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DEUXIEME PARTIE

2. La création de l’ICI

A la suite de l'expérience de la cellule Proto de Chambéry, les acteurs des structures CIL, CIBE, APRETTS créent en 1994 l'ICI, Institut de Créativité Industrielle.

La DATAR, le Lycée Aristide Briand, l'IUT de Saint-Nazaire et l’Ecole d'ingénieurs ESA-IGELEC nazairienne, sont associés au projet.

L’ICI permet des interconnexions entre les entreprises, les étudiants et les enseignants. Dans son budget de fonctionnement, les ressources provenant des contrats avec les entreprises atteignent 2/3 du financement, et 1/3 est assuré par des financements européens, notamment par le FEDER (Fonds Européens de Développement Régional). Chaque promotion regroupe une vingtaine d'étudiants du niveau BTS ou DUT dans une dizaine de spécialités technologiques. La durée des études d'une année, peut être portée à seize mois afin que les étudiants puissent terminer leur projet et que l'ICI délivre un diplôme universitaire, suite à la présentation du projet. La structure ne comprend que trois permanents (directeur, directeur-adjoint, secrétaire-comptable) et fonctionne avec les compétences du lycée et de l’IUT.

La formation dispensée à l'ICI comprend une partie théorique de 400 heures, et une partie pratique de 800 heures, fondée sur l'apprentissage d'une démarche de projet. Un protocole a été élaboré dont les principales étapes sont : la naissance du projet, son lancement avec la constitution d'une équipe et la signature d'un contrat avec l'entreprise, l'étude de la faisabilité et le développement qui s'accompagne de l'élaboration d'un prototype.

212.4 L’organisation interne des Chantiers

La construction des grands paquebots de croisières s’amorce à la fin des années 80 avec le

« Sovereign of the sea » (1987). Après ce pari gagné du retour à la construction de paquebots, le plan d’externalisation des Chantiers vers la sous-traitance est suivi d’un plan d’organisation interne structuré autour de 5 métiers: coque métallique, énergie et fluides, électricité, peinture/anticorrosion, emménagement et conditionnement d’air.

La maîtrise de l’ensemble des activités n’était plus possible dans l’organisation pyramidale, issue d’une logique taylorienne par fonctions (Achats, Production, vente, Finances, Ressources humaines..). Plus l’entreprise se développe, plus les niveaux de l’organigramme se renforcent, plus les services centraux sont éloignés des besoins du terrain, plus la perte en ligne de la communication est importante, entraînant démotivation, inefficacité des équipes, création

d’esprit de chapelle privilégiant l’intérêt particulier au détriment de l’intérêt général de l’entreprise.

Les fonctions conception, planification, contrôle, exécution sont alors confiées à chaque groupe métier qui est amené à faire directement appel à des fournisseurs et sous-traitants.

La construction modulaire par blocs se renforce.

La réalisation d’un navire, depuis la phase d’études jusqu’à sa livraison, est assurée par 5 spécialités complémentaires de groupe métier:

1 - La spécialité Coque Métallique a en charge la réalisation de toute la structure métallique en acier constituant le navire, c’est à dire la coque et toutes les superstructures métalliques en général, c’est ce qu’on pourrait appeler le « gros œuvre ». Cette spécialité est présente au stade des études de conception où sont réalisés les calculs de structure et les études hydrodynamiques, dans les ateliers de pré-préfabrication, préfabrication et évidemment au stade du montage.

2 - La spécialité Energie & Fluides réalise les études et le montage des systèmes et équipements de propulsion diesel, gaz ou vapeur, ainsi que la production et distribution des fluides.

3 - La spécialité Electricité est responsable des études, du montage et des essais pour la production et la distribution d’énergie électrique, l’informatique embarquée et l’électricité des équipements de navigation, de communication et de sécurité.

4 - La spécialité Peinture / Anticorrosion assure l’ensemble des peintures extérieures et intérieures des navires et les revêtements anticorrosion au cours des différentes phases de réalisation. Elle réalise les études, les approvisionnements et participe à la préparation des surfaces à peindre (grenaillage, ragréage….)

5 - La spécialité Emménagements et Conditionnement d’air réalise l’ensemble des aménagements des navires (cabines, salles de restauration…..) ainsi que les conditionnements d’air (climatisation, évacuation….).

- La construction modulaire en blocs :

Le principe de base de la construction des navires est le montage par éléments préfabriqués. Chaque navire est découpé en éléments dénommés blocs (de 40 à 60 blocs pour les paquebots), qui sont assemblés dans une forme de construction (ou cale sèche), selon un ordre établi en fonction de leur position dans le navire. Le montage par bloc offre des gains de productivité considérables par rapport à un assemblage du navire pièce par pièce.

La largeur des blocs de paquebots ne doit pas dépasser 32 m pour qu’ils puissent passer le Canal de Panama. Exemple de dimensions d’un bloc : hauteur = 5.4 m, longueur = 25.5 m, largeur = 18.7 m.

