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La revendication et son interprétation par la description et les dessins

Section I - Les effets de la protection de la technologie par le brevet d’invention

A. La revendication et son interprétation par la description et les dessins

320. Pour analyser en quoi consiste un corps de revendications (4) dans une demande de brevet, il convient d’abord étudier les autres éléments de la demande que sont la requête (1), la description (2) et les dessins (3).

1. La requête en délivrance

321. La requête est le document par lequel le déposant exprime sa volonté de demander un titre de propriété industrielle. Une requête comporte selon l’article L. 612-2 a du CPI481 « une

indication selon laquelle un brevet est demandé ». Il est établi sur formulaire administratif et

doit être composé selon l’article R. 612-10 du CPI d’un certain nombre d’éléments obligatoires :

322. La nature du titre demandé : Il s’agit de voir pour quelle catégorie d’invention, objet de l’article L. 611-2 la demande est-elle effectuée : un brevet, un certificat d’utilité, ou un certificat complémentaire de protection.

323. Le titre de l’invention : C’est en quelque sorte l’intitulé de l’invention, qui fait apparaître « de manière claire et concise la désignation technique de l'invention et ne

comportant aucune dénomination de fantaisie ». Ce titre a pour objet de permettre la

classification du brevet.

324. La nature du titre demandé et le titre de l’invention se complètent dans la requête par :

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« 3° La désignation de l'inventeur : toutefois, si le demandeur n'est pas l'inventeur ou

l'unique inventeur, la désignation est effectuée dans un document séparé contenant les nom, prénoms et domicile de l'inventeur ainsi que la signature du demandeur ou de son mandataire ;

4° Les nom et prénoms du demandeur, sa nationalité, son domicile ou son siège ; 5° Le nom et l'adresse du mandataire, s'il en est constitué ».482

2. La description

325. L’article L. 612-5, alinéa 1 conforme aux articles 29 1 de l’ADPIC483 et 83 de la CBE dispose que « l'invention doit être exposée dans la demande de brevet de façon suffisamment

claire et complète ». La description est une pièce clé de la demande de brevet. Quand la

demande est publiée et rendue publique, la description des connaissances techniques vient enrichir l’état de l’art et contribue au progrès technique de la société. Et la protection conférée à l’invention n’est que la contrepartie de cette contribution484. Il est donc primordial que l’invention soit très précisément décrite dans la demande ; à défaut, l’invention n’est pas, ou pas pleinement, divulguée, de telle sorte que l’octroi du droit exclusif ne se justifie plus485.

326. La description suffisante. Selon l’article L. 612-5, la description suffisamment claire et complète de l’invention doit être faite, de manière « qu'un homme du métier486 puisse l'exécuter ». Par l’exécution par l’homme du métier, l’article veut dire la mise en œuvre et la

reproduction de l’invention par l’homme du métier. C’est à dire qu’il puisse le réaliser avec ses connaissances professionnelles normales théoriques et pratiques, auxquelles s’ajoutent

482 D’autres éléments peuvent, le cas échéant, s’ajouter dans la requête de délivrance selon l’art. R. 612-11 al. 1 : « La requête en délivrance est complétée, le cas échéant, par les indications relatives :

1° A la réduction du taux des redevances accordée au demandeur ou requise par lui ; 2° Aux dépôts antérieurs dont les éléments ont été éventuellement repris ;

3° Aux priorités revendiquées ;

4° A la présentation de l'invention dans une exposition officielle ou officiellement reconnue ».

483 Art. 29 1 ADPIC :

« Les Membres exigeront du déposant d'une demande de brevet qu'il divulgue l'invention d'une manière

suffisamment claire et complète pour qu'une personne du métier puisse l'exécuter, et pourront exiger de lui

qu'il indique la meilleure manière d'exécuter l'invention connue de l'inventeur à la date du dépôt ou, dans les cas où la priorité est revendiquée, à la date de priorité de la demande ».

484 J. RAYNARD, E. PY, P. TRÉFIGNY, Droit de la propriété industrielle, Paris : LexisNexis, 2016, p. 97.

485 J. PASSA, Traité de droit de la propriété industrielle, Paris : LGDJ, T. 2, 2013, p. 352.

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celles qui sont citées dans le brevet487 sans difficultés excessives488. Mais ceci ne veut pas dire que la description doit contenir toutes les informations nécessaires à la reproduction de l’invention. Il suffit qu’elle contienne les éléments indispensables à l’homme du métier pour les reproduire489. En conséquence, peut importe si la description elle-même ne comporte pas certaines indications, même relatives à des éléments indispensables au fonctionnement de l’invention, si l’homme du métier peut le déduire sans effort, du reste de la description, des dessins ou des connaissances qu’il a comme spécialiste moyen du secteur en question.

327. Si l’invention n’est pas décrite de cette façon, elle pourra « être déclaré nul par décision

de justice » comme le dispose l’article L. 613-25 du CPI. L’OBE ayant un plus large pouvoir

d’examen que l’INPI, elle peut même rejeter selon les dispositions de l’article 97 de la CBE une demande de brevet en raison d’insuffisance de la description.

328. Le rapport entre la description et les revendications. La suffisance de l’exposé de l’invention doit se faire sur la base du contenu global de la demande de brevet490. Et l’élément clé de ce contenu est le corps de revendications. Mais le rôle essentiel de la description est de servir de support ou soutien aux revendications491, qui définissent selon l’article L. 612-3 du CPI l’objet et les limites de la protection privative du brevet d’invention492. Selon cet article « la description et les dessins servent à interpréter les

revendications ».

