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Le coutumier du Dahomey est un recueil de coutumes et de normes pratiquées de façon séculaire sur le territoire national, et qui traduisent les perceptions et modèles de comportements socioculturels de l’homme et de la femme tels qu’ils ont été vécus dans la société dahoméenne. Il date des années 1930 et est l’œuvre du colonisateur qui l’a conçu pour servir de « raison écrite » (Biaou, 2006 : 57) à défaut de l’existence réelle de textes de lois. Il est le reflet d’une société dahoméenne féodale, où la femme ne joue que deux (02) rôles fondamentaux: la reproduction et la production. Il se singularise par « son caractère discriminatoire à l’endroit des femmes. Ainsi, des pratiques telles que le lévirat, les rites du veuvage, les mutilations féminines génitales, le mariage forcé y sont légitimées »,( Biaou, 2006 : 58).

La femme dans le coutumier du Dahomey est un être humain de niveau inférieur à l’homme. Cette considération sociale oriente la plupart des rapports dans la vie en société.

127 Ainsi, le point 122 de ce coutumier stipule que « les relations au cours du mariage sont placées sous la règle de l’obéissance au mari. La femme doit s’occuper du ménage et des enfants jusqu’à l’âge de 3 à 5 ans. Elle doit fidélité au mari. L’homme doit bien traiter sa femme, la loger, la nourrir et la vêtir. Il n’est pas tenu à la fidélité. En général, il doit ses faveurs à toutes ses femmes…il est aussi tenu d’aider la famille de sa femme dans le malheur ou simplement la gêne »72.

Par cette disposition, la femme et l’homme ne sont pas égaux. Elle est un être inférieur à son mari, chargé d’assumer les devoirs domestiques et n’est donc pas autorisée à exercer des activités économiques. Cette analyse est d’ailleurs soutenue par le point 127 du même coutumier qui stipule que : « la femme n’a aucun pouvoir juridique. La pratique seule lui donne quelque importance. Elle fait partie des biens de l’homme et de son héritage »73.

Fort de ce qui précède, la femme dahoméenne ne pouvait donc participer au développement socioéconomique du pays puisqu’elle fait partie des "biens de l’homme". Elle n’avait donc pas droit à l’instruction, ni à l’alphabétisation. On peut même dire qu’elle était une "chose", la "chose de l’homme". Quelle société construire avec des efforts unisexués ?

Cette interrogation est explicitée par Biaou (2006 : 62) qui affirme que « quand les hommes quittent les villages pour trouver des emplois rémunérés dans les villes ou à l’étranger, les femmes doivent assurer seules, les travaux de la ferme, en plus de leurs tâches domestiques. Quand des entreprises nationales hypertrophiées s’engagent dans la voie de la « restructuration », les femmes sont les premières à perdre leur travail, avant les hommes, "chefs de famille". Quand des ateliers où on exploite le personnel cherchent à employer dans des conditions précaires des travailleurs sous-payés, les femmes sont les premières recrutées ». La force de travail de l’homme seul pouvait-elle suffire à l’émergence du Dahomey voire duBénin actuel ?

Les perceptions socioculturelles de la femme au Dahomey demeurent encore de nos jours et annihilent les efforts des organismes nationaux et internationaux dans la promotion de la gente féminine. Son infériorisation est si marquée qu’étant fille du même père que son frère, elle n’a pas droit à l’héritage. Le point 256 le précise en disant que : « le mode de répartition des biens particuliers varie avec les coutumes ; la règle

72 Point 122 du coutumier du Dahomey

128 générale est que seuls héritent les descendants mâles du défunt (les filles héritent toujours des pagnes, parures et ustensiles de ménage »74.

