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L’inconscient ne connaît rien de négatif

C Nature de ce qui est évoqué

C.1.2 L’inconscient ne connaît rien de négatif

La thèse principale de Freud afin de rendre compte de l’absence de représentation de la propre mort dans l’inconscient consiste en l’affirmation que l’inconscient « ne connaît absolument rien de négatif, aucune (dé)négation – en lui les contraires se recouvrent – et de ce fait ne connaît pas non plus notre propre mort, à laquelle nous ne pouvons donner qu’un contenu négatif. »205.

Cette thèse pose en soi un problème en ce que Freud tente de justifier l’absence de représentation de la propre mort dans l’inconscient en se fondant sur un jugement de valeur accordé au contenu de cette représentation.

Il s’agira donc de mettre cette idée en tension avec un autre texte de 1915 : « L’inconscient »206. Ce qui nous permettra de reprendre les propriétés du système Ics et de mettre à l’épreuve la thèse de Freud.

Pour ce faire, il nous paraît important d’interroger l’Ics dans ses propriétés topiques. Freud le situe comme une phase originaire de l’acte psychique en ce que les représentations s’y inscrivent originairement dans l’inconscient.

Elles s’y trouvent investies par la pulsion puis se présentent au Pcs qui sera mis en demeure d’accepter ou de refuser à ces représentations l’accès au Cs. S’il lui refuse l’accès, il y a censure, refoulement. La représentation préalablement inconsciente mais non refoulée, accède au statut du refoulé.

Freud précise alors que le refoulé n’est qu’une partie de l’inconscient, et de ce fait tout l’inconscient n’est pas refoulé.

Il est nécessaire de préciser que les représentations s’inscrivent préalablement dans l’Ics. Elles n’accèdent au Pcs / Cs que dans l’après-coup et si elles réussissent à franchir la censure avec succès.

Ainsi, la représentation qui est issue de la réalité extérieure en passe d’abord par l’inconscient et ce n’est qu’à condition de franchir avec succès la censure qu’elle accède au Cs.

205

Freud, S., (1915), Ibid., p. 42.

206

Le statut refoulé de la représentation n’est que secondaire à son inscription dans l’inconscient et dépend du jugement porté par le Pcs.

Un autre point fondamental, est de souligner la nature du contenu de l’inconscient qui est constitué par des représentations, issues de la réalité extérieure, investies par la pulsion. Ce sont des représentations de chose définies par Freud comme des « images mnésiques de chose ou des traces mnésiques plus éloignées qui en dérivent »207 investies de libido.

Il n’y a en effet, « ni négation, ni doute, ni degré dans la certitude. Tout cela n’est introduit que par le travail de la censure entre Ics et Pcs. »208

Le contenu de l’inconscient est neutre au sens où au préalable aucun jugement de valeur ne s’y inscrit.

Nous pouvons donc tirer cette première conclusion qui est de dire que l’inconscient qui est à distinguer du refoulé lui-même, est constitué de représentations de choses issues de la perception du monde extérieur.

Son contenu est dit neutre au sens où aucun jugement de valeur n’y a cours, il n’est introduit que dans un second temps par le Pcs et peut conduire au refoulement.

De fait on peut soutenir que l’inconscient ne connaît rien de négatif car son contenu est neutre.

Comment entendre dans ce cas le fait que l’inconscient ne « connaît pas notre propre mort à laquelle nous ne pouvons donner qu’un contenu négatif » ?

Mais par ailleurs, qui est ce nous qui porte ce jugement sur le contenu négatif de la propre mort ?

Est-ce l’inconscient qui porte un tel jugement ?

Admettre la possibilité que l’inconscient ne contienne pas de représentation de la propre mort à cause d’un contenu négatif, c’est admettre que l’inconscient puisse mettre en oeuvre un refus, une censure dans son propre contenu.

207

Freud, S., (1915), Ibid., pp. 116-117.

208

Or la position de Freud est loin de soutenir une telle chose : « (…) l’Ics est en outre atteint par les expériences vécues provenant de la perception extérieure. Toutes les voies qui mènent de la perception à l’Ics demeurent normalement libres ; seules celles qui, partant de l’Ics, conduisent plus loin, sont soumises à un barrage par le refoulement. ».209

Ainsi, l’inconscient ne peut ni porter un jugement de valeur, ni porter une censure sur ce qu’il perçoit de la réalité extérieure.

Dans ce cas est-ce le Pcs qui porte un tel jugement sur le contenu de la propre mort ?

Nous savons en effet que le système Pcs, avec le Cs sont les seuls systèmes pouvant opérer une censure.

Cependant, cette censure du Pcs ne s’opère que sur les représentations inconscientes cherchant à se faire entendre du Cs.

Or il n’existe pas de représentation de la propre mort dans l’inconscient susceptible de se voir investir de libido et de se présenter au Pcs. Le Pcs ne peut donc pas porter de jugement de valeur sur le contenu de la propre mort.

Au fond, l’inexistence de la représentation de la propre mort dans l’inconscient, en soit un fait psychique indiscutable, ne peut se justifier d’un jugement de valeur qui serait accordé à son contenu.

Dans ce cas la question reste ouverte de ce qui peut justifier la non-inscription de la représentation de la propre mort dans l’inconscient.

Cette question, c’est du côté de la perception que nous la traiterons.

209