Les panneaux et indices : Les blocs sont eux-mêmes constitués de sous-éléments, les panneaux, réalisés par les ateliers de préfabrication. On regroupe généralement de 4 à 6 panneaux par blocs. Enfin, les panneaux sont découpés en indices correspondant à des types d’assemblage et aux ateliers destinataires.

A leur sortie d’ateliers, les panneaux sont assemblés sur une aire spéciale, l’aire de pré montage, pour former les blocs qui seront acheminés par un portique vers la forme de construction pour leur arrimage à bord du navire.

212.5 Système Productif Local : SPL Génie naval de Saint- Nazaire : La réorganisation des sous-traitants des Chantiers de l’Atlantique pour profiter de la reprise et prévoir l’avenir.

Le développement du Génie naval, qui vient de passer le cap difficile des années 91/92 /93, est à la base de ce SPL, sur un territoire de mono-industrie où les Chantiers dominent toujours la vie de Saint-Nazaire et de ses environs. Nous sommes dans un système de sous-traitance avec un donneur d‘ordre unique disposant d’un nombre limité de commandes, mais d’un montant considérable (contrairement à l’automobile par exemple ou aux autres biens de consommation).

Soixante dix pour cent de la valeur produite sont sous-traités, et ce pour moitié en Loire Atlantique. Les sous-traitants de Loire Atlantique forment un milieu homogène. Chacun a une très bonne connaissance de ses concurrents et partenaires.

Les sous-traitants peu organisés, à tendance individualiste et souvent dirigés par des anciens des Chantiers voulant prendre leur autonomie, vont commencer à prendre conscience de leurs besoins technologiques et à s’appuyer sur leur environnement de formation et de conseil à travers les différentes initiatives lancées par les acteurs du développement .

En 1995 les Chantiers de l’Atlantique mettent au point la charte de la sous-traitance pour faire évoluer les sous-traitants. (Ils ne doivent pas dépasser 30 % de leur chiffre d’affaires avec les Chantiers).

En 1997, la CCI de Nantes et de Saint-Nazaire lance le concept “Nouvelle Donne”

permettant aux entreprises “de bénéficier d’un diagnostic et d’établir un plan de progrès pour mieux répondre aux exigences des Grands Donneurs d’Ordre". Une quarantaine d’audits pilotés par la CCI sont ainsi effectués. Ce travail financé par le Fonds Social Européen (FSE objectif 4) vient renforcer la première approche des besoins technologiques des entreprises, qui a permis pendant quatre ans d’observer leur comportement, d’accompagner et de conseiller leur responsable.

Courant 1998 le programme CAP 21 est lancé par les Chantiers de l’Atlantique. On peut résumer ses objectifs en trois points :

Améliorer fortement la performance (notamment gagner 30% sur les coûts), Devenir le leader mondial sur les paquebots,

Doubler le volume de production.

Fin 1998, l'appel à projet SPL de la DATAR arrive au bon moment.

Soucieuse de dynamiser ces systèmes d’articulation productive d’entreprises sur un territoire, la DATAR engage en 1997 une réflexion pour mener une politique d’appui aux PME. Son ambition : donner aux PME les moyens de dépasser leurs handicaps, d’enrichir leur offre en s’appuyant sur des ressources locales et des initiatives collectives.

Le Comité Interministériel d’Aménagement et de Développement du Territoire (CIADT) du 15 décembre 1997 officialise ce projet. Adoptant une démarche expérimentale, la DATAR choisit la formule de l’appel à projet dont le premier est lancé en novembre 1998.

Forte de l’expérience menée à travers les actions STRIDE avec la mission FRADE puis de

« Nouvelle Donne », la CCI répond à ce premier appel à projet de la DATAR.

Les 60 premiers dossiers sélectionnés par la DATAR se sont vus attribuer 2,1 millions d’Euros au titre du Fonds National d’Aménagement et de Développement du Territoire (FNADT).

La sélection des dossiers, présentés aussi bien par des structures publiques que privées, s’est effectuée à partir de 3 critères principaux :

Le nombre d’entreprises concernées et leurs perspectives de développement,

Les « externalités positives » produites par le tissu local au bénéfice des entreprises (nouvelles formes de relations, environnement favorable à l’initiative économique, effet d’entraînement sur d’autres secteurs ou entreprises…),

Les retombées en termes de production d’emploi.

On remarque dans l’annuaire DATAR des appels à projets lancés en 1998, 1999, 2000 que les spécificités des territoires et de l’emploi des SPL sont précisées à partir des statistiques INSEE-SESSI qui ne prennent en compte que les établissements de plus de 20 salariés, sous-traitants et Grands Donneurs d’Ordres confondus !

A partir de cette restriction d’importance dans un bassin de très petites entreprises, les éléments retenus par la DATAR dans le secteur d’activités 351B (construction de navires civils) pour le SPL « Pôle de compétences en génie naval des PMI du bassin d’emploi Nantes Saint-Nazaire » sont les suivants :

Evolution de l’emploi du secteur sur la période 1993-2001 (SESSI):

1993 1998 2001 93/98 93/01

A partir des deux tableaux ci-dessus, la DATAR constate que la concentration du secteur de la construction navale sur le territoire est grande.