Ainsi, la promotion et la protection de la femme ne sont pas des valeurs socioculturelles à la société béninoise. En milieu f כֿn particulièrement, l’enfant est une richesse. Une femme au foyer qui n’a pas conçu d’enfant porte sur elle le poids des malheurs de la famille. Elle est même qualifiée de sorcière et peut alors perdre sa place au foyer et gagner ainsi, la haine du village ou de son milieu de vie. C’est pourquoi la tradition maximise la valeur de l’être de sexe féminin au niveau de la procréation. Elle est la première à se lever, dès le chant du coq. Elle s’occupe du balayage de la concession familiale et de ses alentours, fait la vaisselle, participe à la corvée d’eau sur plusieurs kilomètres de marche, assure l’alimentation quotidienne de la maisonnée, fait la lessive, participe aux travaux champêtres avec son mari, doit assurer l’éducation des enfants, c’est-à-dire leur inculquer les valeurs morales de la société à telle enseigne qu’un enfant qui se comporte mal en société est un enfant mal élevé par sa mère, et non les deux (02) conjoints. La femme est donc partagée entre travaux domestiques et assistance à son mari. Dans cette condition, la femme béninoise a été lésée par les normes socioculturelles.

Mais cette perception de la femme dans le coutumier semble dénier son rôle de garante de la tradition. Elle est la détentrice des secrets de couvents même dans les réputés interdits d’accès aux femmes. Aussi, dans l’ex-royaume du Danxomè, l’armée du roi Guézo doit sa puissance et sa combativité aux amazones. Cornevin l’illustre d’ailleurs en relatant la campagne contre Agouna en 1782 :

« Pour satisfaire les demandes de l’Alafin d’Oyo, Kpengla envoie une armée razzier des esclaves dans la région d’Agouna, au demeurant vassale d’Abomey depuis près d’un siècle. Mais ce qui ne devait être que promenade militaire s’achève en défaite, le cankawa, chef de la colonne, est tué. Humilié par cet échec, Kpengla s’habille en guerre et se met à la tête de 800 amazones » (1981 : 113).

La femme Dahoméenne ou Béninoise participe peu au marché de l’emploi, mais occupe des fonctions sociales non négligeables.

129 Le coutumier du Dahomey a été succédé du droit dit moderne, hérité de la colonisation en 1958. Il a été interdit d’application par décision DCC 96-0063 du 26 septembre 1996 de la Cour Constitutionnelle : « le coutumier du Dahomey de 1931, n’a plus force exécutoire », Biaou, 2006 : 58. Il aura fallu attendre la constitution béninoise du 11 décembre 1990, à travers les assises internationales des Nations Unies, pour que soient conférés à la femme, des droits sur les plans politique, économique, socioculturel et de solidarité, en vue de la propulser sur le champ du développement.

Par ailleurs, la constitution du Bénin a été adoptée le 11 décembre 1990, sous le numéro de Loi 90-032, à l’issue de la Conférence des Forces vives de la Nation de février 1990. Cette disposition constitutionnelle est devenue dès lors, la loi fondamentale de la République du Bénin.

Elle accorde une priorité aux droits de la personne dès le préambule en son troisième paragraphe, en affirmant la volonté de créer au Bénin un Etat de droit et de démocratie pluraliste, et complète au niveau du quatrième paragraphe, par l’adhésion du peuple béninois « aux principes de la démocratie et des Droits de l’Homme tels qu’ils ont été définis par la Charte des Nations Unies de 1945 et la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples adoptée en 1981 par l’Organisation de l’Unité Africaine ratifiée par le Bénin le 20 janvier 1986 et dont les dispositions font partie intégrante de la présente Constitution et du droit béninois et ont une valeur supérieure à la loi interne »75.

Il convient de préciser que l’Homme dont il est question ici est aussi bien l’acteur du sexe masculin que du sexe féminin. Cela implique déjà que par la constitution béninoise, la femme a des droits et est une personne au même titre que l’homme. Sur pressions de la société civile et des bailleurs de fonds, le statut de la femme a été amélioré dans le Code des personnes et de la famille promulgué le 24 août 2004 dont les principales innovations sont :

- « la femme peut conserver son nom, complété de celui de son époux.

