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De l’analyse des données collectées, il ressort que la majorité des bénéficiaires de microcrédit s’investit dans le commerce. Sur les 418 interviewées, 364 ont affirmé

188 orienter leur microcrédit dans ce sens (87,1%), tandis que 31(7,4%) œuvrent dans l’artisanat, 12, dans la prestation de service (2,9%), et 11 (4,8%) exercent diverses autres activités. C’est ce qu’indique le tableau. XXV.

Tableau XXV : Différentes activités menées par les bénéficiaires Modalités Commerce Artisanat Prestataires

de service Autres activités Total Bénéficiaires 364 31 12 11 418 Pourcentage 87,1 7,4 2,9 4,8 100

Source : Données de terrain, mai 2011- juin 2012

Mais l’enquête a pris en compte les bénéficiaires de crédit de la période 2005 à 2011dans une approche synchronique. Sur les 418 réponses du questionnaire validées à cet effet, seulement 190, soit 45,45%, ont obtenu le premier microcrédit en 2005 ; et les 228 restant, en 2007 (Tableau XXVI).

Tableau XXVI : Périodicité de l’octroi des microcrédits

Périodicité Bénéficiaires Pourcentage

2005 - 2006 190 45,45

2007 - 2011 228 54,55

Total 418 100

Source : Données de terrain, mai 2011- juin 2012

La plupart des micro-entreprises favorisées par l’octroi de microcrédit, ne sont pas reconnues officiellement par l’administration nationale. Elles ne disposent pas de numéro d’enregistrement ou de comptabilité écrite formelle.

189 informel « se caractérise par une grande précarité des conditions d’activité. Moins de 22% des Unités de Production Informelles (UPI) disposent d’un local spécifique pour leur activité, 31% exercent à domicile ou chez les clients et 47% ne possèdent pas de local (commerce ou services) », (RB, 2010 : 142).

C’est ainsi que se présentent les micro-entreprises concernées par la présente recherche. Elles disposent d’un personnel compris entre 1 et 4, créant ainsi elles-mêmes, de l’emploi quoique non sécurisé.

Les vendeuses ambulantes sont limitées dans leur contribution à la fiscalité locale et nationale. Elles échappent au paiement de la patente, du droit de commerce et autres taxes obligatoires. Néanmoins, leurs offres de service participent du développement de la société en offrant aux autres acteurs la possibilité de satisfaire leurs besoins par elles. Ce faisant, elles contribuent au développement du Bénin. Les activités exercées par les femmes bénéficiaires de microcrédit sont souvent à court terme, animées de techniques rudimentaires ; ce qui les empêche de satisfaire leur clientèle suivant la loi du marché c’est-à-dire les exigences des clients. De ce fait, elles font rapidement faillite et réorientent leurs activités sans pouvoir faire de grand succès.

Ces entrepreneures sont également menacées par la concurrence développée entre elles dont le but vise souvent à gagner la meilleure part de la clientèle. Ce secteur est également gangréné par le conformisme dans le choix des articles à commercialiser. Ce conformisme consiste à vendre les mêmes articles que la voisine soit parce que c’est la saison favorable à la vente de ces articles, soit dans l’intention de lui "arracher" sa clientèle. Toutes ces stratégies n’arrangent guère les acteurs de l’informel.

Pour Panhuys (1996 : 89), « les économies informelles sont également pluri-ethniques, cosmopolites. Mais pour des raisons historiques, culturelles ou techniques, certains groupes sociaux, originaires de telle ethnie ou région, dominent ou monopolisent des métiers, voire des secteurs d’activités dans lesquels ils excellent, assumant des fonctions difficilement exerçables par d’autres… Bref, l’économie informelle est l’expression d’un pluralisme socioprofessionnel, ethnoculturel, transrégional et transnational. Elle est le creuset où se constitue une Afrique nouvelle faite de brassages humains, de transferts culturels et technologiques, au prix parfois de durs conflits, voire de déchirures ». Les activités du secteur informel peuvent devenir alors un apanage d’ethnies ou de groupes socioculturels dont il contribue au changement social.

