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445. Après avoir étudié la production de la technologie, le temps est venu de voir quels sont ces mécanismes de transfert entre des acteurs internationaux du commerce. En d’autres termes, voir comment la propriété, la possession, et/ou la maitrise de la technologie est transmise d’un protagoniste à un autre.

446. En effet, le moyen classique d’acquisition de la technologie se fait par la voie de la recherche et du développement. Cependant, l’élaboration d’une technologie en interne peut s’avérer coûteuse et risquée, même si elle a comme avantage de donner à son détenteur une avancée technologique par rapport à la concurrence, et évite une dépendance à l’égard d’une autre entreprise. De ce fait, pour cause de non-spécialisation et de non-rentabilité, il est souvent préférable de procéder par les véhicules du transfert, pour acquérir des technologies nouvelles664. Ceci dit, les entreprises peuvent aussi associer ces deux stratégies pour acquérir une position optimale sur le marché665.

447. La définition. Les textes comme la doctrine ont proposé des définitions pour le « transfert de technologie ». En effet, sa définition peut varier en fonction du contexte :

448. Dans un contexte purement scientifique et universitaire, il serait défini ainsi : « Transfert

de découvertes scientifiques par un organisme à un autre, à des fins de développement et de commercialisation »666. Ce transfert s’effectue généralement au moyen d’un contrat par

664 F. ALIZADA, « Protection of Know-How in Oil and Gas Technology Transfer - Contractual and Regulatory Issues », SSRN, 2016, p. 9.

665 OMPI, « Aperçu des accords contractuels de transfert de technologie »,

http://www.wipo.int/export/sites/www/sme/fr/documents/pdf/technology_transfer.pdf, n° spéc. 6, consulté le

18/12/ 2017.

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lequel l’institution universitaire ou le centre de recherche concède à une entreprise privée ou à un organisme public une licence sur des droits de propriété intellectuelle667, et/ou lui communique des savoir-faire non brevetés.

449. Dans un contexte interétatique, le transfert de technologie est défini comme un transfert d’idées, de pratiques, d’objets, de savoir-faire et de savoirs techniques d’un pays développé à un pays en voie de développement668. Ce transfert se fait via des ensembles contractuels complexes entre les États (ou les sociétés étatiques 669) des pays récepteurs et les multinationales des pays émetteurs de la technologie.

450. Suivant l’importance du transfert de technologie envisagé, d’autres définitions plus ou moins similaires sont présentées par les auteurs. Selon Jacques-Henri Gaudin, « le transfert

de technologie est la communication de connaissances sous une forme complète, organisée, expliquée, à quelqu’un qui est plus ou moins prêt à les recevoir et à les assimiler, et en assumant éventuellement des responsabilités dans le résultat d’exploitation qui sera atteint chez le receveur »670.

L’OMPI, de son côté le définit dans un article comme « le processus par lequel une

technologie, des compétences, un savoir-faire ou des installations mis au point par un particulier, une entreprise ou organisation sont transférés à une autre personne, entreprise ou organisation. Un transfert de technologie fructueux débouche sur la commercialisation d’un nouveau produit ou service ou sur l’amélioration d’un produit ou procédé existant »671.

Pour Daniel Rouach, il s’agit d’« un processus au cours duquel un système technologique et

un ensemble de savoirs transmis avec un objectif de profitabilité se réalisent dans le but de donner au récepteur la capacité de reproduire la technologie en jeu ». Ce dernier définit

aussi le « management du transfert de technologie », qui selon lui est l’« art de transmettre

667 OMPI, « Transfert de technologie et développement », Magazine de l’OMPI, septembre 2006, disponible sur

http://www.wipo.int/wipo_magazine/fr/2006/05/article_0005.html, consulté le 10/02/2020.

668 A. HASSAN, Y. JAMALUDDIN, K. MENSHAWI, « International technology transfer models: a comparison study », Journal of Theoretical and Applied Information Technology, 10 août 2015, vol. 78, n° 1. 2015, pp. 95-105, p. spéc. 95.

669 Comme les sociétés nationales dans l’industrie pétrolière.

670 J.-H. GAUDIN, L’ingénierie des licences et des coopérations industrielles, Paris : Litec, 1993, p. 42.

671 OMPI, « Aperçu des accords contractuels de transfert de technologie », disponible sur

175 méthodiquement et progressivement le cadre du développement produit et/ou marchés de l’entreprise (internationalisation, délocalisation, diversification) et avec un objectif de profitabilité des technologies et des savoirs, savoir-faire, méthodes formalisées (documentations techniques, logiciels, marques, brevets) ou tacites (apprentissage organisationnel) permettant au récepteur de s’approprier et de rentabiliser de nouveaux processus (de production, d’innovation), des techniques marketing, management, (comptabilité) et des compétences clés »672.

Ces définitions vont dans le sens de celle apportée par Philippe le Tourneau, pour le transfert de « maitrise industrielle ». Selon lui, ce qui importe est un transfert d’aptitude et de compétence qui permette au récepteur de devenir autonome et de « s’affranchir de son

maitre »673.

451. Pour qualifier la « technologie », nous avions cité au premier chapitre la définition du « transfert de technologie » proposée dans « le projet de Code International de Conduite pour les Transferts de technologie » élaboré par la CNCUED (dans les années 70) : « Le transfert

de technologie est le transfert des connaissances systématiquement nécessaire à la fabrication d’un produit, à l’application d’un procédé ou à la prestation d’un service et ne s’étend pas aux transactions comportant la simple vente ou le simple louage de biens. »674. Ce texte se poursuit en citant des exemples de transfert de technologie :

« a) La cession, la vente ou la concession sous licence675 de toutes les formes de propriété industrielle, sauf pour les marques de fabrique, marques de service et noms commerciaux quand ils ne font pas parti des transactions portant sur un transfert de technologie ;

672 D. ROUACH, Management du transfert de technologie, Paris : PUF, 1999, p. 10.

673 P. LE TOURNEAU, L’ingénierie, les transferts de technologie et de maîtrise industrielle, Paris : LexisNexis, 2016, p. 11.