- En plus du nom de famille du père que porte l’enfant à sa naissance, les parents peuvent adjoindre le nom de famille de la mère.

- L’âge du mariage est porté à 18 ans pour l’homme et à 16 ans pour la fille. - Un certificat prénuptial est exigé avant la célébration du mariage.

- En cas d’absence d’option au moment du mariage, la monogamie est la règle.

130 - La dot a un caractère symbolique et facultatif : les mariages coutumiers ne sont

plus reconnus et ne produisent par conséquent aucun effet légal - Le lévirat est supprimé.

- Il n’existe plus de discrimination entre l’enfant naturel et l’enfant légitime - L’enfant incestueux ne peut être reconnu que par son père ou sa mère et non par

les deux, l’inceste étant contraire aux bonnes mœurs.

- L’enfant dont la filiation paternelle n’a pas été établie, a la possibilité d’intenter une action à fin de subsides à toute personne ayant eu des relations sexuelles avec sa mère pendant la période légale de la conception et ce jusqu’à l’aboutissement de l’action en recherche de paternité.

- L’autorité parentale est exercée par les deux parents.

- Des droits successoraux sont attribués au conjoint survivant (veuf ou veuve). - Les enfants, quelque soit leur sexe, leur filiation (légitime ou naturelle) héritent

de leur père et mère à parts égales », Biaou, 2006 : 62.

En d’autres termes, la constitution de décembre 1990 a favorisé une amélioration de la condition de la femme.

Les droits et devoirs de la personne humaine ont été stipulés par le titre II de la constitution dans son entièreté, en mettant l’accent sur trois (03) types de droits de l’homme à savoir, les droits civils et politiques, les droits économiques et socioculturels et les droits de solidarité. Parmi les droits économiques et socioculturels, quelques-uns sont présentés ici sous forme d’encadré, aux fins d’analyser le rôle de l’Etat dans l’accompagnement des femmes au plan socioéconomique :

- Article 9 : Tout être humain a droit au développement et au plein épanouissement de sa personne dans ses dimensions matérielle, temporelle, intellectuelle et spirituelle, pourvu qu’il ne viole pas les droits d’autrui ni n’enfreigne l’ordre constitutionnel et les bonnes mœurs.

- Article 12 : L’Etat et les collectivités publiques garantissent l’éducation des enfants et créent les conditions favorables à cette fin.

- Article 26-2 : L’homme et la femme sont égaux en droit. L’Etat protège la famille et particulièrement la mère et l’enfant. Il veille sur les handicapés et les personnes âgées.

- Article 30 : L’Etat reconnaît à tous les citoyens le droit au travail et s’efforce de créer les conditions qui rendent la jouissance de ce droit effective et garantissent au travailleur la juste rétribution de ses services ou de sa production.

131 A travers ces quatre (04) articles, l’Etat a le devoir d’assumer aux citoyens dont les femmes, les dispositions nécessaires à leur bien-être social et économique. A l’article 9, le droit au développement et au plein épanouissement de la personne humaine sur les plans matériel, temporel, intellectuel et spirituel, implique que l’Etat offre le dispositif nécessaire, crée les conditions de ce développement personnel. La promotion du microcrédit par l’émergence de SFD sur le territoire national peut être considérée comme une logique mettant la femme au cœur du développement. Les articles 12, 26-2, et 30, sont d’ailleurs plus précis dans ce sens et indique clairement le rôle de l’Etat qui « crée les conditions favorables à l’éducation des enfants »76 ; « L’Etat protège la famille et particulièrement la mère et l’enfant »77 ; « L’Etat reconnaît à tous les citoyens le droit au travail et s’efforce de créer les conditions qui rendent la jouissance de ce droit effective »78. Ces conditions ne sont favorables et opportunes que quand le couple, l’homme et la femme y concourent.

