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Daniels a étudié la contribution des entreprises de très petites tailles à l’emploi, au revenu national, et au revenu des ménages au Kenya. Représentant 13 % du revenu national, ce secteur emploie un tiers des salariés. Malgré cette forte contribution, les bénéfices individuels sont inégaux : « Parmi les entreprises qui constituent la seule source de revenu du ménage, 72 % d’entre elles dégagent des ressources inférieures au niveau de la pauvreté extrême dans les zones urbaines et aucune ne fait plus que le niveau de l’extrême pauvreté », AFD, 2012 : 6.

Pour Guérin (AFD, 2012 : 7), des programmes de microcrédit ont été mis en place pour combattre les exclusions liées à la proportion des populations des pays en développement estimée entre 60 et 90%. C’est ainsi que des approches décentralisées prenant en compte les spécificités locales ont été développées. Ces approches ont permis à l’auteur de souligner les effets pervers et les dérives possibles du microcrédit.

59 Conçu au départ comme une facilité de paiement, les organismes d’aide au développement, mais aussi les banques privées l’utilisent pour en faire un moyen de financement du développement. Cependant, si ces crédits servent effectivement d’outil de développement, ceci dépend de plusieurs facteurs : du montant, du taux d’intérêt appliqué, du choix du bénéficiaire cible et de la forme de garantie choisie.

Pour sa part, Abega a démontré les limites des systèmes financiers décentralisés d’Afrique de l’Ouest lancés au Nigeria il y a une quarantaine d’années. Il s’agit selon l’auteur des systèmes de caution solidaires, des caisses villageoises d’épargne et de crédits, et des systèmes mutualistes. Ces systèmes financiers « se sont développés pour pallier la disparition des banques de développement et la réduction des crédits octroyés par les banques primaires. La loi-cadre de décembre 1993 appelée Projet d’Appui à la Réglementation des Mutuelles d’Epargne et de Crédit (PARMEC), a eu pour but de sécuriser les opérations par l’instauration de règles prudentielles propres, de protéger les déposants et de renforcer l’autonomie financière. En dépit des progrès réalisés, le volume des prêts demeure limité en termes macro-économiques et inférieur aux besoins des populations », AFD, 2012 : 4 .

Dans le même sens, Jeffrey analyse la commercialisation de la micro finance en Amérique Latine, « les conséquences, pour les différents acteurs, bailleurs de fonds, ONG, micro entrepreneurs, ainsi que les problèmes institutionnels ou de viabilité, sans oublier les relations avec le système bancaire classique », AFD, 2012 : 4 . Ceci fera également l'objet d'étude de Robinson, qui perçoit la micro finance comme une révolution permettant l’accès des populations actives, les plus pauvres, aux services financiers de base grâce à la structuration d’organisations financières compétitives et pérennes. Pour cet auteur, « l’émergence d’une industrie de la micro finance a de profondes implications sur le développement économique et social des populations, et, pour la première fois, dans l’histoire, le capital est en cours de démocratisation », AFD, 2012 : 5. Il s'agit, en fait, de la mutation des systèmes de crédit subventionnés par les gouvernements et bailleurs de fonds, vers un système d’institutions financières de micro finance autosuffisantes et proposant des services d’épargne volontaire et de crédit.

Pour renchérir cette même idée, Guerin (2005 : 55) retrace comment le continent asiatique a laissé développer, comme un vaste laboratoire, les pratiques de micro finance. Elle en tire la

60 conclusion que le microcrédit a contribué activement à l’amélioration du niveau de vie des pauvres, grâce à la lutte contre l'exclusion financière, à travers l’encouragement de l'"empowerment" des plus démuni(e)s. le microcrédit a également favorisé, la création d'activités de production et d'échange au profit de la croissance économique des pays les moins riches, avec comme exemples, les cas de l’Inde, du Cambodge, du Laos, du Vietnam et de la Chine. Son étude s’est basée sur l'institutionnalisation de pratiques sociales, l'articulation avec les politiques publiques et la lutte contre les inégalités et les discriminations.

Aidan et Arthur (1998) quant à eux, ont comparé six (06) anciennes institutions de micro finance ayant opéré dans quatre pays européens, (Angleterre, Allemagne, Irlande et Italie), à des moments divers, avec des succès variables. Ces deux auteurs ont tenté d’identifier les caractéristiques institutionnelles qui conduisent au succès et à la pérennité, tout en montrant que les institutions dont les ressources proviennent des collectes de dons, sont plus fragiles que celles dont les ressources émanent des déposants. Cette analyse historique permet d’étudier les caractéristiques d’institutions viables et pérennes, sur une longue période, possibilité assez rare, compte tenu de la relative jeunesse des institutions nées de programmes modernes de microcrédit et dont les plus anciennes ont une quinzaine d’années d’existence.

La plupart de ces auteurs ont vanté les mérites du microcrédit et déterminé sa capacité à aider les pauvres à améliorer leurs conditions d’existence. Néanmoins, ces perceptions demeurent présentistes dans la mesure où les bénéficiaires du microcrédit sont toujours, pour le cas de notre aire d’étude, dans la paupérisation. Elles ne s’interrogent point sur ce qu’il en sera des bénéficiaires du microcrédit dans le futur, ni sur l’avenir du microcrédit et dans quelles conditions il peut induire un développement réel ou encore une lutte améliorée contre la pauvreté. C’est ce que démontrera la présente thèse.

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- Le microcrédit comme instrument de lutte contre la pauvreté :