674 Art. 1.2. Nations Unies, 1979, doc. TD/Code ToT/20, novembre 1979.

675 Selon Silvère Seurat, « un contrat de licence se trouve souvent à l’origine d’un transfert de technologie mais il ne présente au mieux que la partie visible d’un iceberg dont la masse cachée s’analyse en un complexe maillage d’opérations – organisation, sélection, formation,- seules capables de permettre l’acclimatation effective de la technologie intéressée ». V. S. SEURAT, Réalités du transfert de technologie, Paris : Masson, 1978, p. 17.

176 b) La communication de savoir-faire et de connaissances techniques spécialisées sous forme d’étude de faisabilité, de plans de graphiques, de modèles, d’instructions, de manuels, de graphiques, de modèles, d’instructions, de manuels, de formules, d’études techniques de base ou détaillées, de spécifications et de matériel pour la formation, du services fournis par le personnel technique, consultatif et de gestion, et de formation de personnel ;

c) La communication des renseignements technologiques nécessaires pour l’installation, l’exploitation et le fonctionnement d’usines et de matériel et les projets « clé en main » ;

d) La communication des renseignements technologiques nécessaires pour acquérir, installer et utiliser des machines, du matériel, des biens intermédiaires et/ou des matières premières, dont l’acquisition s’est faite par achat, par louage ou par d’autres moyens ;

e) La communication du contenu technologique d’accord de coopération industrielle et technique ».676

452. Le Règlement (UE) n° 316/2014 de la Commission du 21 mars 2014 relatif à l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords de transfert de technologie, pour sa part effectue une définition des « accords de transfert de technologie » à travers deux exemples que sont la cession et la concession de technologie :

« i. un accord de concession de licence de droits sur technologie conclu entre deux

entreprises aux fins de la production de produits contractuels par le preneur de licence et/ou son ou ses sous-traitants;

ii. une cession de droits sur technologie entre deux entreprises aux fins de la production de produits contractuels lorsque le cédant continue de supporter une partie du risque lié à l’exploitation de la technologie »677.

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Comme celle de la CNUCED, les exemples d’accord de transfert de technologie apportés par le Règlement Européen, ne prétendent pas couvrir toutes les sortes de transfert de technologie, mais ceux pouvant être objet d’exemption678.

453. L’aspect international. Le transfert international de technologie date de la préhistoire. Un très grand nombre de techniques se sont diffusées sur l’ensemble de la terre sans que l’on sache pour autant, quand, où et par qui elles ont été inventées. Comme la roue, les différentes armes et surtout la production du feu679. De nos jours, deux phénomènes donnent de l’ampleur au transfert international de technologie : premièrement, la recherche d’activité par les pays développées minés par le chômage, et sa juxtaposition avec les besoins vitaux d’essor des pays en voie de développement680 ; deuxièmement, l’internet et la révolution digitale, rendent les frontières entre les États de plus en plus invisibles681, et les marchés sont de plus en plus internationaux682. Il faut cependant savoir qu’une grande partie des transferts de technologie mondiaux est réalisée entre divisions des groupes multinationaux683. Cela n’empêche, à partir du moment où le transfert est effectué entre deux pays différents, il est international. L’OCDE définit le transfert international de technologie comme « le processus

par lequel des innovations (nouveaux produits ou savoir-faire) réalisées dans un pays sont transmises dans un autre pays pour y être utilisées »684.

454. La complexité des activités industrielles et économiques veut que le transfert pur, impliquant un émetteur et un récepteur d’un savoir, donne parfois sa place à la coopération et au partenariat. Le transfert peut aller à sens unique685, mais pas toujours. Le récepteur peut

677 Art. 1.1.c. Règlement (UE) n° 316/2014 de la Commission du 21 mars 2014 relatif à l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords de transfert de technologie.

678 F. RIEM, « Accords de transfert de technologie », Rép. eu., 2017, n° 37.

679 D. ROUACH, J. KLATZMANN, Les transferts de technologie, Paris : PUF, 1993, p. 6.

680 P. LE TOURNEAU, L’ingénierie, les transferts de technologie et de maîtrise industrielle, Paris : LexisNexis, 2016, p. 11.

681 Même si des événements récents comme le Brexit et la prise de pouvoir des ultras-nationalistes dans certains pays développés nous laissent un gout amer.

682 P. LE TOURNEAU, L’ingénierie, les transferts de technologie et de maîtrise industrielle, Paris : LexisNexis, 2016, p. 15.

683 D. ROUACH, Management du transfert de technologie, Paris : PUF, 1999, p. 2.

684 Ph. LE TOURNEAU, L’ingénierie, les transferts de technologie et de maîtrise industrielle, Paris : LexisNexis, 2016, p. 11.

685 OMPI, « Transfert de technologie et développement », Magazine de l’OMPI, septembre 2006,

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apporter des modifications (pour l’adapter dans son nouveau contexte), mais aussi des améliorations à la technologie, et les communiquer à l’émetteur initial686. D’autres éléments comme la longévité et les méthodes de rémunération accroitront l’aspect coopératif de la transmission de la technologie.

455. Le transfert international de technologie sera étudié dans le cadre des clauses contractuelles dans la suite de la recherche687. Il sera d’abord analysé sous l’angle des méthodologies universelles de transfert (Chapitre I) et des réglementations nationales, communautaires et internationales qui peuvent limiter la liberté contractuelle des accords internationaux de transfert de technologie (Chapitre II).