La Caution est la personne qui s'engage à payer à la place de celui qui est cautionné en cas de défaillance dans le remboursement des échéances de cette dernière. C’est un engagement de paiement à la place d’un débiteur sans aucune contestation possible. Elle peut être acceptée en garantie d'un crédit par certains prêteurs. Il ne s'agit pas d'un engagement moral, mais d'un acte qui peut être lourd de conséquences pour la situation personnelle de la caution. L'acte de cautionnement doit être écrit, il doit contenir un certain nombre de mentions obligatoires écrites de la main de la caution, sa nature doit être clairement précisée (caution simple ou caution solidaire). En outre, un établissement de crédit ne pourra pas se
47 prévaloir d'un engagement qui était manifestement disproportionné par rapport aux revenus ou au patrimoine de la caution au moment de la signature de l'acte23. La caution solidaire exprime la solidarité des codébiteurs. Autrement dit, l’existence de la caution solidaire permet au créancier d’ester en justice (s’il y a lieu) contre le plus solvable des débiteurs et que ce dernier dispose d’une action récursoire contre les autres codébiteurs pour se faire rembourser selon ce que chacun d’eux doit. Juridiquement, cette action n’est possible que si tous ceux qui se constituent en caution solidaire sont des commerçants.
Pour bénéficier du microcrédit, les femmes qui ne peuvent placer des biens meubles en hypothèque doivent se constituer en groupe et former ainsi une caution solidaire. Pour ce sujet, la caution solidaire est la constitution en groupe des femmes bénéficiaires du microcrédit. C’est le système adopté par la plupart des institutions de microcrédit en vue de garantir le remboursement effectif des fonds octroyés. La condition majeure de l’autoconstitution en caution solidaire est l’assurance de la crédibilité et la contrainte morale de chaque candidate du groupe au microcrédit. En d’autres termes, chaque femme doit être sûre de la crédibilité de l’autre postulante à son groupe. Car, chacune d’elle constitue la garantie de l’autre, son avaliseur à telle enseigne que dès qu’un membre du groupe n’arrive pas à solder son compte, les autres membres sont obligées de rembourser à sa place au risque d’être toutes sanctionnées. C’est ainsi que des femmes bénéficiaires de microcrédit ont fui leur quartier sans avertir les autres membres qui se retrouvent en difficulté de remboursement. Elles deviennent toutes débitrices selon les textes des institutions qui octroient du microcrédit.
En quoi consiste alors le remboursement ?
- Remboursement
Le remboursement est le versement par une personne physique ou morale à une autre d’une somme due suite à un versement effectué auparavant dans le sens inverse. Dans le cadre d’un prêt, le remboursement correspond donc à la restitution par l’emprunteur au créancier de la somme empruntée. Selon les spécificités du contrat de prêt, le remboursement a lieu
23 Le cautionnement, http://www.banque-info.com/fiches-pratiques-bancaires/le-cautionnement, consulté le 25 /05/ 2011
48 par partie au cours du contrat ou en totalité à la fin24.
Ici, c’est le paiement de la somme due par les femmes bénéficiaires du microcrédit échelonné sur une échéance déterminée. Ce paiement est mensuel avec parfois un délai de grâce d’un mois. C’est le remboursement effectif et à temps qui conditionne le renouvellement du microcrédit. Il devait être issu directement des revenus de l’activité. Mais le montant remboursé est souvent celui emprunté à nouveau chez d’autres emprunteurs à l’instar des tontiniers ou encore une épargne tontinière hors du microcrédit préalablement reçu. De ce fait, les femmes sont membres de plusieurs structures d’octroi de prêt à la fois pour répondre aux impératifs de remboursement.
Qu’est-ce alors qu’une tontine ?
- Tontine
La tontine est, selon Bekolo Ebe (1990) « un système d’épargne et de crédit dont les membres acceptent de verser suivant une périodicité préalablement déterminée, une partie de leurs revenus dans un fonds commun d’épargne, le produit d’une période étant reprêté en tout ou en partie à un des membres suivant un ordre préétabli ou non, à titre onéreux ou non ». NZEMEN (1988 : 30), pour sa part définit la tontine comme « une association informelle fondée sur le respect de la parole donnée et des critères homogènes dont le but est de promouvoir toute action de solidarité ou de constituer périodiquement un marché financier informel et fermé permettant à ses membres de placer l’épargne pour les uns et d’accéder au crédit pour les autres » .