329. Le contenu de la description. Les articles R. 612-12 et R. 612-13 conformes à la règle 42 de la CBE, énumèrent le contenu de la description du brevet :

« 1° L'indication du domaine technique auquel se rapporte l'invention ;

2° L'indication de l'état de la technique antérieure, connu du demandeur, pouvant être considérée comme utile pour l'intelligence de l'invention et pour l'établissement du rapport de recherche ; les documents servant à refléter l'état de la technique antérieure sont, autant que possible, cités ;

487 Paris, 29 novembre 1995, PIBD 1996, 605, III, 89.

488 Paris, 27 octobre 2010, PIBD 2010, n° 930, III, 801.

489 Paris, 6 janvier 2006, PIBD 2006, n° 828, III, 160.

490 Paris, 10 mars 2004, PIBD 2004, n° 878, III, 315.

491 Selon les art. L. 612-6 et L. 612-12, 8° conformes à l’art. 84 CBE.

129 3° Un exposé de l'invention, telle que caractérisée dans les revendications, permettant la compréhension du problème technique ainsi que la solution qui lui est apportée ; sont indiqués, le cas échéant, les avantages de l'invention par rapport à l'état de la technique antérieure ;

4° Une brève description des dessins, s'il en existe ;

5° Un exposé détaillé d'au moins un mode de réalisation de l'invention ; l'exposé est en principe assorti d'exemples et de références aux dessins, s'il en existe ;

6° L'indication de la manière dont l'invention est susceptible d'application industrielle, si cette application ne résulte pas à l'évidence de la description ou de la nature de l'invention. »493

En cinquième lieu, la description doit divulguer au minimum un mode de réalisation de l’invention. Le point à prendre en considération est que l’inventeur n’a pas à exposer le mode le plus optimal de la réalisation de l’invention et peut garder secrète cette connaissance, comme un savoir-faire qu’il pourra utiliser, ou le communiquer en même temps qu’un accord de licence494. Le législateur français a décidé d’opter pour cette voie tandis que l’ADPIC dans son article 29 1 a laissé le choix aux membres d’exiger au demandeur de brevet d’indiquer « la meilleure manière d'exécuter l'invention ».

3. Les dessins

330. Les dessins sont des éléments facultatifs qui peuvent compléter la description de l’invention495 et servir à « interpréter les revendications » d’après le dispositif de l’article L. 612-3. Ils sont souvent employés par les inventeurs pour éclaircir les différents aspects technologiques de l’invention.

493 L’article R. 612-13 cite aussi d’autres éléments qui peuvent figurer en annexe à la fin de la description : « 1° De courts extraits de programmes d'ordinateurs présentés sous forme de listages rédigés en langages de programmation courants, lorsqu'ils sont nécessaires à la compréhension de l'invention ;

2° Des listes de séquences de nucléotides et/ou d'acides aminés ; 3° Des formules chimiques ou mathématiques.

Les schémas d'étapes de processus, les diagrammes ainsi que les courts extraits de programmes d'ordinateurs présentés sous forme d'organigrammes nécessaires à la compréhension de l'invention sont considérés comme des dessins. ».

494 V. infra. n° 353.

495 Art R. 612-3 : « La demande de brevet comprend une requête en délivrance de brevet … et à laquelle sont annexés une description de l'invention, accompagnée le cas échéant de dessins … ».

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4. Les revendications

331. « Les revendications définissent l'objet de la protection » de l’invention selon les articles L. 612-6 et R. 612-16 conformes à la règle 43 de la CBE. Ils déterminent « l’étendue de la

protection conférée par le brevet » tandis que « la description et les dessins servent à interpréter les revendications »496.

Premièrement, les revendications ne sont pas qu’interprétées à la lumière de la description (et des dessins), mais aussi comme indiqué précédemment, ils doivent « se fonder sur la

description »497. La description doit constituer le support des revendications. Donc, ne sera pas admis un élément décrit dans les revendications mais n’étant pas indiqué dans la description498. De même, ne seront pas protégés par le brevet des savoirs techniques exposés dans la description mais n’étant pas revendiqués par le demandeur.

Deuxièmement, n’est protégé que ce qui est revendiqué, et toute autre connaissance technique relative à l’invention n’aura pas de protection sous le régime du brevet d’invention. Les limites de la protection sont définies par les revendications. En dehors de ces limites, une exploitation par un tiers d’une technologie relative à l’invention, mais pas revendiquée par le demandeur n’est pas considérée comme un acte de contrefaçon. Mais ceci ne veut pas dire que le demandeur doit pousser ses revendications à un niveau extrême, car il peut tomber sous la protection d’un brevet antérieur et risquer une annulation par la justice.

332. Le contenu du corps de revendications. Une demande de brevet est constituée d’un corps de revendications comprenant une, ou plus souvent, plusieurs revendications. Chaque revendication se présente sous la forme d’une phrase ou formule par laquelle le demandeur précise le ou les moyens de l’invention. Elle est constituée selon les dispositifs de l’article R. 612-17 du CPI de deux parties obligatoires :

496 Art. L. 613-2, al. 1 CPI.

497 Art. L. 612-6 CPI conforme à l’art. 84 CBE.

498 Art. L. 612-12, 8° CPI : « Est rejetée, en tout ou partie, toute demande de brevet … dont les revendications ne se fondent pas sur la description. ».

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« 1° Un préambule mentionnant la désignation de l'objet de l'invention et les

caractéristiques techniques qui sont nécessaires à la définition des éléments revendiqués mais qui, combinées entre elles, font partie de l'état de la technique ; 2° Une partie caractérisante, précédée d'une expression du type "caractérisé par", exposant les caractéristiques techniques qui, en liaison avec les caractéristiques prévues au 1°, sont celles pour lesquelles la protection est recherchée.

Toutefois, il peut être procédé de façon différente si la nature de l'invention le justifie. »499

La partie caractérisante, se combinant avec le préambule, fixe les limites de la protection.