation.

Ces choix sont le plus souvent dictés par des retours négatifs des utilisateurs liés à des problèmes d'inconfort dans les salles (trop froides) mais sont contradictoires avec la qualité de l'air.

99 Il est donc nécessaire d'avoir un système de ventilation le moins intrusif possible (vitesse de vent au-dessus des élèves et température adaptée) pour que les utilisateurs ne remettent pas en question son fonctionnement.

Même si les mesures de CO2 ne peuvent pas rendre compte à elles seules de la qualité de l'air, elles sont néanmoins faciles à mettre en place et permettraient d'identifier rapidement des problèmes de ventilation, particulièrement critiques dans les BPE. Si l'installation de capteurs de CO2 avec un système de LED lumineuse est déjà mise en place dans certains bâtiments, cela n'est pas le cas dans l'ensemble des BPE.

Il est conseillé d'avoir au moins un dispositif mobile dans chaque établissement scolaire pour réaliser des mesures ponctuelles.

De plus, lors des installations/désinstallations du matériel, il a été observé que le personnel technique avait une mauvaise connaissance du système de ventilation et de son fonctionnement dans certains établissements (fonctionnement de la CTA, horaires de ventilation, maintenance, ...) et que la plupart du temps aucun contrôle régulier n'était fait (pas même une simple vérification de l'arrivée d'air aux bouches de soufflage) qui permettrait pourtant d'identifier rapidement des dysfonctionnements. De plus, les bouches de ventilation sont parfois difficiles d'accès (présence de barres de stores, par exemple) rendant difficile les contrôles de débit. Ces contrôles sont, par ailleurs, réalisés à l'installation et quasiment plus ensuite.

Enfin, le comportement des enseignants tel que l'ouverture systématique des portes lors des cours mènent à annuler l'intérêt d'une ventilation double-flux et entraîne une consommation d'énergie inutile.

Il est nécessaire de mettre en place une formation des personnels techniques dans chaque bâtiment pour une vérification régulière et fréquente des systèmes de ventilation.

4.2. au regard des mesures résolues dans le temps

Les mesures résolues dans le temps ont permis de suivre l'évolution de nombreux polluants et espèces réactives en fonction des conditions environnementales et ont mis en évidence une dynamique rapide des niveaux de concentration des différents polluants d'origine principalement intérieure (tel que le toluène et le formaldéhyde dans le bâtiment étudié), ou extérieure (ozone, NOx, xylènes).

Elles ont montré d'une part que lors de la mise en route de la ventilation, les niveaux des polluants intérieurs chutaient rapidement mais que le transport de polluants extérieurs vers l’intérieur était important (0,7-0,8 pour l'ozone et quasiment 1 pour les NOx).

Une ventilation synchronisée avec l'occupation semble la solution la plus adaptée pour réduire de manière efficace les polluants intérieurs. Son arrêt pendant des périodes même courtes d'inoccupation n'est pas préjudiciable et permet de limiter la consommation en énergie.

La présence d'espèces radicalaires réactives et de processus de transformations chimiques a été mise en évidence mais en dehors de conditions de nettoyage (augmentation des particules fines et du formaldéhyde), elles n'engendrent pas dans le bâtiment étudié d'augmentation des polluants.

Ces processus chimiques étaient principalement liés à la présence d'ozone réagissant avec les COV présents dans la pièce. Le haut taux de renouvellement de l'air (2 h-1) du bâtiment et la présence des bouches de soufflage près des fenêtres permet de limiter les phénomènes de photolyse d'espèces d'origine intérieure, source potentielle de radicaux HOx (tel que l'acide nitreux dont le rôle a été mis en évidence lors d'une campagne précédente dans un bâtiment classique).

La méthodologie utilisée lors de ces campagnes avec un parc instrumental vaste et complémentaire, des mesures des paramètres physiques et chimiques, en différents endroits et une caractérisation des surfaces en terme d'émission et de sorption a permis d'identifier les sources des polluants et leur comportement en fonction des conditions. Certains épisodes courts tels que des pics de pollution extérieure et des activités de type ménage ont pu être étudiés et analysés. Ce type d'étude ne peut pas être réalisé avec des mesures moyennées et sont cependant utiles à la compréhension des processus prenant place dans les bâtiments.

Il est donc nécessaire de continuer ce type de campagnes dans des bâtiments réels pour identifier les conditions réalistes d'étude mais également dans des environnements simplifiés et adaptés (maisons témoins ou chambres expérimentales dédiées aux activités de recherche, par exemple).

Cependant, ce type de campagne n'est pas réalisable à grande échelle et ne suffit pas pour comprendre la pollution de l’air intérieur dans l'ensemble des bâtiments. Il est nécessaire d'utiliser d'autres outils pour pouvoir généraliser les conséquences des différentes configurations des bâtiments et des aménagements ou activités, et pour déterminer les contributions des nombreux processus mis en jeux. C'est pour cela

qu'un outil de modélisation, a été développé et utilisé dans ce projet. Il est complémentaire des mesures de terrain.

Certains manques ont été mis en évidence lors de la comparaison entre les mesures des campagnes intensives et la modélisation et seront à prendre en compte pour une meilleure caractérisation des bâtiments lors de prochaines campagnes.