C’est encore une association de personnes versant de l’argent à une caisse commune dont le montant bien déterminé est remis à tour de rôle à chaque membre.
Son principe a été initié par un banquier italien, Lorenzo Tonti dans les années 1800, pour le compte de Mazarin, dans l'intérêt de l'Etat et celui de la royauté qui était à court de fonds25. Il s’agit de la mise en œuvre d’un esprit mutualiste qui fait la force et limite les
24 Lexique de finance, http://www.vernimmen.net/html/glossaire/definition_remboursement, consultée le 17/08/2012
25 La tontine (donation) parmi les placements financiers d'épargne retraite,
49 risques pour les participants ; raison pour laquelle on ne dit pas un souscripteur mais un adhérent, et l'on ne parle pas d'un assuré mais d'un sociétaire. Par ailleurs, cette tontine peut être également faite par la bénéficiaire dans une caisse à domicile.
En ce qui nous concerne, la tontine est l’épargne journalière déposée auprès d’un tontinier qui marque ce dépôt journalier sur une carte suivant le nombre du jour du mois. Au cas où la bénéficiaire ne peut rembourser intégralement le montant mensuel dû sur la base des bénéfices de son AGR, elle puise dans son épargne auprès du tontinier pour pouvoir être à jour dans le remboursement. De même, la bénéficiaire peut recourir à un prêt, chez le tontinier moyennant remboursement avec intérêt, afin de rembourser le microcrédit. Voilà autant de stratégies qui contrastent avec le microcrédit comme moyen de lutte contre la pauvreté.
Qu’est-ce donc que la pauvreté ?
-
Pauvreté
Selon le lexique des sciences sociales (7è édition : 311), la pauvreté est l’absence des moyens pour survivre. Pour Aho et al. (1997 : 16), la pauvreté se définit aujourd’hui comme « un état de privation à long terme de bien-être jugé inadéquat pour vivre décemment. La pauvreté est donc synonyme de carence. Elle est fonction d’un manque connu face à des besoins que l’on peut identifier. La pauvreté est aussi un phénomène de longue durée. Elle ne fait généralement pas référence aux personnes en difficulté temporaire. Elle concerne en priorité ceux et celles qui éprouvent des difficultés à s’intégrer au système socio-économique pour toutes sortes de raisons ».
La pauvreté est donc l'insuffisance de ressources qui permettent de vivre dignement dans une société notamment dans les domaines de la nourriture, l’accès à l’eau potable, les vêtements, le logement, l’accès à l’éducation, l’exercice d’une activité valorisante, bref, les conditions de vie en général, mais également le respect reçu des autres citoyens ou encore le développement personnel. Elle est généralement considérée comme un phénomène multidimensionnel. Pour Simmel, la pauvreté n’est pas une donnée, chaque famille a un de ses membres qui est considéré comme pauvre (même s’il ne l’est pas dans l’absolu)…La pauvreté ne se définit donc pas par elle-même mais par la réaction absolue mais relative à tout groupe : « chaque catégorie professionnelle peut avoir ses pauvres que le groupe a à son égard… La pauvreté ne peut donc pas se définir de manière quantitative par des
50 caractéristiques qui lui seraient propres mais par l’interaction existant entre le pauvre et son groupe »26.
Dans cette recherche sur le microcrédit face au développement humain durable, la pauvreté constitue l’état d’insuffisance de moyens matériels et financiers des femmes pour subvenir aux besoins essentiels de base ou besoins fondamentaux. Elle se caractérise par l’incapacité des femmes à assumer un cycle de commerce ou de prestations de service sans un appui financier extérieur. La pauvreté des postulantes au microcrédit se manifeste également par la faiblesse de leur revenu en termes d’investissement journalier et de prise en charge des besoins de leur entourage. Dans ce cadre, le microcrédit indiqué comme s’adressant aux pauvres, vise à appuyer celles qui sont déjà en exercice d’AGR dans la plupart des institutions de financement. Il ne s’adresse pas aux femmes qui n’ont pas l’expérience de la gestion d’AGR. Mais cette remarque ne s’observe pas au niveau des bénéficiaires du programme de Microcrédit aux Plus Pauvres (MCPP) initié par l’actuel gouvernement béninois. Le terme « plus pauvres » utilisé ici cadre d’ailleurs avec l’absence de cette exigence qui marque la différence entre « pauvres » et « plus pauvres ». Le MCPP est un canal qui permet aux « plus pauvres » d’accéder au microcrédit des SFD.
