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La spécificité de l’effro

B L’effroi et son rapport au traumatisme

B.1.2 La spécificité de l’effro

Selon T. Reik, « L’effroi ne s’explique qu’en partie par l’afflux soudain des excitations. Il s’agit en fait d’un « effroi en pensée » ainsi que Freud l’a défini dans l’Interprétation des Rêves. L’intensité de cette angoisse tient au fait que le rêveur voit surgir un matériel refoulé depuis longtemps. »188

La spécificité de l’effroi ne tient pas que dans l’afflux énergétique mis en avant dans la théorie énergétique du traumatisme élaborée par Freud, et c’est en cela que la position de Reik s’y distingue d’articuler l’effroi à la sphère signifiante.

Cet effroi en « pensée » prend racine dans du matériel inconscient refoulé. L’effroi n’est pas lié à la violence du choc de l’événement réel mais prend sa source dans le contenu du fantasme inconscient que celui-ci vient évoquer de manière aussi soudaine et brutale.

Reik se met donc à distance du modèle énergétique de la psychogenèse des névroses traumatiques pour introduire un facteur étiologique intrapsychique touchant aux fantasmes contenus dans l’inconscient dont « le rôle (…) dans la détermination de l’intensité de l’affect ne fait aucun doute ».189

Reik continu en soutenant que « le caractère spécifique de l’effroi réside dans le fait que le sujet revit tout à coup comme actuelle une ancienne angoisse inconsciente, même si par la suite il s’avère parfois que ce caractère s’insère dans une attitude psychique plus générale. Il n’y a pas matérialisation explicite d’une situation redoutée, mais survenue d’une impression réelle et inattendue qui a le pouvoir de réveiller par le biais du souvenir toute l’angoisse inconsciente de l’individu. Il suffit d’un stimulus matériel insignifiant (…) pour redonner vie à un ancien contenu représentatif et pour faire réapparaître dans toute leur violence les affects qui s’y attachent »190.

L’effroi ressenti serait alors une réactualisation de l’angoisse inconsciente liée au fantasme refoulé qui fait retour.

Dans sa manière d’articuler les choses Reik se distingue sur deux points de la modélisation freudienne de l’angoisse datant de 1916.

188 Reik, T. (1925), Effroi, névroses traumatiques, in Le besoin d’avouer, Paris Payot, 1973, p. 316. 189 Reik, T. (1925), Ibid.

En premier lieu, lorsqu’il articule l’effroi à l’angoisse, venant par là contredire la position freudienne qui définit l’effroi d’être cet affect ressenti en l’absence de toute angoisse. Pour Reik, l’angoisse est présente et c’est dans sa réactualisation qu’elle génère l’effroi.

En second lieu, concernant le fait que, dans la névrose traumatique, nous avons affaire à la levée du refoulement d’un fantasme inconscient, s’accompagnant d’une forme de réminiscence d’une angoisse dite « inconsciente ».

Rappelons que dans sa première théorie de l’angoisse, Freud pose l’affect comme résultant du refoulement de la motion pulsionnelle, problématique, en tant que transformation de la libido déliée.

Reik en fait tout autre chose et l’articule à la levée du refoulement.

Ce qui rejoindrait davantage la seconde construction freudienne publiée en 1925. Au sens où ce serait ce qui vient menacer le moi, sur le versant pulsionnel, réel ou de ce qui, du refoulé, viendrait faire retour, qui conduirait à une production d’angoisse émise par ce dernier dans une fonction d’évitement du danger.

Cependant, Reik, n’élabore pas cette idée en ce sens et inscrit cette angoisse du coté de l’inconscient. Inscription qui pose question. D’autant que T. Reik s’appuie sur cette idée pour justifier sa position contradictoire au regard de Freud.

C’est pour résoudre cette difficulté conceptuelle que Reik introduit la notion d’angoisse inconsciente qu’il oppose à la « préparation consciente à l’angoisse »191. Ainsi il énonce que « l’effroi présente toutes les caractéristiques d’une résurgence d’une ancienne angoisse inconsciente »192.

Mais peut-on qualifier l’angoisse d’ « inconsciente » ?

La première théorie de l’angoisse énonce que le refoulement des motions pulsionnelles, en procédant à la déliaison des affects qui leurs sont liés, transforme cette libido libérée en angoisse, affect situé alors hors inconscient.

La seconde théorie quant à elle situe l’angoisse comme affect ressenti par le moi devant la survenue d’un danger et provoquant le processus du refoulement. Ce faisant l’angoisse est un

191 Reik, T. (1925), Ibid., p. 320. 192 Reik, T. (1925), Ibid.

affect propre à la conscience même si son objet échappe à la saisie par cette dernière, indiquant par là sa nature inconsciente.

L’effroi est cependant considéré par Reik comme la « résurgence d’une ancienne angoisse inconsciente».

Qu’entend-il par là ?

Enoncer les choses de cette manière suppose une inscription historique de l’affect tant dans le temps que dans l’histoire du sujet.

Mais l’affect en général, et celui de l’angoisse en particulier, n’a-t-il pas cette particularité de ne pas être historisable ?

Ne s’agit-il pas plutôt d’un ressenti qui se produit dans l’actuel de l’événement, que ce soit dans le surgissement de l’événement lui-même dans le réel ou dans la réminiscence de l’événement ?

L’idée d’une résurgence de l’affect suppose que ce dernier soit « stocké », contenu dans un lieu psychique –désigné du coté de l’inconscient par Reik- ce qui ne saurait être le cas à partir du moment où l’angoisse se spécifie d’être une production du moi.

En ce sens, l’angoisse ne peut être l’objet d’une historisation qui autoriserait à la qualifier d’ancienne et encore moins celui d’un refoulement qui supposerait la possibilité de son retour accompagnant le fantasme refoulé.

Bien au-delà du fait que l’argument de Reik afin d’articuler l’angoisse à l’effroi ne résiste pas à la logique freudienne, nous pouvons nous interroger sur cette nécessité qui semble être la sienne de produire une telle articulation.

Pourquoi s’attend-il, dans le même mouvement du retour du fantasme refoulé, à voir un retour de l’angoisse qui avait accompagné sa constitution ?

Pourquoi chercher à en rajouter du coté de l’angoisse pour justifier le surgissement de l’effroi ?

L’effroi est de ne pas avoir été anticipé par l’angoisse, c’est là la thèse de Freud et celle que nous poursuivons. Cependant, l’effroi est par nature angoisse, mais angoisse débordante, envahissante, paralysante.

B.2

L’événement traumatique est un