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C.1.4 « L’inconscient dénie la mort comme non réelle »

T

ENIR LA MORT PROPRE POUR NON REELLE

:

UN DENI

?

Par ailleurs, comment pouvons-nous entendre cette affirmation de Freud lorsqu’il dit que « l’inconscient dénie211 la mort comme non réelle » ?

En effet, comment l’inconscient peut-il dénier la mort comme non réelle s’il ne connaît aucune dénégation212 ?

Il devient donc nécessaire, pour éclairer les propos de Freud de reprendre les textes sur

l’Inconscient et La Négation afin de resituer la question de la dénégation dans la dynamique

psychique.

Dans le texte sur la négation, Freud découpe son propos sur deux plans distincts : d’une part, le plan de l’inconscient, où ce qui émane de ce système sous forme de contenu de représentation ou de pensées refoulées, se voient niés afin d’accéder à la conscience de manière acceptable pour le moi.

Et d’autre part, le plan de la réalité, où le moi procéderait à un jugement afin de déterminer, en premier lieu, si une chose venant de l’extérieur présente de bonnes propriétés qui l’autoriseraient à être inclus dans le moi et, a contrario, si cette chose possède de mauvaises propriétés elle serait exclue hors du moi, et en second lieu, si une représentation interne au moi peut être retrouvée dans la réalité.

La négation serait donc une fonction de jugement produite par le moi.

La question se pose alors de savoir si l’inconscient est un système pouvant produire une dénégation.

211 Le signifiant déni, employé par Freud dans le texte sur les Considérations actuelles sur la guerre et la mort, ne renvoie pas

au mécanisme de défense au fondement de la structure de la perversion mais recouvre la signification de la dénégation. Dans le quotidien des soins palliatifs, les soignants ont tendance à user à tort du signifiant déni lorsque les patients se refusent à entendre parler ou parler de leur propre mort. Il ne s’agit évidemment pas du déni tel qu’il se constitue au fondement de la perversion mais de dénégation. De même lorsque Freud parle de déni dans son articulation à la mort, il s’agit de dénégation.

212

Freud ne laisse pas apparaître cette possibilité. L’Ics n’est pas l’instance qui produit la dénégation mais bien plutôt celui qui l’a subi. Ce sont ses contenus de représentations inconscientes, refoulés ou non, qui sont les possibles objets de la négation du moi.

Rappelons par ailleurs que le texte sur l’Inconscient de 1915 situe l’Ics comme un système dans lequel les représentations issues de perceptions parviennent librement. C’est-à-dire sans qu’aucun jugement ne soit porté sur leur contenu.

Ce jugement n’apparaissant qu’à l’issue de l’Ics, lorsque les représentations inconscientes, refoulées ou non, cherchent à se faire reconnaître du système Cs.

L’inconscient n’est donc pas un système pouvant émettre une dénégation tant sur le contenu des représentations qui lui parviennent de la perception que sur les perceptions elles-mêmes issues du réel.

Dans ce cas, qu’a donc voulu dire Freud en énonçant que « l’inconscient dénie la mort comme non réelle » ?

Enoncée de cette manière, la formule n’est pas acceptable. Cependant, Freud insiste pour faire entendre que l’Ics ne tient pas la mort, à entendre, la propre mort, comme quelque chose qui appartient au réel.

Une formule plus acceptable serait de dire que l’Ics tient la propre mort comme non réelle, qu’il ne lui reconnaît pas d’existence dans la réalité. C’est du côté de la perception que nous pouvons soutenir cette idée.

En effet, toutes représentations parvenant au système Ics de manière libre, c’est-à-dire sans être touchées par le jugement de la négation, sont issues de la perception de la réalité extérieure au psychisme. En conséquence, « l’existence de la représentation est déjà un garant de la réalité du représenté. »213

Or, concernant la propre mort que nous ne pourrons jamais percevoir, il ne peut s’en constituer de représentation contenue dans l’Ics. En conséquence, aucune représentation de la propre mort ne peut venir garantir la propre mort comme réelle.

213

En ce sens, donc, l’Ics ne peut tenir comme réelle la propre mort, non pas parce qu’il y a dénégation, mais parce que c’est là une conséquence de l’aperception de la propre mort dans le réel.

L

E DENI DE LA MORT

Un autre point de questionnement apparaît de la lecture du texte sur les Considérations

actuelles sur la guerre et la mort, notamment lorsque Freud est amené à dire que l’homme « accepta que la mort fût aussi pour lui, mais contesta sa signification en tant qu’anéantissement de la vie (…) »214.

En effet, comment peut-on tout à la fois dire que l’inconscient tient la mort pour non réelle et soutenir que l’on peut en accepter l’idée sous condition de dénier son contenu d’anéantissement de la vie ?

Nous venons de pointer qu’accepter l’idée de la propre mort ne met pas en jeu l’Ics qui se trouve en dehors de tout traitement d’une telle représentation.

Cela ne peut se faire que sur le plan du moi car la particularité de l’expression de cette idée est qu’elle se produit dans une forme de déni : cette contestation de l’anéantissement de la vie. Une dénégation que nous savons propre au moi.

Cependant, sur quel matériel le moi s’appuie-t-il pour élaborer une telle idée que nous savons exclue de toute représentation inconsciente ?

Cette idée a la particularité de ne pas être une représentation issue d’une perception mais une construction s’appuyant sur le déplacement de la représentation de la mort de l’autre sur soi- même. Cette idée est quelque chose de construit et modifié à partir de la représentation de la mort de l’autre.

214

C’est une forme de déduction : si l’autre peut mourir c’est que je peux mourir aussi, même si rien ne vient du réel en soutenir l’idée. Cela reste donc une pensée imaginaire.

Ainsi, il semble apparaître deux plans distincts d’appréhension de la propre mort : le plan de l’Ics, où il n’existe pas de représentation de la propre mort et le plan du Moi où l’idée de la propre mort est envisageable à condition qu’elle subisse un déni concernant la signification de l’anéantissement de la vie.

On peut donc, tout à la fois, tenir la mort propre pour non réelle, puisque cela se joue sur le plan de l’inconscient, et en accepter l’idée sous la forme du déni, car cela se joue sur le plan de l’imaginaire, du moi.

C.1.5

Appréhension de notre propre mort au travers de