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Section I - Les effets de la protection de la technologie par le brevet d’invention

D. La fourniture de moyens d’exploitation du brevet

281. Le CPI dans son article L. 613-4, prévoit aussi un dispositif spécial concernant l’interdiction de la contrefaçon d’un brevet par la fourniture de moyens :

« 1. Est également interdite, à défaut de consentement du propriétaire du brevet, la livraison

ou l'offre de livraison, sur le territoire français, à une personne autre que celles habilitées à exploiter l'invention brevetée, des moyens de mise en œuvre, sur ce territoire, de cette invention se rapportant à un élément essentiel de celle-ci, lorsque le tiers sait ou lorsque les circonstances rendent évident que ces moyens sont aptes et destinés à cette mise en œuvre. 2. Les dispositions du 1 ne sont pas applicables lorsque les moyens de mise en œuvre sont des produits qui se trouvent couramment dans le commerce, sauf si le tiers incite la personne à qui il livre à commettre des actes interdits par l’article L. 613-3.

3. Ne sont pas considérées comme personnes habilitées à exploiter l'invention, au sens du 1, celles qui accomplissent les actes visés aux a, b et c de l’article L. 613-5. »

282. Cette disposition trouve ses origines dans l’article 30 de La Convention de Luxembourg sur le brevet communautaire de 1975. Elle est cependant une règle spéciale et dérogatoire au droit commun des brevets et doit être interprétée strictement. Plusieurs éléments et conditions sont employés dans l’article :

283. La livraison et l’offre de livraison. La livraison doit être interprétée comme la provision. En d’autres termes, il s’agit du transfert de la détention matérielle, avec lequel vient le transfert de propriété. Selon notre interprétation stricte du texte, l’émetteur est l’entité qui s’occupe de la distribution et non le fabriquant initial indépendant450. Quant à l’offre de livraison, il s’agira d’une recommandation à un prospect, des actes comme le démarchage, la promotion ou la recommandation451 des moyens de mise en œuvre d’une invention.

450 J. PASSA, Traité de droit de la propriété industrielle, Paris : LGDJ, T. 2, 2013, p. 557.

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284. Les moyens. Les moyens sont, en fait, une ou plusieurs technologies constitutives d’une invention brevetée. Ces moyens constitutifs peuvent eux-mêmes être brevetés, protégés par le droit d’auteur ou être dans le domaine public et ultérieurement agencés et montés pour aboutir à un dispositif breveté452. Ils ne peuvent cependant pas être des savoir-faire et secrets d’affaires, car ils sont divulgués dans le brevet du produit ou procédé final.

285. L’élément essentiel. L’élément essentiel constitutif de l’invention n’est pas clair dans le texte. La jurisprudence a eu le devoir de l’interpréter à plusieurs reprises et le considère comme l’élément qui participe au résultat de l’invention453. La mise à disposition de logiciel nécessaire à la mise en œuvre d’une invention brevetée est une fourniture d’élément essentiel454. Mais la fourniture d’une cartouche déminéralisant pour un fer à repasser n’est pas une contrefaçon, car elle n’est pas considérée comme un élément essentiel455.

286. Des produits courants dans le commerce. Un produit technologique peut être constitutif d’une invention et participer à son résultat, mais en même temps être un produit courant dans le marché et avoir de multiples usages. Dans ce cas, sauf en cas d’incitation du distributeur à commettre les actes prévus à l’article L. 613-3, la livraison de ces produits ne constitue pas une contrefaçon.

287. Le territoire. Pour entrer dans le dispositif la distribution doit avoir lieu sur le territoire français. La question se pose alors pour un transfert international d’une technologie étant un élément essentiel d’une invention française. Prenons le cas d’une société étrangère qui vend ou démarche un client français pour lui transférer une technologie constitutive d’un brevet français. Si l’action a eu lieu en France elle est considérée comme contrefaçon. Cependant l’acte peut avoir lieu à l’étranger pour échapper à ce dispositif mais ira sous la sanction d’une importation contrefaisante une fois importé sur le territoire français. Il faut aussi noter que si la fabrication a été licitement réalisée à l’étranger et destinée à être conditionnée en France, l’acte sera une contrefaçon sous le dispositif de l’article L. 613-4456. Une livraison ou offre de

452 Civ., 26 juillet 1861, Ann. propr. ind., 1861, p. 289 ; Cass. Reg., 14 aout 1937, Ann. propr. ind. 1937 p. 194.

453 TGI Paris, 16 mars 2004, PIBD 2004, n° 789, III, 279 ; Paris, 4 mars 2009, PIBD 2009, n° 895, III, 593.

454 TGI Paris, 29 octobre 2008, PIBD 2009, 887, III, 723 ; Paris, 28 février 1977 : PIBD 1977, 200, III, 363.

455 Lyon 19 septembre 2002, PIBD 2003, III, 281 ; Propr. ind. 2003, com. 47.

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livraison peut aussi se faire en France mais à destination de l’étranger. Dans ce cas il échappe aux prévisions du texte457.

288. La connaissance de cause. L’article prévoit explicitement que l’action doit avoir lieu en connaissance de cause : « lorsque le tiers sait ou lorsque les circonstances rendent évident

que ces moyens sont aptes et destinés à cette mise en œuvre ».

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Section II - L’étendue de la protection de la technologie conférée par le brevet d’invention

289. Dans ce paragraphe nous étudions l’étendue de la protection conférée à la technologie brevetée. En d’autres termes, notre analyse se porte sur les limites de la protection par le régime des brevets. Certaines limites sont dues au titre de brevet (§ 1), tandis que d’autres proviennent de la demande formulée par le brevetée et des revendications qu’il a lui-même formulées auprès de l’office de délivrance des brevets (§ 2).458

§ 1 - L’étendue de la protection conférée au titre de brevet d’invention

290. Certaines limites au brevet sont du domaine temporel ou territorial (A) tandis que d’autres touchent à la relation des tiers avec l’invention brevetée (B).