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Section II - La conception patrimoniale de la technologie

B. La technologie et sa forme d’expression

1. Le statut juridique du créateur

128. Cette première distinction se fait en prenant en compte la personne du créateur de l’œuvre, et ses intentions. A-t-il créé l’œuvre à son compte (a) ou pour celui d’un employeur ou un donneur d’ordre (b)234 ?

232 J.-L. BERGEL, M. BRUCHI, S. CIMAMONTI, Traité de droit civil, Les biens, Paris : LGDJ, 2019, p. 169.

233 N. BINCTIN, Droit de la propriété intellectuelle, Issy-les-Moulineaux : LGDJ, 2016, p. 113.

234 P. CATALA, « Chapitre 14 - La propriété de l’information », Mélanges offerts à P. Raymond, Paris : Éd. Dalloz, 1995, pp. 245-262, p. spéc. 19.

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a. Son auteur

129. La première personne à qui nous pouvons attribuer une technologie, est celle qui est à l’origine de cette technologie. En d’autres termes, c’est la personne qui formule ou créée la technologie. L’article 611-6 du code de la propriété intellectuelle (ci-après CPI) poursuit cette logique concernant les technologies brevetées : « Le droit au titre de propriété industrielle

(…) appartient à l'inventeur, ou à son ayant cause (… ) ». L'attribution à l'auteur d’une

chose, produit du travail de ce dernier, constitue une application de la règle is quid fecit, c'est-à-dire du principe d'établissement d'un droit entre tout créateur et sa création immatérielle, dès lors que celle-ci constitue une entité identifiable, isolable et porteuse d'utilités235.

130. Ce sujet peut aussi être développé dans le cadre de créations de groupe où plusieurs personnes ont contribué à la formulation de l’œuvre, et donc la question d’une copropriété se poserait236. C’est notamment le cas, quand deux ou plusieurs entreprises contribuent au développement d’une technologie dans le cadre d’un accord de recherche et développement. Il faudra alors voir, étant donné la part de travail de chacune de ces entreprises, et le rôle respectif que chacune a eu dans la mise en place d’une nouveauté technologique, si le droit est partagé entre elles ou si elles ont chacune un droit (de propriété ou pas) intégral sur la chose.

b. Une autre personne que l’auteur

131. La technologie est parfois attribuée à une autre personne que son auteur, en raison des conventions que celui-ci a passées ou du statut qu’il occupe. Certaines relations juridiques peuvent alors déplacer l’appropriation de l’œuvre :

i. Dans le cadre d’un contrat de travail

235 T. REVET, « Notion de bien : tout produit de l’activité intellectuelle constitue un bien », RTD Civ. 2005, p. spéc. 164.

236 P. CATALA, « Chapitre 14 - La propriété de l’information », Mélanges offerts à P. Raymond, ville : Éd. Dalloz, 1995, pp. 245-262, p. spéc. 21.

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132. Le CPI dans son article L. 611-7 attribue, sauf cas d’exception, la technologie brevetée du salarié à son employeur237. Ce principe est suivi par la jurisprudence238 et la doctrine239 sur ce qui concerne d’autres connaissances techniques (non brevetées) développées par un salarié. Une intervention légale spéciale est alors nécessaire lorsqu'il est souhaité que le salarié devienne l'auteur juridique des biens qu'il crée dans le cadre de son emploi240.

ii. Dans le cadre d’un contrat de louage d’ouvrage

133. La mis en œuvre d’une technologie peut être l’objet d’un contrat d’entreprise, dans lequel un entrepreneur se doit de créer des connaissances techniques pour le maître de l’ouvrage. Dans ce cas, ce qui est créé à l’issu de cette prestation de service est attribué au

237 « Si l’inventeur est un salarié, le droit au titre de propriété industrielle, à défaut de stipulation contractuelle plus favorable au salarié, est défini selon les dispositions ci-après :

1. Les inventions faites par le salarié dans l’exécution soit d’un contrat de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives, soit d’études et de recherches qui lui sont explicitement confiées, appartiennent à l’employeur. L’employeur informe le salarié auteur d’une telle invention lorsque cette dernière fait l’objet du dépôt d’une demande de titre de propriété industrielle et lors de la délivrance, le cas échéant, de ce titre. Les conditions dans lesquelles le salarié, auteur d’une invention appartenant à l’employeur, bénéficie d’une rémunération supplémentaire sont déterminées par les conventions collectives, les accords d’entreprise et les contrats individuels de travail.

Si l’employeur n’est pas soumis à une convention collective de branche, tout litige relatif à la rémunération supplémentaire est soumis à la commission de conciliation instituée par l’article L. 615-21 ou au tribunal de grande instance.

2. Toutes les autres inventions appartiennent au salarié. Toutefois, lorsqu’une invention est faite par un salarié soit dans le cours de l’exécution de ses fonctions, soit dans le domaine des activités de l’entreprise, soit par la connaissance ou l’utilisation des techniques ou de moyens spécifiques à l’entreprise, ou de données procurées par elle, l’employeur a le droit, dans des conditions et délais fixés par décret en Conseil d’Etat, de se faire attribuer la propriété ou la jouissance de tout ou partie des droits attachés au brevet protégeant l’invention de son salarié.

Le salarié doit en obtenir un juste prix qui, à défaut d’accord entre les parties, est fixé par la commission de conciliation instituée par l’article L. 615-21 ou par le tribunal de grande instance : ceux-ci prendront en considération tous éléments qui pourront leur être fournis notamment par l’employeur et par le salarié, pour calculer le juste prix tant en fonction des apports initiaux de l’un et de l’autre que de l’utilité industrielle et commerciale de l’invention.

3. Le salarié auteur d’une invention en informe son employeur qui en accuse réception selon des modalités et des délais fixés par voie réglementaire.

Le salarié et l’employeur doivent se communiquer tous renseignements utiles sur l’invention en cause. Ils doivent s’abstenir de toute divulgation de nature à compromettre en tout ou en partie l’exercice des droits conférés par le présent livre. ».

Tout accord entre le salarié et son employeur ayant pour objet une invention de salarié doit, à peine de nullité, être constaté par écrit.

4. Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’Etat.

5. Les dispositions du présent article sont également applicables aux agents de l’Etat, des collectivités publiques et de toutes autres personnes morales de droit public, selon des modalités qui sont fixées par décret en Conseil d’Etat. »

238 Paris, 17 septembre 2003.

239 T. REVET, « Notion de bien : tout produit de l’activité intellectuelle constitue un bien », RTD Civ.,, 2005, p. spéc.164.

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commanditaire241. Néanmoins, il faut noter qu’un contrat de licence de production ne peut pas être interprété comme un contrat par lequel une substitution d’attribution est réalisée, car la prestation dans cet accord consiste à la production d’une chose technologique (et immatérielle) déjà créée et non à la création propre de cette chose. Cependant la production propre de connaissances techniques dans le cadre d’un accord de R&D pour le compte d’un commanditaire, entre parfaitement dans ce thème.