190 Par ailleurs, le secteur informel s’exprime par trois (03) formes principales de solidarité selon Nze-Nguema, observables au Gabon et au Cameroun, et qu’il qualifie de solidarité silencieuse94 : la solidarité de travail « qui consiste en la mise en commun réciproque par les membres d’une collectivité de leur force de travail dans l’intérêt et au bénéfice exclusif d’un des membres ou d’une famille », (1996 : 300) ; la solidarité de projet est relative à la mise en œuvre d’un projet communautaire.

Il s’agit du «regroupement des membres d’une communauté qui ont en partage la réalisation de projets similaires : de la construction d’une case à l’acquisition d’une parcelle de terre, en passant par l’achat d’un camion de transport. De la richesse de leur faculté concertative dépendra le caractère opératoire des solutions idoines à leurs préoccupations », (1996 : 300) ; et enfin la solidarité de troc relative à des échanges d’aliments : « face à l’appauvrissement généralisé des populations, consécutif à la mauvaise gestion des ressources, à la détérioration des termes de l’échange, à l’ajustement structurel, il n’est point d’autre voie de survie », (1996 : 301) . Pour lui, l’existence du secteur informel répond à un double manque :

- face à l’Etat : l’informel assure la réinsertion sociale et économique des sans emplois : « il s’agirait de partir du secteur informel pour redéfinir un Etat qui soit opérationnel pour l’ensemble de la société. Car si un Etat ne peut gérer que la minorité de ses habitants, alors que la majorité reste à la marge, cet Etat ne fonctionne pas : il est tenu en conséquence de modifier ses structures pour éviter le syndrome des deux nations cause d’explosions sociales », (1996 : 303). L’informel favorise l’expression plurielle des opinions dans le multipartisme : « Nombre de ses membres, en particulier ceux de la base, se retrouveraient dans l’opposition », (1996 : 303). L’informel est aussi un obstacle pour l’Etat par le « détournement des ressources fiscales », (1996 : 303).

- face au capital : l’informel ne vise pas l’accumulation du profit comme l’Etat mais « vise à procurer le minimum vital à la majorité sociologique. Il permet la résolution de maints problèmes socio-économiques dont l’amplification pourrait, si elle n’était contenue précisément par cet acteur informel, aboutir à l’explosion sociale », (1996 : 304) .

A ces avantages s’ajoutent selon Bahigiki, l’indépendance des entrepreneurs du secteur informel, leur liberté d’entreprendre, « ne dépendant ni d’un patron, ni d’un client ou

94 Par solidarité silencieuse, il faut entendre selon l’auteur, la solidarité qui n’emprunte pas les circuits médiatiques de l’Etat pour s’épanouir.

191 fournisseur influent », (Laleye, 1996 : 315), la culture de l’enrichissement par son travail par opposition à l’économie spéculative.

Par ailleurs, l’entreprise informelle a quelques limites selon l’auteur. En premier lieu, il y a « l’influence néfaste du système dominant ambiant, qui ne manque pas de déterminer l’évolution de l’entreprise informelle et de la conditionner fortement », (Laleye, 1996 : 317),. Ce secteur était au départ épargné des défauts du système formel comme les pots-de-vin, mais il est aujourd’hui dans cette même tendance. En deuxième lieu, « le faible niveau technique des entreprises informelles constitue un grand obstacle à leur épanouissement », (Laleye, 1996 : 318),. En troisième lieu, « l’entreprise informelle rencontre des limites dans sa spécificité même, c’est-à-dire dans sa volonté de satisfaire les besoins des populations de son entourage. Cette population ne dispose souvent que de bas revenus et de ce fait, elle ne permet pas l’épanouissement de beaucoup d’entreprises informelles, ou ne permet pas à celles qui vivent de prospérer ; elles restent ainsi faibles et créent ce qu’on a déjà qualifié d’économie précaire », (Laleye, 1996 : 318),

En somme, le secteur informel favorise le développement endogène. C’est un secteur qui assume certaines fonctions dévouées à l’Etat dans la résolution de différents problèmes cruciaux notamment le chômage, quand bien même, il contribue à la baisse du niveau de l’économie nationale en se soustrayant aux différentes charges liées aux taxes et impôts. Au finish, ces impacts négatifs de l’entreprise informelle interpellent directement le rôle de l’Etat dans l’économie d’un pays.