En effet, le « plus pauvre » est celui qui ne dispose pas de moyens pour commencer une AGR. C’est celui qui n’en a pas encore la capacité. Il est alors aisé de comprendre que l’existence réelle d’une AGR en cours d’exercice ne soit pas exigée. Par contre, le « pauvre » a déjà une situation plus améliorée quoique toujours moindre en référence à une classe sociale supérieure. Il est déjà dans cette capacité d’exercer l’AGR. On peut donc conclure que le microcrédit dans notre recherche est ce montant minime accordé aux « pauvres » pour fructifier à travers leurs AGR. Les bénéficiaires de microcrédit considérées ici sont les « pauvres », les adhérentes au service des SFD, et dans une moindre mesure les « plus pauvres » tel que défini précédemment. Elles acquièrent des connaissances et aptitudes acquises dans la réception, la gestion, le remboursement et le renouvellement du microcrédit. Il s’agit des pratiques adoptées par ces actrices dans chacune des quatre (04) communes ciblées, dans un schéma de comparaison en vue d’appréhender l’existence ou non de l’aliénation en situation de microcrédit.
26 SIMMEL (G), Les pauvres, 1ère éd. En allemand – 1907 repris dans l’ouvrage « Sociologie » - 1ère éd. Française, PUF, Quadrige, 1998, http://mondesensibleetsciencessociales.e-monsite.com/pages/notes-de-lecture/notes-de-lectures-sur-georg-simmel/simmel-les-pauvres.html, consultée le 17/08/2012
51 Qu’est-ce donc que l’aliénation ?
- Aliénation
Selon Marx, « l’aliénation de l’ouvrier signifie non seulement que son travail devient un objet, une existence extérieure, mais que son travail existe en dehors de lui, indépendamment de lui, étranger à lui et devient une puissance autonome vis-à-vis de lui, que la vie qu’il a prêtée à son objet s’oppose à lui, hostile et étrangère », Le Robert, 2006 : 15.
Ainsi, l’aliénation est employée dans cette thèse pour stipuler le fossé qu’il y a entre le fonds du microcrédit et sa bénéficiaire. Le microcrédit quoiqu’utile devient étranger à elle. C’est de l’argent pris en main qui ne vaut que par son nom car en réalité, le microcrédit suscite des stratégies outre que celle consistant à rembourser par l’effet de l’AGR. En tant que tel, la bénéficiaire est contrainte d’adhérer à d’autres structures de financement pour pouvoir en bénéficier à longueur de temps, au risque d’être une " éternelle endettée ", et pour ne pas briser la confiance placée en elle par l’institution d’octroi.
Qu’est – ce - qu’alors la confiance ?
- Confiance
Le mot confiance vient du latin confidentia et signifie le « fait de se confier à quelqu’un ou à quelque chose », Le Robert, 2006 : 101.
C’est aussi le fait d’attendre d’autrui des comportements favorables, par opposition aux conduites de méfiance. En psychologie sociale et en sociologie, la confiance est une hypothèse faite sur le futur comportement d’autrui. Il s’agit d’une conviction selon laquelle une personne serait capable d’agir d’une certaine manière face à une situation donnée. En ce sens, la confiance peut être renforcée ou affaiblie en fonction des actions de l’autre personne27.
La confiance est donc l’élément moteur de l’acte d’octroi et de réception du microcrédit. C’est l’espoir qu’a celui qui l’octroie en celui qui le reçoit et l’espoir de ce dernier à se le
52 voir renouveler. En matière de prêt d’argent, la confiance est le maître mot. Sans elle, il ne saurait y avoir de microcrédit. Aussi les institutions de microcrédit font-elles des enquêtes de moralité, quoique sommaires, sur les postulantes avant de décider de leur octroyer les fonds. Le microcrédit est donc un acte de confiance, justifié d’ailleurs par l’existence et la nécessité des cautions solidaires.
La clarification conceptuelle est le cadre de définition des contours des concepts clés liés au sujet en étude. Elle permet d’expliciter la problématique et d’aborder l’état de la question. Quel aperçu projette la bibliographie existante sur le microcrédit et le Développement Humain Durable ?