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- Le microcrédit : un prêt à remboursement complexe

Aminur (AFD, 2012 : 6 ) montre, à travers ses recherches anthropologiques sur les programmes de la Grameen Bank, que les objectifs assignés aux employés de la banque, les obligent à « développer le portefeuille de prêts, à augmenter les octrois de crédits auprès des membres, à les contraindre à honorer les remboursements, à respecter un ratio élevé de remboursement des prêts qui permette d’engranger les profits indispensables à la viabilité de l’institution. De très fortes pressions sont exercées sur la clientèle féminine. L’étude montre que beaucoup d’emprunteurs honorent leur tableau de remboursement du crédit au prix d’un processus de recyclage des prêts qui accroît, considérablement, les dettes de chaque ménage et peut générer des tensions et des frustrations parmi les membres, produire une forme de domination sur les femmes et augmenter certaines formes de violence dans la société » .

Mais l’auteur n’a pas pu situer les conditions de remboursement qui favoriseraient moins de tensions sociales. Il a juste adopté une démarche descriptive qui limite l’appréhension du sujet dans sa globalité. La présente recherche permettra de combler ce vide scientifique.

- Le secteur informel et le développement

Pour Beauchamp, l’économie informelle existait avant les indépendances des pays africains. Elle n’était pas certes nommée comme telle, mais était déjà une réalité. Pour la définir, il considère le point de vue de trois (03) auteurs en comparaison avec l’économie formelle :

- Pour Hugon, l’économie informelle ou le secteur informel est « un ensemble d’organisations à petite échelle où le salariat est absent (ou limité), où le capital avancé est faible, mais où il y a néanmoins circulation monétaire et production de biens et services onéreux. Les règles dominantes ne sont pas salariales, mais coutumières, hiérarchiques, affectives… », Beauchamp, 1997 : 81.

- Aryeetey : l’économie informelle « se caractérise par un nombre d’employés inférieur à quatre personnes. La plupart des activités réelles informelles sont

63 caractérisées par un travail indépendant et peu d’administrations. Elles ne sont presque jamais enregistrées par les autorités nationales », Beauchamp, 1997 : 81.

- Enfin, Lautier « suggère deux critères pour définir l’économie informelle, soit la petite taille et le respect de la loi qui peut se vérifier, par exemple, par la non-inscription dans des registres, le non-paiement d’impôts, l’inexistence d’une comptabilité normalisée ou la non-déclaration auprès de la sécurité sociale. », Beauchamp, 1997 : 81.

Partant de ces trois (03) définitions, Beauchamp retient comme caractéristiques de l’économie informelle : la petite taille, l’illégalité, l’absence ou la faible présence du salariat et de l’administration. Il s’est alors interrogé sur la contribution de l’économie informelle au développement. Il en déduit que l’économie informelle est pourvoyeuse d’emploi et l’illustre par les chiffres de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) qui a affirmé que près de 60% de la population active de l’Afrique subsaharienne trouve un emploi dans les entreprises du secteur informel. Pour la Banque mondiale, poursuit-il, « entre 1990 et 2020 le taux annuel de croissance de l’emploi dans le secteur informel sera de 6 % alors qu’il ne sera que de 3,4% dans le secteur formel », Beauchamp, 1997 : 82. Mais cela ne signifie pas pour autant que l’économie informelle est un moteur de développement. La réponse doit être nuancée en référence au développement comme « transformation des divers paliers de la réalité sociale au profit de l’ensemble de la population » (Beauchamp, 1997 : 82) ou comme croissance économique.

En partant de deux obstacles au développement de l’Afrique à savoir la faible demande intérieure pour des biens et services et le manque d’entrepreneurs privés, Beauchamp démontre que l’économie informelle contribue « principalement à la survie de nombreux individus et familles d’Afrique, ce qui suffit à lui assurer une bonne réputation dans un contexte où l’Etat se désengage et où l’économie privée formelle hésite à prendre la relève, surtout à lancer des entreprises créatrices d’emplois », Beauchamp, 1997 : 83.

En un mot, l’économie informelle ne favorise que le développement à l’état personnel. Elle ne donne pas accès à la société de consommation parce que orientée vers le recrutement de cadres de la famille élargie sous la forme de solidarité traditionnelle « qui conduisent par exemple des patrons à faire des dons ou à accorder des prêts à bas taux d’intérêt », Beauchamp, 1997 : 83.

64 Beauchamp rapporte par ailleurs le point de vue de Aryeety sur le rôle de l’économie informelle dans le développement : « l’expansion rapide des activités du secteur informel ne devrait pas nécessairement mener à une croissance rapide et durable de l’économie nationale à long terme » (Beauchamp, 1997 : 83). Cet auteur remet donc en cause l’économie informelle comme voie assurée de développement ; et à Beauchamp de conclure que l’économie informelle échappe entièrement à l’Etat et l’affaiblit davantage, « avec le risque qu’une bonne partie des Africains soient condamnés à seulement survivre, que la pauvreté s’accentue et que l’Afrique n’accède pas au développement ,» Beauchamp, 1997 : 86.

Villers (1996 : 79) a tenté de dépasser l’opinion de Beauchamp en définissant les rapports entre l’informel et le développement sur les bases individuelle et communautaire. Il affirme que « l’informel articule et combine une logique de type communautaire et une logique de type individualiste, donc quand on oppose ces termes sur un mode idéal typique, une logique traditionnelle et une logique moderne. En Afrique, les acteurs de la société informelle (de la société en tant qu’elle se dérobe au cadre juridique et institutionnel officialisé par l’Etat), sont constamment soumis à des obligations communautaires, ne peuvent échapper à la pression sociale, mais la diversité socioculturelle (diversité ethnique, linguistique, religieuse…), la souplesse des cadres sociaux, la mobilité géographique et sociale sont souvent telles que l’individu peut jouer de son appartenance à des réseaux multiples, des équivalences et concurrences entre ces réseaux, et, s’autonomisant ainsi par rapport à tout groupement particulier, mettre sa capacité à mobiliser des liens sociaux au service d’une stratégie de survie ou de promotion de type individualiste ».

En d’autres termes, l’informel n’est pas la voie du développement mais plutôt dans l’informel « il faut apprendre à bricoler. Mais pas seulement dans l’informel. Il faut aussi apprendre à bricoler des liens entre le formel et l’informel, apprendre à articuler, combiner, concilier, par exemple, la logique "rationnelle-légale" de la modernité occidentale et les logiques « affectives », les programmes et projets conçus dans le cadre des bureaucraties et des grandes entreprises aux outillages complexes et performants et le tissu des micro-activités de l’économie populaire, la culture de la démocratie représentative et celle de l’arbre à palabre… », Villers, 1996 : 80. L’informel selon Villers s’inscrit dans une approche dualiste qui combine la logique de l’ "homo oeconomicus" et celle de l’"homo situs".

Ce secteur important va-t-il-demeurer comme tel jouxtant l’Etat dans l’exercice de ces prérogatives d’Etat régalien ? Est-il pour autant un facteur ou mieux le facteur le plus

65 important du développement personnel des bénéficiaires ? De plus, les auteurs sus-cités dans ce sous titre n’ont en aucun cas précisé la source de financement du secteur informel. Voilà quelques préoccupations auxquelles vient répondre la présente thèse grâce à une démarche méthodologique bien précise.

Quelle est alors la base méthodologique de la présente recherche ?