Saint-Nazaire est spécialisé dans les navires civils alors que les bateaux de plaisance sont construits en Vendée. Pris dans sa globalité, 46% du secteur de la construction navale en France sont localisés dans la région Pays de la Loire.

Le SPL de 1999 est constitué par les sous-traitants des chantiers navals. On compte alors à Saint-Nazaire 140 établissements fournisseurs et sous-traitants de la construction navale.

Beaucoup d’entres eux ont été créés par les Donneurs d'Ordre.

On constate aussi que ce secteur a connu entre 1993 et 1998 une évolution moins favorable que le reste de la France.

Cependant, malgré le manque de statistiques au niveau national intégrant les moins de 21 salariés, pour la première fois, les caractéristiques du secteur de la sous-traitance sont prises en compte. Ils font ressortir « le Pôle Marine du génie naval de Nantes –Saint-Nazaire » un réseau spécifique par rapport aux entreprises leaders : Chantiers de l’Atlantique, Alstom Leroux, DCN Indret.

2.1.3 Début du millénaire : les nouvelles problématiques industrielles

Une troisième génération de l’industrie portuaire s’organise avec l’entreprise étendue et le développement des fournisseurs (213.1 – points 1 et 2).

On assiste à la diversification et au maillage des compétences des sous-traitants à travers le Pôle Marine et le programme Cap Compétences (213.2).

Une nouvelle organisation est mise en œuvre aux Chantiers de l’Atlantique et dans le même temps on assiste à la concentration européenne des chantiers navals (213.3)

213.1 Les Chantiers de l’Atlantique, leader de la construction de paquebots

En un peu plus de trois ans, le constructeur naval est passé de l’état de chantier en difficulté promis à la réduction d’effectifs et aux plans sociaux, à celui de leader mondial de la construction de paquebots, métamorphose due en partie, selon Philippe Bouquet-Nadaud responsable des ressources humaines, à la mise en place d’un vaste plan de développement social.

Depuis le début des années 1990, le nombre des commandes ne cesse de diminuer aux Chantiers de l’Atlantique alors que la demande de bateaux au niveau mondial, est elle en progression constante. Et en même temps, la menace de la fin des aides des Etats européens devient de plus en plus concrète.

L’unique chance pour le chantier nazairien est donc de s’engager dans une nouvelle dynamique en procédant à une profonde mutation.

C’est pourquoi, en 1998, le nouveau PDG Patrick Boissier, a lancé un plan de relance particulièrement ambitieux, baptisé « Cap 21 ».

Son objectif : abaisser de 30% les coûts de fabrication des navires. Il s’agissait de faire face à la concurrence de chantiers « essentiellement européens » tout en renonçant –sous pression de la Communauté Européenne- aux aides publiques.

Cap 21 : Selon ses promoteurs c’est « une véritable révolution culturelle pour passer de

« l’artisanat géant sur mesure, à une réelle industrialisation de petites séries en passant d’une production de deux navires par an à quatre à six navires par an ».

A cette période, poussée par les vents porteurs du marché de la croisière, la filiale d’Alstom voit ses carnets de commande se remplir : 17 paquebots à livrer avant 2005.

Le plan de développement social élaboré en 1998 s’est concrétisé dès 2000 à partir de 7 axes de progrès :

Augmentation de l’autonomie du personnel en créant des équipes autonomes et en resituant les managers dans leur rôle d’encadrement de proximité.

Aménagement du temps de travail en améliorant la flexibilité (avec un passage en 2x8 de toute la production), la productivité, l’épargne-temps avec l’objectif de parvenir à la saturation de l’outil.

Mise en place de formation au management, des échanges d’expériences et de pratiques et systèmes d’évaluation des performances et des résultats.

Rééquilibrage de la pyramide des âges : embauche de 1 500 CDI (Contrats à Durée Indéterminée) et départs en préretraite progressive avec l’aide des pouvoirs publics.

Renforcement du dialogue avec les représentants du personnel associés dès le départ à la « démarche de progrès ».

Prise en compte de la prévention du risque d’alcool par une démarche pédagogique à base d’informations et de soutien.

Amélioration de la logistique sociale notamment du système de restauration en

« réduisant au maximum » les trajets lieu de travail-restaurant

Entre 1998 et 2001, 2 200 embauches ont été réalisées aux Chantiers de l’Atlantique et plus de 4 000 créations d’emploi ont été générées chez ses co-réalisateurs.

La nouvelle politique Cap 21 lancée par la nouvelle direction des Chantiers de l’Atlantique en 1998 obtient 29% de gain en 1999. Les fournisseurs ont rogné sur leur marge et chaque direction a su générer des gains de productivité. Il semble difficile d’aller plus loin.

Il faut donc aller chercher des idées à l’extérieur. En pratiquant ce « benchmarking », les Chantiers prennent contact avec CEFORALP à Lyon, pour accompagner leurs nouveaux objectifs de Cap 21 + dans le cadre d’un projet nommé CAP Performance, financé par des fonds européens FSE objectif 3.

L’histoire de ce transfert, de Rhône Alpes aux Pays de la Loire, en matière de savoir faire PMI est détaillée dans la troisième partie.