Les perspectives à l'issue de ce projet mises en avant suite à ces comparaisons sont :

- la nécessité de mesurer le renouvellement d'air en continu, car celui-ci est amené à varier de manière importante en fonction des conditions météorologiques, en particulier en ventilation inactive,

- le besoin de caractériser l'hétérogénéité de l'air dans une pièce,

- le besoin de caractériser les réactivités aux surfaces qui peuvent être très différentes d'un bâtiment à l'autre.

De plus, ces campagnes ont été réalisées en absence des occupants et il est nécessaire d'étudier leur impact sur la QAI également en conditions réelles d'occupation. Pour cela, un déploiement plus léger d'instruments ciblés serait à privilégier.

Des campagnes en présence d'occupants sont donc nécessaires.

4.3. au regard des travaux de modélisation

Le modèle INCA-Indoor élaboré dans le cadre du projet MERMAID a été testé par rapport à un modèle de référence et à des données expérimentales dans un environnement plus simple que celui des campagnes intensives MERMAID.

Il a été montré qu'il est capable de prédire les variations des espèces réactives et d'espèces d'intérêt en air intérieur et d'en déterminer les différentes sources (émission, chimie, ....).

L'utilisation de ce modèle dans une large gamme de conditions a permis de mettre en évidence le rôle important de la chimie dans certains cas (niveaux de précurseurs de OH élevés, ventilation faible) pouvant aller jusqu'à la dizaine de ppb en formaldéhyde.

L'analyse des contributions obtenues avec INCA-Indoor a mis en évidence une contribution de la réactivité aux concentrations intérieures dans des conditions spécifiques. Par exemple, dans le cas d'épisodes de nettoyage et de la coprésence d'oxydants (de l'extérieur ou formé par photolyse in-situ), la production d'espèces secondaires (aldéhydes, particules fines) peut mener à une exposition aigüe des occupants à ces polluants. Il en est de même pour l'utilisation d'autres produits (déodorants d’ambiance, "assainisseurs d'air"…) qui émettent ponctuellement des niveaux élevés de polluants (types terpènes, par exemple).

L’exposition chronique aux polluants secondaires pourrait également être plus significative lorsque des sources intérieures émettent les précurseurs de manière quasi-constante (émission de terpènes par des matériaux bois, par exemple).

Il pourrait donc être utile d'inclure les terpènes dans les composés traceurs pour l’étiquetage, compte tenu de leur impact potentiel sur la QAI.

INCA-Indoor peut être maintenant utilisé pour estimer les niveaux de concentration en polluants pour différents bâtiments, d'en analyser les contributions, et de simuler des conditions d'occupation si les scénarios reposent sur une description fine des émissions. La coexistence d'un modèle décrivant l'ensemble des processus déterminant la QAI et de bases de données sur les émissions apparaît ainsi comme une nécessité pour pouvoir estimer correctement les expositions, et par suite donner des recommandations fiables sur les pratiques constructives et d'utilisation des bâtiments.

Il est nécessaire de valider le modèle dans d'autres conditions et de continuer à alimenter les bases de données d'entrée du modèle (émissions, réactivité de surface, ...).

Le modèle peut être utilisé pour étudier l'impact de différents scénarios ou différentes pratiques sur la diminution des polluants secondaires.

Cela peut déboucher sur des recommandations concernant les pratiques les plus adaptées pour les activités telles que le nettoyage en évitant, par exemple de faire le ménage en milieu de journée quand le rayonnement est important. En matière de pratique constructive, il pourrait également être recommandé de mettre des vitrages coupant les longueurs d'onde susceptibles d'activer les phénomènes de photolyse.

Le modèle INCA-Indoor a montré son potentiel et les limites des études actuelles de la qualité de l’air intérieur. Dans l'état actuel, INCA-Indoor n'est utilisable que par des laboratoires de recherche qui ont une

101 compétence en modélisation. Il est essentiel de développer une version simplifiée et conviviale à destination des gestionnaires publics et des professionnels du bâtiment.

4.4. Bilan des recommandations Sur le plan scientifique :

Il est nécessaire de continuer des campagnes résolues dans le temps dans des bâtiments réels, maisons témoins ou chambres expérimentales.

Il faut étudier l'hétérogénéité des polluants dans une pièce.

Des données plus précises sont nécessaires pour évaluer le rôle de la réactivité aux surfaces.

Des mesures en présence d'occupants sont nécessaires.

Ces résultats devront alimenter les bases de données d'entrée du modèle dont la validation et l'utilisation est à poursuivre.

Sur le plan réglementaire :

Les mesures de la QAI doivent être effectuées uniquement lors de la présence des occupants.

Il semble utile d'inclure les terpènes dans les composés traceurs pour l’étiquetage des matériaux.

Sur le plan opérationnel :

Il est nécessaire d'avoir un système de ventilation le moins intrusif possible, synchronisé avec l'occupation.

Son fonctionnement doit être contrôlé (organisme accrédité).

Il est nécessaire également de mettre en place une formation des personnels dans chaque bâtiment pour une vérification régulière.

La prise en compte de l'équilibre QAI/économie d'énergie, avant même la construction du bâtiment, est nécessaire. Pour cela, il est essentiel de développer une version simplifiée et conviviale du modèle à destination des gestionnaires publics et des professionnels du bâtiment. Le couplage avec d'autres modèles pourrait être envisagé.