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Informer pour échapper à l’illégalité et au paternalisme

A De la nécessité d’informer

A.1 Informer pour échapper à l’illégalité et au paternalisme

Pour certains auteurs39 ne pas informer le patient de son diagnostic et de son pronostic serait un acte illégal et paternaliste. Ils situent le médecin comme simple dépositaire d’un savoir sur la situation clinique et médicale du patient et son devoir serait de restituer une information appartenant de plein droit au malade.

Cette restitution doit cependant se faire de manière « éthique », c’est-à-dire qu’elle doit se réaliser en tenant compte de l’aspect déshumanisant que de tels propos ont pour celui qui les reçoit.

Les auteurs notent donc une difficulté majeure dans le fait d’informer un patient de son pronostic létal. Ainsi cette éthique de la communication aurait pour effet de soutenir « le patient dans l’appropriation de sa volonté et de sa finitude »40.

Mais la question ne semble pas se poser pour le corpus médical de savoir si l’important pour le patient est le maintien de cette autonomie ou le maintien d’une certaine forme de méconnaissance concernant sa propre mort à venir.

A.2

Information et compliance au traitement

Par ailleurs, L’information du patient semble avoir l’avantage pour les médecins de voir leur patient accepter docilement l’application de certains traitements.

Autrement dit, ce qui est recherché par certains d’entre eux41

, c’est la compliance au traitement, la participation active au bon déroulement de la thérapeutique.

L’auteur pointe l’importance d’être à l’écoute des demandes du malade concernant l’information. Mais il situe les choses du coté de ce qu’il veut savoir et de répondre à ses questions, à contrario, il n’aborde pas la question du désir de méconnaissance du patient si ce

39

Patenaude, J, Lorenzo, C, (2002).

40 Patenaude, J, Lorenzo, C, (2002), p. 64. 41

n’est que de manière succincte et uniquement pour énoncer qu’il s’agit de le respecter temporairement.

Hoerni précise que le patient a le droit d’accepter ou de refuser un traitement, mais cela suppose qu’il a été informé des risques encourus par le refus. D’autant que les médecins doivent convaincre les patients de la nécessité de faire le traitement avant d’accepter leur refus.

Il précise également que le patient a le droit de refuser d’être informé, ce qui suppose que le patient qui ne veut pas savoir soit en mesure de l’exprimer aussi clairement.

Or en règle générale, les choses ne sont pas aussi clairement exprimées. On repère qu’un patient ne veut pas savoir dans la mise en jeu du processus de la méconnaissance, c’est-à-dire dans tout ce qui peut servir à l’évitement de l’information.

En 2005, R. Aubry42

exprime son positionnement en faveur de l’annonce du pronostic létal en argumentant le fait que ne rien dire au malade « … a des conséquences néfastes. Pour la personne malade : les non dits engendrent une perception, une intuition marquée par l’angoisse ; cette angoisse vécue dans la solitude accentue la difficulté de communication qui a elle-même un effet crescendo sur l’angoisse »43.

Depuis quelques temps semble apparaître une idéologie de la communication44

patient- médecin. Les médecins attendent de leurs patients qu’ils puissent leur parler de leur maladie, de ce qu’ils en pensent, de ce qu’ils ressentent sans s’interroger sur le fait que cela puisse être de l’ordre du possible pour le malade, sans s’interroger sur l’insupportable que cela puisse générer chez ces sujets.

Les médecins contemporains espèrent pouvoir mettre en place une relation avec leur patient basé sur la réciprocité, sur la communication. Le concept de communication tel qu’il est mis en oeuvre par l’auteur a un sens bien particulier : au sens ou communiquer participe d’une forme d’aide « Aider, c’est pouvoir communiquer, toucher l’autre dans son altérité en communiquant avec lui »45 42 Aubry, R. (2005). 43 Aubry, R. (2005), p. 127. 44 Le Lous, P., Pautex, S. (2002). 45 Aubry, R. (2005).

Jean Pierre Aquino46, Gériatre, soutient la nécessité d’informer le patient de son diagnostic en argumentant le fait que savoir la cause des troubles ressentis peut avoir comme effet d’apaiser l’angoisse issue de la constatation par le patient de la perte de certaines fonctions cognitives. L’intérêt d’une annonce selon l’auteur est d’acquérir une adhésion du patient à l’observance du traitement. L’auteur estime, par ailleurs, que « Vouloir ménager [le patient] en restant dans le non- dit, en lui cachant la vérité aboutit à une situation de mensonge permanent empêchant le développement d’une relation empreinte de confiance »47.

Là encore apparaît cette mise en balance de la vérité et du mensonge48, alors qu’il est question d’information.

Répondre à l’attente du sujet lorsque celui-ci se situe dans une demande implicite de méconnaissance, en s’abstenant de l’informer, n’est pas une réponse mensongère par omission, mais une réponse en vérité et respectueuse de ce que le sujet est en mesure de supporter sur le plan psychique.

Sur ce point l’auteur reste ambivalent car d’un coté il estime qu’il y a surestimation des effets délétères de l’annonce sur le plan psychique et que cet argument vient davantage soutenir la gêne du médecin dans la pratique de l’annonce que d’une véritable attente du malade. Mais d’une autre coté, il reste sensible à la question de « droit de ne pas savoir » qui peut être respecté du moment qu’il « ne prive pas la personne d’une prise en charge adéquate »49.

Dans ce cas, le fait de ne pas savoir, de ne pas informer, devient acceptable pour le médecin, du moment que le patient accepte et observe parfaitement le traitement indiqué.

46 Aquino, J.P. (2005), L’annonce et ses confins dans la maladie d’Alzheimer, dans le Septième colloque de médecine et

psychanalyse, Violence de l’annonce, violence du dire, Etudes freudiennes, Paris, 2005, p. 27-34.

47

Aquino, J.P., 2005, p. 30.

48 Natali, F., Haguenauer, G. (1998), Patients atteints de maladie grave: dire la vérité?, ASP – liaison, 05/1998. –p. 29-31 49