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Spécificité d’un espace industriel local, spécificité territoriale ?

POINTS DE REPERES THEORIQUES ET METHODOLOGIQUES D’UNE DEMARCHE HISTORICO – DESCRIPTIVE

C. Saraceno (1999) parle de société locale lorsqu’on peut identifier des constellations relativement stables dans le temps d’acteurs, de processus, de cultures sociales et

1. Spécificité d’un espace industriel local, spécificité territoriale ?

Dans l’introduction, nous posions la question : La trajectoire du système productif peut-elle être orientée en fonction des aspirations et des caractéristiques locales ?*

Une spécificité de l’espace industriel local peut-elle s’installer, se différenciant, de cette spécificité française aidée et de branche ? Comment ?

La réglementation européenne est venue progressivement changer la donne en créant le Marché Commun et en remettant en cause les politiques d’aides à l’industrie de ses pays membres qui ont pris fin au 1er janvier 2001. Cette exigence a été intégrée aux Chantiers de l’Atlantique, dont toute la stratégie a été orientée vers une baisse des coûts de production drastique et le recours à l’externalisation d’une grande partie de ses activités, comme dans une grande partie de l’industrie française.

A travers l’étude de cas de la Navale (Deuxième partie) et la dynamique de construction du territoire (Troisième partie), nous constatons quatre avancées qui sont la résultante d’un engagement collectif des acteurs territoriaux dans la direction d’une spécificité plus territoriale.

Les deux premières avancées ont commencé à se structurer en fin des années 1990 à partir du programme STRIDE, les deux dernières sont en émergence :

1. Différenciation branche métallurgique et filière du génie naval, 2. Diversification et autonomisation des sous-traitants,

3. Mise en oeuvre de systèmes de mutualisation des emplois et de groupement d’employeurs,

4. Transformation du système productif local de la filière navale, en pôle industriel d’un système productif territorial.

- Nous décrivons, en deuxième partie, la création à Saint-Nazaire de l’association Pôle Marine des sous-traitants de la navale, présidée et animée par des chefs d’entreprises, comme filière reconnue du Génie Naval, représentative de l’ensemble des acteurs du génie naval et sollicitée en tant que telle dans le grand programme Cap Compétences.

De ce fait, on constate une différenciation structurée de la filière, en parallèle à la branche métallurgique, dont le porte parole Chantiers de l’Atlantique était auparavant l’unique interlocuteur local des pouvoirs publics. Dans le domaine naval, les pouvoirs publics doivent compter aujourd’hui sur un nouveau partenaire le Pôle Marine, en passe de devenir pôle industriel territorial.

- Le programme Cap Compétences de 37 millions d’Euros, dont 16 Millions fournis par les politiques publiques, a permis de faire face en 2004, à une baisse d’activité prolongée de l’activité navale qui aurait pu être dramatique pour l’emploi et la survie de nombreuses PMI du bassin nazairien. Ce programme, dans une dynamique d’anticipation et de dialogue entre les acteurs régionaux, a représenté un nouveau levier pour développer l’autonomie des PMI sous-traitantes. Il a permis de relever le niveau de qualification du bassin industriel et enfin de développer une méthodologie régionale de mise en œuvre de projets collectifs. Une partie importante de ce programme Cap Compétences et des précédentes actions menées fermement par les acteurs locaux et régionaux depuis 1994, à travers STRIDE, Nouvelle Donne Industrielle, Cap Performance et le nouveau programme régional Dinamic Entreprises, a engagé les PMI à se former au management et à se diversifier. Ces différents programmes ont par ailleurs développé des pratiques de parcours professionnalisés et de travail collaboratif entre entreprises, mais aussi entre acteurs du développement.

- La création en fin 2006, d’un groupement d’employeurs à Saint-Nazaire, devrait permettre de mutualiser des moyens afin de développer des compétences transférables, permettant d’amortir les cycles anarchiques de l’activité de la Navale, mais aussi d’autres turbulences, comme celles de l’Aéronautique par exemple.