L’Etat béninois a pris des mesures en faveur de la femme comme la gratuité de l’école pour les filles, la construction de foyers de jeunes filles, la création d’un département ministériel chargé de la famille, de la protection sociale et de la solidarité qui a élaboré un document de « Politique nationale de promotion de la femme ». Aussi, pour s’inscrire dans la dynamique internationale du développement féminin, le Bénin a-t-il adhéré aux normes internationales en matière de promotion de la femme en participant aux assises y relatives. Déjà, l’Assemblée générale des Nations Unies a proclamé l’année 1975, année internationale de la femme, avec pour objectif selon Symonides et Volodine (1998 : 177), de « promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes ». Cette proclamation a été suivie au cours de la même année, de la conférence mondiale de l’année internationale de la femme, tenue à Mexico, dont la déclaration recommandait aux gouvernements de garantir l’égalité des hommes et des femmes en matière d’éducation, de formation et d’emploi en mettant l’accent sur le lien entre l’infériorisation des femmes avec le sous-développement socio-économique. En application des résolutions de la conférence de Mexico, l’Assemblée générale a proclamé la décennie 1976-1985, décennie des Nations-Unies pour la femme : Egalité, Développement et Paix, trois (03) concepts clés dont le programme

76 Article 12 de la constitution du 11 décembre 1990

77 Article 26-2 de la constitution du 11 décembre 1990

132 d’opérationnalisation a été adopté lors de la deuxième conférence mondiale sur les femmes en 1980 à Copenhague.

Dans la même perspective, la fin de cette décennie a été marquée en 1985, par la troisième conférence mondiale sur les femmes tenue à Nairobi, et ayant pour objectif l’évaluation de la décennie des Nations-Unies pour la femme. Elle a adopté des stratégies prospectives d’action liant le renforcement de la paix à l’élimination de toutes les formes d’inégalités entre les hommes et les femmes, et à l’intégration des femmes à tous les niveaux de la vie civile et publique. Ainsi, il est prévu entre autres qu’en l’an 2000, les femmes bénéficient d’une représentation égale dans le processus de prise de décision politique et la nécessité de porter davantage attention aux actes de violence exercés sur elles. Enfin, la quatrième conférence mondiale sur les femmes a eu lieu à Beijing en Chine, en 1995, sur le thème : « La lutte pour l’égalité, le développement et la paix ».

Pour Simonides et Volodine (1998 : 180), « le programme d’action de Beijing confirme la déclaration sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et énonce que son application au plan national, en conformité avec les droits de l’homme et les libertés fondamentales, relève de la responsabilité souveraine des Etats ».

Toutes ces assises internationales marquent l’importance qui doit être accordée à la situation de la femme en tant qu’actrice de développement. Les Organisations Non Gouvernementales (ONG) béninoises et internationales se sont alors appropriées les résolutions de ces assises, et ont orienté leurs actions vers le bien-être des femmes, notamment dans les domaines de :

- la promotion des AGR ;

- le renforcement de la capacité d’organisation des femmes en groupements ; - la mise en place de groupements féminins ;

- l’amélioration des conditions de vie et de travail des femmes dans les domaines économique, sociale, éducative, culturel, juridique et politique ;

- l’amélioration du bien-être sanitaire, environnemental de la femme et de l’enfant ;

133 Ces ONG sont souvent contraintes dans l’exercice de leurs fonctions et activités diverses en faveur de la promotion des femmes, par le poids de la tradition, notamment les pesanteurs d’ordre socioculturel.

Malgré ces dispositions constitutionnelles et organisationnelles, la contribution de la femme au développement du Bénin, demeure peu visible. Toutes ces tendances lourdes ont contribué à faire du Bénin, un pays de pauvreté à visage féminin qui, selon les OMD, pourrait être réduit d’ici 2015 par l’octroi du microcrédit.