Pour Igué, l’économie des Etats issus de la colonisation est une économie dualiste « induite par le fait colonial qui se manifeste par des écarts dans le fonctionnement de la société entre les lettrés, bénéficiaires des avantages de l’école coloniale et les illettrés encore en marge du processus scolaire. En d’autres termes, l’école coloniale a développé d’autres logiques économiques et de gestion de la société qui ne sont pas encore accessibles à tout le monde », (2008 : 7).

L’"informalisation" des activités économiques dans les pays du Sud en général est donc une conséquence de la vision du colonisateur dans sa gestion territoriale. Le système de prélèvement était assez rigoureux et contraignant pour les populations : impôts de capitation, travaux forcés liés aux besoins d’équipements territoriaux, mise sur pied d’un nouveau mode de production économique reposant sur les besoins de l’Occident et non sur le bien-être des colonisés. Ces structurations n’ont pas été remises en cause après les indépendances occasionnant du coup dans ces Etats, « un secteur dit moderne

192 avec ses règles et ses exigences et un autre secteur traditionnel qualifié d’informel mais mieux adapté aux intérêts d’une importante couche de la population », Igué, 2008 : 40. De ce fait, l’Etat de nos jours a un rôle très important à jouer. L’auteur affirme d’ailleurs que : « le problème de relation entre l’Etat et le secteur informel repose désormais sur la capacité des autorités centrales et celles des structures décentralisées de l’Etat à proposer de nouvelles alternatives dans la gestion des sociétés dont ils ont la charge. Ces nouvelles alternatives doivent pouvoir mettre fin définitivement au caractère dualiste de l’économie et de la société. Cette exigence est devenue une impérative… », (2008 : 40).

Par ailleurs, Igué (2008 : 41) a démontré dans son étude que les entreprises du secteur informel participent à la comptabilité de l’économie nationale. Il affirme en effet que « la plupart des entreprises du secteur (informel), quelque soit leur taille et leurs revenus, paient bel et bien l’impôt. Toutes ont l’obligation vis-à-vis des services des impôts et ceux de la municipalité de payer des taxes. Ces taxes portent sur le droit de place, la patente et le BIC. Les types d’impôt auxquels ce secteur est astreint, varient d’une activité à une autre ».

Ainsi, à destination de l’Etat, les conducteurs de taxi- moto et de taxi- auto, paient les droits de taxi ; les artisans et commerçants, la patente et les droits de commerce, et les transporteurs, la taxe unique sur les transports routiers. Dans la caisse des municipalités, les artisans et commerçants paient les droits de place, les transporteurs, les droits de stationnement, tout comme les conducteurs de taxis-auto et moto. L’auteur précise aussi que le montant de ces impôts varie suivant plusieurs critères parmi lesquels, la taille de l’entreprise, la nationalité du chef de l’entreprise, le type d’activité. Il fonde d’ailleurs son argumentation sur la loi n°98/007 du 15 janvier 1999 portant régime financier des communes en République du Bénin, en son chapitre 2, section1, article 8 : « la création des impôts et taxes est du domaine de la loi. Le conseil communal par sa délibération en fixe les taux dans la limite du plafond déterminé par la loi des finances » , (Igué, 2008 : 41). En d’autres termes, les recettes communales doivent provenir en partie des taxes et impôts à prélever sur les services marchands. De ce point de vue de Igué, on est tenté de croire que le microcrédit contribue au développement par la fiscalité des communes.

L’informel favorise plutôt le développement personnel, le développement des bénéficiaires du microcrédit à travers le maintien de leurs activités économiques dont le revenu constitue une source parmi tant d’autres de leurs revenus de survie. A la base de

193 cette situation, se situe l’illettrisme qui handicape ces bénéficiaires du microcrédit dans la tenue de la comptabilité de leurs micro entreprises, et la petitesse de celle-ci qui ne leur permet pas de recruter un personnel comptable de niveau approprié pour les aider à s’acquitter de leurs obligations dans ce domaine.

En somme, l’autogestion du microcrédit, dans son manque de rigueur, enlise les bénéficiaires dans l’informel. Les petites entreprises favorisées par le microcrédit ne sont pas structurées en raison de la petitesse des fonds et ne sont pas obligatoirement contraintes de payer les impôts et autres taxes. Ce faisant, à l’état actuel de la problématique, le microcrédit semble devenir un facteur aliénant de ses bénéficiaires à travers les risques qu’il exige.