Cette orientation devrait permettre aussi de traiter les effets pervers de certains métiers comme le soudage. On observe chez des soudeurs nazairiens des pratiques d’utilisation d’intérims successifs intercalés de périodes de chômage, mieux payées que dans un salariat ordinaire en entreprise. Des attitudes de chantage de certains ouvriers ont amené des employeurs à rechercher des soudeurs en Europe, particulièrement en Pologne. Ces pratiques entraînent aussi des effets pervers pour leurs bénéficiaires qui du fait de la précarité de leur statut, ne peuvent accéder, par exemple, aux prêts bancaires pour acheter un logement.

Mais plus encore ce système de groupement d’employeurs et les systèmes de formations engageant leurs acteurs dans des parcours professionnalisés représentent des avancées dans le cadre de la problématique flexibilité/sécurité des salariés soumis à un nouveau paradigme productif lié à la logique de marché actuelle que nous abordons en dernière section de la deuxième partie.

-Enfin la transformation à venir, du Pôle marine en Pôle industriel local, préfigure la transformation d’un SPL (Système productif local, définition de la DATAR) de filière en SPL territorial. Le système productif territorial pourrait alors intégrer les principales activités du Bassin d’Emploi de Saint-Nazaire. Ces activités (Industries navales, aéronautiques et automobiles, Construction mécanique, Industries des métaux, Construction électrique et électronique) participent à la base industrielle d’un ensemble de produits et de métiers regroupés sous l’appellation « fabrication de matériels de transport ».

Les politiques et dynamiques locales auraient- elles donc le pouvoir de construire des spécificités territoriales ?

La société de marché fait se conjuguer de plus en plus au niveau local, les systèmes productifs, éducatifs et de relations locales.

Les notions d’espace industriel, d’espace de qualification et d’espaces d’organisation, nous ramènent à l’«analyse sociétale». Plus souvent étudiée dans un comparatif entre Etats–

Nations, elle n’exclut pas la prise en compte des régulations régionales comme le montre aussi Eric Verdier dans «Mondialisation et analyse sociétale : l’exemple de l’innovation » (2000). «L’effet sociétal est, dit-il, la résultante de toutes ces interactions qui mettent aux prises des configurations d’acteurs publics et privés dont certains, au premier chef les firmes, sont mutipositionnées (du local au global)». La trajectoire d’innovation locale ne relèverait donc pas d’une lecture qui assimilerait le sociétal à une construction d’emblée nationale.

Les structures de négociations qui se construisent à partir de l’expérience et le développement de projets collectifs, dont nous décrivons les évolutions au cours des 20 dernières années, sont déterminées par ces faits d’organisation et faits de socialisation interdépendants qui se sont construits en prenant appui sur des dynamiques collectives de projets locaux multiples, mais concourrant.

La compétence collective organisationnelle, managériale développée dans un système régional spécifique de relations Education-Economie, associé à la mise en œuvre de ces projets prend à son tour valeur de socialisation des acteurs qui produisent «les valeurs structurelles» (Sellier-2002).

Tout au long de cette thèse, nous étudions les mécanismes coopératifs qui se structurent dans le domaine des relations Economie –Education (au sens large, intégrant aussi bien les relations recherche entreprise, que l’évolution des systèmes de formation alternée), conjuguant espace industriel et espace de qualification que nous avons traités en espace de compétences dans un sens plus stratégique. Nous étudions, par ailleurs, les mécanismes locaux de production d’externalités dans des formes diversifiées que prennent les interactions entre les acteurs moteurs du développement économique local. Dans ces cadres nous nous sommes intéressés aux dynamiques d’apprentissage, liés aux capacités cognitives des acteurs et à la qualité des régulations qu’ils sont à même de développer dans des contextes particuliers (Mendez et alii, 2000).

Espaces de projets et d’apprentissages collectifs, mécanismes coopératifs, productions d’externalités et d’espaces structurés, relations renforcées entre Economie et Education, entre réseaux et filières sont autant de signes porteurs de la construction d’une spécificité territoriale qui déroge à la spécificité nationale.

A travers ces différentes avancées, la question d’une spécificité territoriale durable est donc posée.

Mais pour aller plus en avant dans la lecture de la dimension locale de constructions productives d’aujourd’hui, reprenons les notions produites par les économistes. Ce sont ces concepts et définitions que saisissent les institutionnels pour expliciter les politiques publiques et leurs justifications.